dimanche 27 février 2011

Les évangélistes américains, alliés extrêmement fidèles d'Israël

26 Février 2011
GRANGEREAU Philippe
Pendant le bombardement israélien du Liban en juillet 2006, plus de 3 500 chrétiens évangéliques conduits par le pasteur texan John Hagee ont convergé vers Washington. Au cours d'un grand dîner auquel était convié l'ambassadeur d'Israël, le pasteur a exhorté ses disciples, membres de l'organisation des Chrétiens unis pour Israël, à plaider auprès de leurs représentants au Congrès afin qu'ils «laissent Israël faire son travail pour anéantir le Hezbollah».«Le soutien à Israël, a proclamé John Hagee, est la politique étrangère de Dieu» dans cette «bataille entre le bien et le mal».
Bible best-seller. Des délégués du pasteur, qui dirige une église de 18 000 fidèles à San Antonio, ont été reçus peu après par Bush à la Maison Blanche. La veille du départ du Président pour son voyage au Moyen-Orient, le révérend Hagee est revenu à la charge, exhortant Bush à «rallier la communauté internationale contre l'Iran», et Israël à «résister aux pressions pour diviser Jérusalem».
Ces militants font partie des 40 millions de chrétiens évangéliques qui constituent la base électorale la plus solide du Parti républicain. La plupart sont de fervents sionistes : ils croient que l'établissement d'un Etat juif en Palestine est l'accomplissement de la prophétie de la Bible - éternel best-seller aux Etats-Unis. Chaque année, 25 millions d'exemplaires y sont vendus, en dépit du fait que chaque famille américaine en possède déjà quatre en moyenne. «D'après la Genèse, Dieu a donné la terre d'Israël à Abraham et ses descendants ; en colonisant la Cisjordanie, les Juifs reprennent ni plus ni moins possession de ce que Dieu leur a donné», écrivent les auteurs du Lobby israélien et la Politique étrangère des Etats-Unis (New York, 2007) pour expliquer le point de vue de ces chrétiens évangéliques, qu'ils considèrent comme une partie intégrante du «lobby pro israélien».
Tout aurait vraiment commencé dans les années 80, après que le Premier ministre Menahem Begin eut rencontré, à plusieurs reprises, le pasteur Hagee. Ce dernier est loin d'être le seul religieux à cimenter cette alliance. Elle est aussi appuyée par le célèbre télévangéliste Pat Robertson, qui s'est rendu en Israël durant le conflit de 2006. Il a, peu après, participé à une publicité pour attirer les chrétiens américains en Israël, alors déserté par les touristes. Chaque année, 400 000 visiteurs américains, en majorité des évangélistes, apportent une manne considérable en Israël. Le quotidien Jerusalem Post a d'ailleurs créé une édition destinée aux chrétiens américains.
«Nationalisme chrétien». Fondée en 1983, l'Association internationale des chrétiens et des juifs, dirigée par le rabbin Yechiel Eckstein, consacre en moyenne 10 millions de dollars par an (6,82 millions d'euros) pour aider les juifs du monde entier à s'installer en Israël. Le poids des groupes de pression évangéliques sur la politique extérieure des Etats-Unis inquiète Nancy Roman, du Conseil des relations étrangères (CFR), un centre de réflexion de Washington. Auteur d'un ouvrage déplorant la montée d'un «nationalisme chrétien» qui saperait, selon elle, les bases de la démocratie américaine, elle estime que le sionisme chrétien est la cheville ouvrière du soutien américain en faveur des positions israéliennes les plus dures, comme la poursuite de la colonisation en Cisjordanie. Ce lobby aurait, dit-elle, davantage d'influence sur la politique moyen-orientale des Etats-Unis que le Comité des affaires publiques américano-israélien (Aipac), le puissant lobby pro israélien qui a pignon sur rue à Washington. Peut-être par vanité, le pasteur Hagee ne la dément pas: «Quand un membre du Congrès voit quelqu'un de l'Aipac passer le seuil de sa porte, il sait qu'il représente six millions de personnes, déclarait-il l'an dernier. Nous, on en représente 40 millions.» De notre correspondant à Washington.