mardi 28 décembre 2010

La survie à Gaza, deux ans après « Plomb durci »

Baudoin Loos (Le Temps)
publié le lundi 27 décembre 2010.
La situation est à nouveau très tendue à la frontière avec Israël, où deux combattants islamistes ont été tués dimanche. Dans la bande palestinienne, le souvenir de l’offensive militaire israélienne de l’hiver 2008 et ses 1400 morts reste tenace. Reportage
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Des Palestiniens portent le corps d’un combattant du Djihad islamique tué dimanche matin dans la bande de Gaza par des tirs de soldats israéliens. (Reuters)
Un vieil âne qui a cessé de braire depuis longtemps se tient immobile dans un petit enclos près d’une tente dressée dans les décombres d’une maison. A côté, dans le foyer familial reconstruit à la hâte avec des blocs de parpaing, des bâches et de la tôle ondulée, l’ombre d’une femme vaque aux tâches ménagères. Quelques enfants nu-pieds jouent en riant. « Les Juifs », nous dit simplement Mohammed, en désignant ce qui fut sa maison de deux étages. Les Juifs : comme tous les Palestiniens depuis l’arrivée des premières grosses vagues d’immigration dans les années 1920, Mohammed ne parle pas d’Israéliens.
Nous sommes à Izbet Abed Rabbo, l’extrême nord-est de Jabalya. D’ici, Israël n’est qu’à deux kilomètres, peut-être moins. Un soleil généreux réchauffe la scène. L’homme a 55 ans, il en paraît au moins dix de plus. Son quartier fut l’un des plus touchés lors de l’attaque israélienne de l’hiver 2008-2009. Une trentaine de civils ont été tués. « Ils nous ont dit de partir ; quand on est revenu, il n’y avait plus rien, plus de cinquante maisons avaient été rasées. Pourtant, j’en suis sûr, il n’y avait pas de militants armés ici. » Deux des fillettes blessées à Izbet Abed Rabbo ont été soignées à Bruxelles, l’une d’elles, très gravement touchée, y demeure toujours.
« Personne n’est venu nous aider, raconte Mohammed en offrant un thé bouillant. J’ai un cousin qui a reçu un peu d’argent, moi on me paie de promesses. Le ciment coûte trop cher, le seul disponible vient des tunnels à la frontière égyptienne, mais je n’ai pas d’argent. Et puis, même si je reconstruisais, ils pourraient revenir et tout démolir à nouveau. On entend les tanks tous les jours, et ils tirent. »
Son fils Souhail, 29 ans, et quelques voisins se mêlent à la conversation, qui s’anime. « Je préférais encore l’occupation, lance Mohammed, au moins on avait du travail en Israël. J’ai travaillé 27 ans pour un patron israélien, qui était bon avec moi. » Un murmure réprobateur accueille ses propos. « Papa, tu oublies les incursions, les perquisitions nocturnes, les arrestations, les barrages, les humiliations ! », s’exclame son fils.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/267748ee-1138-11e0-89f9-adb321672111/La_survie_%C3%A0_Gaza_deux_ans_apr%C3%A8s_Plomb_durci
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