samedi 2 juillet 2011

Ouvrir grand les bras à l'Etat palestinien

01.07.11
J'imagine qu'après la visite à Washington de Benyamin Nétanyahou, lui-même et son entourage ont tiré la plus grande fierté de leur prestation. Mais qu'y ont vu les Palestiniens ? Qu'a pu y voir la jeunesse arabe ? Ce qu'ils ont vu avant tout, c'est qu'Israël continue de se moquer du monde, tout en entretenant l'illusion de négociations toujours possibles, comme si les conditions définies par Benyamin Nétanyahou laissaient la moindre place au compromis. Dans son discours, M. Nétanyahou a prononcé cinquante fois le mot "paix", mais il n'a même pas cherché à maquiller ce "non" qui s'inscrivait partout entre les lignes.
Il a répété "non" à l'envi, avec un sourire suffisant et un visage déconcertant d'assurance. M. Nétanyahou est certainement disposé à continuer à parler de paix ; il est à n'en pas douter disposé à maintenir l'emprise d'Israël sur les territoires occupés dans le cadre du processus de paix. Mais tout observateur perspicace aura compris que de vraies négociations de paix sont impossibles dans les conditions qu'a définies Israël à Washington.
Ce que les Arabes et les Palestiniens ont vu également, c'est une Amérique naïve et détachée applaudissant une politique d'intransigeance, aveugle au tour de passe-passe de Benyamin Nétanyahou. Ils ont vu les deux chambres du Congrès des Etats-Unis acclamer le premier ministre israélien qui déclarait Jérusalem indivisible et, par là même, la mort du processus de paix. Ils ont vu les parlementaires américains courber la tête devant la seule démocratie occidentale qui continue d'opprimer un autre peuple, et qui le fait depuis près de cinquante ans. Ils ont vu les Etats-Unis s'accrocher à des sentiments d'hier, ne faire aucun effort pour comprendre les horizons de demain.
L'avenir montrera que ces événements à Washington ont entériné la perte du nouveau Moyen-Orient par les vieux Etats-Unis. Le crédit gagné par Barack Obama au Caire il y a moins de deux ans aura été dilapidé en un clin d'oeil. Quand un Palestinien voit Nétanyahou sous les applaudissements à Washington, que peut-il penser de cette superpuissance censée jouer le rôle d'intermédiaire impartial ?
Prévenir le pire
La colère et la frustration peuvent prendre bien des formes différentes - un nouveau cycle de violences, ou bien le rejet, par cette impressionnante jeune génération, de tout ce que l'Occident peut avoir de positif. Nous sommes donc à un moment-clé où il faut que l'Europe fasse le lien entre des Etats-Unis de plus en plus dépassés, et ce formidable potentiel qui s'éveille au Moyen-Orient. Dans le cas contraire, l'Europe risque, elle aussi, de perdre cette nouvelle génération.
L'appel lancé aux chefs d'Etat européens par le groupe d'intellectuels israéliens dont j'ai l'honneur de faire partie s'inscrit dans un vaste effort mené par des éléments démocratiques de la société israélienne pour prévenir le pire. Nous avons appelé l'Europe à montrer la voie en accueillant une Palestine indépendante dans la grande famille des nations. Nous avons souligné que c'était nécessaire pour sortir de l'impasse, mais aussi conforme aux intérêts d'Israël. Sans compter qu'il n'y a guère de sens à s'efforcer d'éviter un événement dont nous sommes tous convaincus qu'il finira par advenir.
Aujourd'hui, après trente ans d'entêtement et de stagnation, Benyamin Nétanyahou est enfin prêt à reconnaître qu'Israël ne peut maintenir toutes ses colonies. Combien d'années devront encore s'écouler, combien de vies seront sacrifiées, avant qu'il accepte de faire l'inévitable pas en avant ? Car tôt ou tard, un Etat palestinien sera créé. Israël serait bien avisé de le reconnaître dès maintenant pour que puissent s'ouvrir ensuite des négociations entre deux Etats souverains sur les problèmes qu'il leur reste à résoudre.
Le processus de paix a presque vingt ans. Dans son ombre, c'est toute une génération d'Israéliens et de Palestiniens qui ont grandi et perdu leur innocence. La plupart ne croient plus que ce processus débouchera sur un avenir meilleur. La stratégie palestinienne, qui conjugue construction de structures étatiques et souhait de reconnaissance par les Nations unies, ne peut pas se substituer à l'espoir de paix, mais elle est à l'image de ce nouvel esprit qui souffle sur tout le Moyen-Orient.
C'est ce nouvel esprit, ce sont ces transformations qui permettront au long processus de paix d'atteindre enfin son but. Un Etat palestinien sera créé. Ce n'est qu'en le reconnaissant, en oeuvrant à son acceptation au sein de la famille des nations, que nous nous rapprocherons de ce jour où deux Etats souverains se partageront dans la paix et la prospérité cette étroite bande de terre entre Jourdain et Méditerranée. Dès septembre, ouvrons grand nos bras à l'Etat palestinien.
Traduit de l'anglais par Julie Marcot