mercredi 1 décembre 2010

Lettre de prison : "J'ai beaucoup d'énergie pour la lutte"

Palestine 48 - 30-11-2010
Par Ameer Makhoul
Lettre écrite depuis la prison Gilboa. 
Ci-dessous un extrait d'une lettre du prisonnier politique palestinien et chef de file de la société civile Ameer Makhoul, écrite en réponse à une carte postale représentant un phare, envoyée par Adri Nieuwhof, collègue de The Electronic Intifada. Citoyen israélien, Makhoul a été arrêté à son domicile le 6 mai 2010 et maintenu en isolement, interdit de visites de ses avocats ou de sa famille pendant les 12 jours qui ont suivi son arrestation. Le gouvernement israélien a inculpé Makhoul à partir de fausses accusations d'espionnage et d'assistance à l'ennemi en temps de guerre, ce qui entraîne une condamnation à perpétuité. Selon Makhoul, les autorités israéliennes ont utilisé des méthodes d'interrogatoire qui lui ont causé des torts psychologiques et physiques. Le mois dernier, Makhoul a accepté une entente visant à éviter un emprisonnement de longue durée et risque maintenant une peine maximale de sept à dix ans.
"Le Phare, al-fanar en arabe, est une source d'inspiration. J'ai bâti un phare ici en prison. Je l'ai bâti en pensée parce que je ne suis pas autorisé à utiliser l'espace, mais mon esprit est totalement mien. Al-fanar fait maintenant partie de ma perspective et de mon rêve de liberté et de dignité humaine. Le phare est à l'extérieur de la prison, tandis que le rôle de l'ancre est d'être enraciné et en sécurité. En fait, j'ai besoin des deux – al fanar pour donner une direction à ma vision, alors que le rôle de l'ancre est de comprendre où je suis actuellement. Il faut que je sois équilibré et réaliste pour agir au sein d'une réalité complètement partiale. J'ai besoin de défi et de changement. J'ai besoin, et nous avons besoin de changement. Il faut l'ancre pour agir. Le phare nous indique comme, où et pour quoi.
"Il n'est pas facile d'avoir les deux éléments, en particulier pour les "nouveaux" prisonniers de la liberté. Je suis appelé "nouveau" mais cela fait presque une demi-année que je suis en prison. Plusieurs prisonniers sont ici depuis 23 ou 28 ans. Je suis donc relativement nouveau ici, mais pour moi, chaque jour représente beaucoup de temps, avec beaucoup de souffrances qui reflètent la réalité d'être un Palestinien dans ma patrie.
"Etre reconnu innocent n'est pas du tout accepté par le tribunal. Des milliers d'affaires montrent que tant le taux que le nombre de Palestiniens qui ont été libérés parce qu'ils avaient été reconnus innocents est égal à zéro. Les Palestiniens sont coupables, c'est la seule option. Le Shabak [l'agence de contre-espionnage israélien, aussi appelé Shin Bet] a surveillé et enregistré 30.000 de mes communications téléphoniques et ceux des milieux concernés ; de plus, ils ont surveillé tous mes emails, Skype, Internet et les médias électroniques. Pourtant, ils ont déclaré au tribunal qu'ils n'avaient pas de preuves matérielles.
"D'après mon expérience et les conclusions concernant 7.000 prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes, le fait que le Shabak n'ait pas de preuve ne veut pas dire que le jeu est terminé. Ils ont leurs armes secrètes, les soi-disant "preuves secrètes". Ils les présentent aux juges, mais ni moi ni mes avocats n'ont pu savoir en quoi elles consistaient. Le système israélien ne blâmera jamais l'Etat ou le Shabak, mais il accusera leurs victimes palestiniennes.
"Les statistiques et l'expérience montrent que sans un marché avec l'avocat général, la durée de la condamnation doublera ! Ainsi le manque de preuve n'est pas le chemin vers la liberté. Israël ne permettra jamais à son tribunal de me déclarer innocent. D'un autre côté, tout réfugié palestinien, ami ou partenaire arabe dans le monde arabe est potentiellement considéré comme un soi-disant "agent étranger". Le rôle de l'Etat est d'accuser et le rôle de la victime est de se justifier, et même de prouver qu'il ou elle est innocent. J'ai tellement d'amis et de partenaires dans tout le monde arabe et parmi les gens, dans la patrie et en diaspora.
"Je ne me fais aucune illusion, mais je ressens beaucoup d'énergie pour lutter pour la liberté et la dignité."
Traduction : MR pour ISM