vendredi 4 mars 2011

Le Palestinien Elias Sanbar nous offre une belle leçon d’histoire

publié le jeudi 3 mars 2011

Anna Musso

 
Au moment où les révolutions secouent le monde arabe, une foule nombreuse s’est retrouvée samedi (12 février) à la Maison de la Poésie dans le cadre des rencontres des Amis de l’Humanité, pour écouter et discuter avec l’intellectuel palestinien Elias Sanbar.
Maison de la poésie
Bel hasard de programmation  : samedi (12 février), 
au lendemain de la démission du président égyptien Hosni Moubarak et, après la révolution en Tunisie, la deuxième saison du cycle de conférences « Figures d’Humanité » organisée par les Amis de l’Humanité en partenariat avec la Maison de la Poésie, avait pour invité le Palestinien Elias Sanbar.
Applaudi dès son entrée, l’écrivain, poète, historien et ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco, est arrivé souriant, costume gris et lunettes rondes. Partant de la célèbre citation de Jaurès « l’humanité n’existe point encore ou elle existe à peine », Elias Sanbar insiste sur la nécessité de parler de figures d’humanité au pluriel et dénonce la notion d’absolu qui traverse, selon les époques, l’histoire de la Palestine   : on détruit un pays pour une vérité absolue (celle de la Genèse), on le remplace par un État juif pour un bien absolu face à un mal absolu (le nazisme)…
Durant plus d’une heure, de façon pédagogique et avec une pointe d’humour, sans une once de moralisme, Elias Sanbar retrace l’histoire de la destruction d’une figure d’humanité, qui a commencé bien avant le sionisme  : au milieu du XIXe siècle, avec l’église britannique qui voulut infirmer les thèses de Darwin en Terre sainte, en Palestine (voir texte ci-dessous). Sauf que « le livre ne correspondant pas au lieu, on inventa un lieu qui entrait dans le livre  !  » se moque-t-il. C’est ainsi que s’installe l’idée du déplacement de cette population. Les Palestiniens sont perçus comme un peuple intrus et la Palestine une terre pour laquelle il faut trouver une rédemption, explique l’historien. Puis s’y ajoute le sionisme. «  Ce n’est pas un projet colonial classique, c’est un projet de remplacement.  » Une destruction qui s’étend jusqu’aux noms  : le mot Palestine n’existe pas. On appelle les Palestiniens des Arabes d’Israël, des réfugiés arabes… «  Ils deviennent des absents sans nom.  » «  J’ai vécu cette fabrication d’invisibilité et de l’absence  », raconte Elias Sanbar. Progressant dans l’histoire, l’écrivain conclut sur les événements en Tunisie et en Égypte  : «  En Palestine on était ivre de joie. C’est une grande leçon. D’ici à quelques mois, 
il est probable que le paysage arabe soit différent.  »

Les questions fusent dans la salle. Chacun s’interroge sur l’avenir de la Palestine, sa liberté, la société à venir… En attendant, Elias Sanbar annonce qu’il prépare l’entrée de la Palestine à l’ONU en septembre. «  Nous n’allons pas proclamer l’État de Palestine, 
il est proclamé, nous essayons d’obtenir la reconnaissance du plus grand nombre de pays.  »
publié par l’Humanité le15 février