mercredi 13 octobre 2010

L’Europe et le Proche-Orient

La visite qu’a effectuée jeudi et vendredi la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton au Proche-Oient afin de soutenir les efforts de paix avait bien un autre objectif : augmenter la visibilité de l’Union Européenne (UE) dans les pourparlers de paix palestino-israéliens. Elle répondait ainsi aux critiques européennes sur la passivité de l’UE en politique étrangère, notamment au Proche-Orient.

Mme Ashton qui occupe ce nouveau poste depuis décembre dernier a été durement critiquée, notamment par la France, pour son absence aux premières séances de négociations directes entre Palestiniens et Israéliens depuis leur reprise le 2 septembre à Washington. Les critiques européennes contre Mme Ashton soutenaient que la création du poste du haut représentant de l’UE aux Affaires étrangères, conformément au traité de Lisbone, visait justement à mieux faire entendre l’UE sur la scène internationale et à encourager ses pays membres à parler d’une seule voix.
Mais on est bien loin de ces objectifs et le chemin semble encore long avant d’y arriver. Expliquant les raisons de sa visite dans la région, Mme Ashton a timidement déclaré qu’il fallait faire entendre la voix de l’UE au Proche-Orient, mais « avec prudence », ajoutant qu’elle s’était rendue à Washington et au Proche-Orient « pour soutenir ce que (l’émissaire américain) George Mitchell fait sur le terrain ». Bref, la diplomatie européenne reste bien timorée, dans l’ombre et le sillage des Etats-Unis, et craint de prendre des initiatives, bien que l’UE soit l’argentier du processus de paix, c’est-à-dire le principal bailleur de fonds des Palestiniens, en même temps que le premier partenaire commercial d’Israël qui absorbe la majorité des exportations israéliennes.
Deux principales raisons expliquent cet état de fait. La première, et la plus importante, est que les Etats membres de l’UE restent incapables de parler d’une seule voix, pour des raisons d’intérêts divergents. La fracture entre le Nord et le Sud de l’Europe est la plus visible dans ce contexte. D’un côté, le Royaume-Uni, lié par ses attaches atlantiques aux Etats-Unis, et l’Allemagne, tournée vers l’Est de l’Europe et tenue par des responsabilités historiques qui remontent à la Seconde Guerre mondiale, préfèrent maintenir un profil bas dans une région hautement conflictuelle. De l’autre côté, la France, l’Espagne et, dans une moindre mesure, l’Italie, sont plus enclines à exercer un rôle actif et équilibré, pour des raisons d’influence politique et d’intérêts économiques, vu leur proximité géographique avec le Proche-Orient.
Ensuite, personne ne peut ignorer que les Etats-Unis et Israël font tout pour écarter l’Europe d’exercer un rôle significatif dans le règlement du conflit du Proche-Orient. Les Etats-Unis, qui tiennent le rôle de parrain du processus de paix, sont si jaloux de leur privilège qu’ils n’en veulent partager avec une quelconque autre puissance. Ils sont fermement soutenus en cela par l’Etat hébreu, principal allié de Washington dans la région, qui attaque souvent les positions européennes jugées pro-palestiniennes, alors qu’elles ne sont en fait que pro-résolutions de l’Onu et pro-droit international . 
Dr Hicham Mourad