mercredi 13 octobre 2010

Menaces de déportation

En affirmant à plusieurs reprises que les négociations avec les Palestiniens devaient être basées sur un « échange de territoires et de populations », en allusion aux Arabes israéliens, le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, exprime une idée de la droite israélienne visant à une épuration ethnique.
Ramallah,
De notre correspondant —
La radio militaire israélienne est venue confirmer les projets qu’a en tête le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman en ce qui concerne le statut des Arabes de 1948 dans le cadre des négociations actuelles qui ont lieu avec les Palestiniens. Il s’agit de recourir à un échange de territoires et de populations et non pas d’appliquer le principe qui jusqu’ici était considéré comme la notion-clé d’un règlement, à savoir « La paix contre les territoires ». Lieberman a voulu donner du poids à ses arguments en soulignant que ceci est l’unique solution tant que les Palestiniens et l’ensemble des pays arabes refusent de reconnaître Israël en tant qu’Etat juif. Lieberman, qui préside le parti d’extrême droite Israël Beitouna, défend donc cette idée d’échanger les territoires où vivent les Arabes d’Israël, ceux de 1948 et leurs descendants, contre des parties de la Cisjordanie. Il souhaite ainsi parvenir à la plus grande séparation possible entre juifs et Palestiniens, de quoi rendre Israël un Etat homogène sur le plan racial, le bloc arabe constituant selon lui une menace contre la sécurité du pays.
Ce fut un vrai soulèvement à l’époque suivi d’un rejet de la proposition raciste de Lieberman qui fut considérée comme un processus d’épuration ethnique révélant les pensées en cours au sein de son parti. Mais le voici qui revient à la charge en arguant du refus des pays arabes et de l’Autorité palestinienne de l’identité juive de l’Etat d’Israël. Dans ce contexte discriminatoire, l’on relève que les candidats à la citoyenneté israélienne devront prêter un serment d’allégeance à « Israël, Etat juif et démocratique » en vertu d’un projet d’amendement à la loi sur la citoyenneté de 1950, comme l’indique un communiqué du premier ministre Benyamin Netanyahu. Commentant les propos de Lieberman, Hanan Achraoui, membre du Comité exécutif de l’Organisation de la Libération de la Palestine (OLP), souligne que « considérer ces déclarations comme provenant d’un extrémiste, d’un personnage controversé, est une marginalisation des moyens réels d’agir avec les pensées israéliennes extrémistes ». En fait, il faut réagir avec ces suggestions avec sérieux parce qu’elles proviennent du ministre israélien des Affaires étrangères, le vice-premier ministre et membre de la coalition au pouvoir. « Ces plans dévoilent qu’un million et demi de Palestiniens, représentant 20 % de la population d’Israël, sont considérés comme des transferts par la droite israélienne raciste », ajoute-t-elle. Achraoui rappelle qu’il s’agit des ayants droit qui ont tenu à leurs foyers pendant la catastrophe de 1948 et ont maintenu leurs racines, refusant d’être des réfugiés. Or, voici qu’ils doivent partir du cœur de leur Etat.
De son côté, Mohamad Dahlane, membre du Comité central du Fatah, a publié une déclaration en réponse aux provocations de Lieberman en soulignant que celles-ci ouvrent la porte de l’épuration ethnique et du transfert des Palestiniens se trouvant dans les territoires de 1948. Il a ajouté que l’identité juive de l’Etat d’Israël fait l’objet de divergences depuis le temps de David Ben Gourion. Et de préciser aussi que ce transfert des populations ne pourrait être négocié. « Le négociateur palestinien n’a pas le droit de décider du statut juridique de plus d’un million et demi de citoyens palestiniens en Israël. Ils possèdent un droit historique sur leurs terres et propriétés. Ils doivent jouir de leurs droits intégraux en Israël qui se prétend démocratique ».
Il a mis en garde contre les conséquences de cette politique extrémiste qui pourrait mener la région à davantage de violence. Avec la notion de l’identité juive de l’Etat d’Israël et l’intention qu’a Tel-Aviv de ne pas prolonger le moratoire du gel des colonies, l’on constate que le gouvernement actuel est un gouvernement d’occupation, de transfert, qui ne vise qu’à mettre le bâton dans les roues pour provoquer l’échec des efforts de paix.
Les Arabes israéliens protestent
Hanine Al-Zoghbi, députée arabe à la Knesset, considère que les déclarations du ministre israélien des Affaires étrangères révèlent un état de pensée et de culture officiel et populaire contre la population arabe vivant en Israël et visant à procéder à une épuration ethnique dont seraient victimes 1,5 million de Palestiniens. « Ces orientations racistes de Lieberman sont appliquées au quotidien sur le terrain par l’intimidation, la saisie des terres et l’imposition de conditions pour avoir la citoyenneté », rappelle-t-elle. Les Arabes d’Israël ont refusé ce genre de propositions dont le transfert bien avant cela. « Non par attachement à Israël comme patrie, mais par attachement à notre terre et notre patrie, à nos droits sur cette terre et sur cette patrie ». La parlementaire a ajouté que si Lieberman n’avait pas relevé de faiblesse dans la position palestinienne, il n’aurait pas osé faire de telles suggestions.
Lieberman l’ignorant
« Ignorant en Histoire », voici ce qu’affirme un autre député arabe, Mohamad Baraka, dans un communiqué  de presse. Baraka, chef au Front démocratique de la paix et de l’égalité, relève : « Nous n’avons pas vendu notre foyer et notre patrie, c’est lui qui est venu de loin, en a pris contrôle et les a usurpés. Nous sommes les propriétaires de la terre et de la patrie ; nous n’y avons pas émigré. D’ailleurs, ni nous, ni nos pères, ni nos ancêtres ». Et d’ajouter que l’envahisseur c’est Lieberman et les gens de sa sorte qui constituent des gangs de pillards dans les colonies de Cisjordanie. Et de conclure que le gouvernement veut effectivement mener ce transfert et que ce n‘est donc pas une lubie de Lieberman.
Khaled Al-Asmai