samedi 27 février 2010

Des produits originaires de Cisjordanie ne peuvent bénéficier du régime douanier préférentiel de l’accord CE-Israël

publié le vendredi 26 février 2010
Cour de justice de l’Union européenne
 
Cour de justice de l’Union européenne
COMMUNIQUÉ DE PRESSE n° 14/10
Arrêt dans l’affaire C-386/08
Firma Brita GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Hafen
Luxembourg, le 25 février 2010
L’affirmation des autorités israéliennes selon laquelle des produits fabriqués en territoires occupés bénéficient du traitement préférentiel accordé aux marchandises israéliennes ne lie pas les autorités douanières de l’Union.
La Communauté européenne a successivement conclu deux accords d’association euro-méditerranéens, le premier avec Israël (accord CE-Israël1) et le second avec l’Organisation de libération de la Palestine (accord CE-OLP2), cette dernière agissant pour l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Ces accords prévoient notamment que les produits industriels originaires d’Israël et des territoires palestiniens peuvent être importés dans l’Union européenne en exemption des droits de douane et que les autorités compétentes des parties coopèrent en vue de déterminer l’origine exacte des produits bénéficiant du régime préférentiel.
Brita est une société allemande qui importe des gazéificateurs d’eau ainsi que des accessoires et des sirops, fabriqués par un fournisseur israélien, Soda-Club, dont le site de production est implanté à Mishor Adumin, en Cisjordanie, à l’est de Jérusalem.
Brita a voulu importer en Allemagne des marchandises fournies par Soda-Club. La société a communiqué aux autorités douanières allemandes que les marchandises étaient originaires d’Israël et a donc souhaité bénéficier du régime préférentiel de l’accord CE-Israël. Soupçonnant que les produits étaient originaires des territoires occupés, les autorités allemandes ont demandé aux autorités douanières israéliennes de confirmer que ceux-ci n’avaient pas été fabriqués dans ces territoires.
Alors que les autorités israéliennes ont confirmé que les marchandises en question étaient originaires d’une zone sous leur responsabilité, elles n’ont toutefois pas répondu à la question de savoir si elles avaient été fabriquées en territoires occupés. Pour cette raison, les autorités allemandes ont finalement refusé d’accorder à Brita le bénéfice du régime préférentiel, au motif qu’il ne pouvait pas être vérifié avec certitude que les marchandises importées relevaient du champ d’application de l’accord CE-Israël.
Brita a attaqué en justice cette décision et le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg, Allemagne) demande à la Cour de justice si les marchandises fabriquées en territoires palestiniens occupés, dont l’origine israélienne est confirmée par les autorités israéliennes, peuvent bénéficier du régime préférentiel instauré par l’accord CE-Israël.
Dans son arrêt de ce jour, la Cour constate que chacun des deux accords d’association a un champ d’application territorial propre : l’accord CE-Israël s’applique au territoire de l’État
1 Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, signé à Bruxelles le 20 novembre 1995 (JO 2000, L 147, p. 3).
2 Accord d’association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges commerciaux et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d’autre part, signé à Bruxelles le 24 février 1997 (JO 1997, L 187, p. 3).
La Cour relève que le droit international général interdit de créer une obligation pour un sujet tiers, tel que l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, sans son consentement (44). L’accord CE-Israël ne peut donc pas être interprété de telle sorte que les autorités palestiniennes soient contraintes de renoncer à pouvoir vérifier l’origine des marchandises produites en territoires relevant de leurs compétences douanières.
Dans ces conditions, la Cour statue que les produits originaires de Cisjordanie ne relèvent pas du champ d’application territorial de l’accord CE-Israël et ne sauraient donc bénéficier du régime préférentiel instauré par celui-ci. Il s’ensuit que les autorités douanières allemandes pouvaient refuser d’accorder le traitement préférentiel prévu par cet accord aux marchandises concernées au motif que celles-ci étaient originaires de Cisjordanie.
La Cour rejette également l’hypothèse selon laquelle le bénéfice du régime préférentiel devrait être, en tout état de cause, octroyé aux producteurs israéliens installés en territoires occupés soit en vertu de l’accord CE-Israël soit sur la base de l’accord CE-OLP. La Cour relève que des marchandises certifiées par les autorités israéliennes comme étant originaires d’Israël peuvent bénéficier d’un traitement préférentiel uniquement en vertu de l’accord CE-Israël, pourvu qu’elles aient été fabriquées en Israël.
En ce qui concerne l’affirmation des autorités israéliennes selon laquelle les marchandises en question sont originaires d’Israël, la Cour rappelle que la détermination de l’origine des produits est établie par les autorités de l’État d’exportation. En effet, ces dernières sont les mieux placées pour vérifier directement les faits qui conditionnent l’origine.
Dès lors, en cas de contrôle effectué a posteriori par les autorités douanières de l’État d’exportation, celles de l’État d’importation sont, en principe, liées par les résultats d’un tel contrôle.
Toutefois, en l’espèce, le contrôle a posteriori ne portait pas sur le point de savoir si les produits importés avaient été entièrement obtenus dans une certaine localité ou y avaient subi une transformation suffisante pour pouvoir être considérés comme étant originaires de cette localité. L’objet de ce contrôle concernait le lieu de fabrication même des produits importés aux fins d’apprécier si ces produits relevaient du champ d’application territorial de l’accord CE-Israël. L’Union considère, en effet, que les produits obtenus dans des localités qui sont placées sous administration israélienne depuis 1967 ne bénéficient pas du traitement préférentiel défini dans cet accord.
Or, malgré la demande expresse des autorités allemandes, les autorités israéliennes n’ont pas répondu à la question de savoir si les produits avaient été fabriqués dans les colonies de peuplement israéliennes en territoire palestinien. La Cour note à cet égard que les autorités israéliennes sont tenues, sur la base de l’accord CE-Israël, de fournir des renseignements suffisants pour déterminer l’origine réelle des produits.
Les autorités israéliennes ayant manqué à cette obligation, leur affirmation selon laquelle les produits en cause bénéficient du traitement préférentiel réservé aux marchandises israéliennes ne lie pas les autorités douanières allemandes.
RAPPEL : Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d’un litige dont elles sont saisies, d’interroger la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’un acte de l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.
Document non officiel à l’usage des médias, qui n’engage pas la Cour de justice.
Le texte intégral de l’arrêt est publié sur le site CURIA le jour du prononcé [1]
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La Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

1) Les autorités douanières de l’État membre d’importation peuvent refuser d’accorder le bénéfice du traitement préférentiel instauré par l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, signé à Bruxelles le 20 novembre 1995, dès lors que les marchandises concernées sont originaires de Cisjordanie. En outre, les autorités douanières de l’État membre d’importation ne peuvent pas procéder à un concours de qualifications en laissant ouverte la question de savoir lequel, parmi les accords entrant en ligne de compte, à savoir l’accord d’association euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, et l’accord d’association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges commerciaux et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d’autre part, signé à Bruxelles le 24 février 1997, est d’application en l’espèce et si la preuve de l’origine devrait émaner des autorités israéliennes ou des autorités palestiniennes.
2) Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 32 du protocole n° 4 annexé à l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, les autorités douanières de l’État d’importation ne sont pas liées par la preuve d’origine présentée et par la réponse des autorités douanières de l’État d’exportation lorsque ladite réponse ne comporte pas de renseignements suffisants au sens de l’article 32, paragraphe 6, de ce protocole pour déterminer l’origine réelle des produits. En outre, les autorités douanières de l’État d’importation ne sont pas dans l’obligation de soumettre au comité de coopération douanière instauré par l’article 39 dudit protocole un différend portant sur l’interprétation du champ d’application territorial dudit accord.
Contact presse : Marie-Christine Lecerf
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