dimanche 24 octobre 2010

Les diamants de sang d’Israël

samedi 23 octobre 2010 - 06h:45
Seán Clinton - The Electronic Intifada
Chaque année, des consommateurs dans le monde entier dépensent sans le savoir des milliards de dollars pour des diamants taillés en Israël, contribuant ainsi à financer l’un des conflits les plus longs et les plus litigieux du monde.
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Mine de diamants à ciel ouvert au Zimbawe
La plupart ne savent pas qu’Israël est un des premiers producteurs mondiaux de diamants taillés et polis. Comme les diamants ne sont pas normalement identifiés, les consommateurs ne peuvent pas faire la distinction entre un diamant israélien et un diamant taillé en Inde, en Belgique, en Afrique du Sud ou ailleurs. L’industrie mondiale du diamant et les gouvernements alignés, notamment ceux de l’Union européenne, ont berné les consommateurs en leur faisant croire que le commerce des diamants a été débarrassé de ceux qui financent les violations des droits humains, malgré une réalité étonnamment différente.
Israël, qui est accusé de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de nettoyage ethnique, de génocide, du crime d’apartheid, d’exécutions extrajudiciaires dans le territoire et à l’extérieur de celui qu’il contrôle ainsi que d’infractions graves et persistantes des conventions de Genève - est le principal exportateur mondial de diamants (voir graphique 1 ci-dessous). Des sociétés israéliennes importent des diamants bruts pour la taille et le polissage, leur ajoutant une valeur considérable pour les exporter ensuite via les centres de distribution à Anvers, Londres, New York et Mumbai.
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Figure 1
En juillet 2000, l’industrie mondiale du diamant a établi le World Diamond Council (WDC) (Conseil mondial du diamant ) . Le WDC a été créé pour répondre à l’indignation du public sur l’utilisation de diamants pour le financement de conflits sanglants en Afrique de l’Ouest ; il comprend des représentants de la Fédération mondiale des bourses du diamant et de l’Association internationale des fabricants de diamants. Le conseil a pour mandat "le développement, la mise en place et la supervision d’un système de surveillance des exportations et importations de diamants bruts afin d’éviter l’exploitation des diamants à des fins illicites telles que guerre et actes inhumains ». Il est significatif que le WDC se limite aux violations des droits humains uniquement financées par des diamants bruts.
En 2003, le WDC a introduit un système d’autoréglementation appelé le système international de certification du processus de Kimberley afin d’arrêter les chargements de diamants de « conflits » ou « de sang ». Conformément au champ limité du WDC, le processus de Kimberley mandaté par les Nations unies a adopté une définition très étroite de ce qui constitue un diamant de conflits ou de sang :" diamants bruts utilisés par des mouvements rebelles ou leurs alliés pour le financement de conflits visant à ébranler des gouvernements légitimes ». Il découle de cette définition étroite qu’ une bonne partie du commerce lucratif de la taille et du polissage des diamants échappe aux prescriptions en matière de droits humains appliquées aux diamants bruts aussi longtemps que l’industrie utilise uniquement des diamants bruts respectant le processus de Kimberley. Indépendamment des violations des droits humains et des atrocités financées au moyen des recettes de l’industrie israélienne du diamant, les gouvernements et d’autres intérêts particuliers qui sont partie au processus de Kimberley facilitent l’accès sans restriction des diamants travaillés en Israël au marché mondial multimilliardaire des diamants
Le WDC a créé un site sur Internet appelé Diamondfacts.org afin de faire connaître les vertus de l’industrie. Le site énumère 24 bienfaits découlant de l’industrie du diamant - principalement en Inde et dans des pays africains. Certains de ces bienfaits comprennent l’accès par quelque 5 millions de personnes à des soins de santé appropriés dans le monde grâce aux recettes des diamants ; ces recettes permettent à chaque enfant au Botswana de recevoir une éducation gratuite jusqu’à l’âge de 13 ans ; ces recettes jouent un rôle capital dans la lutte contre la pandémie du sida/VIH.
Bien que ces faits soient louables, la liste en omet d’autres moins savoureux comme celui que les recettes de l’industrie du diamant en Israël contribuent à financer les atrocités et les violations des droits humains telles que l’assassinat, la mutilation et la terreur touchant des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants innocents en Palestine et au Liban - le type d’atrocités dont le processus de Kimberley est censé empêcher le financement au moyen des recettes diamantaires.
La liste de "Diamond Facts" donne une image unilatérale et positive de l’industrie. Elle laisse entendre que les plus grands avantages retombent sur les pays les plus pauvres du monde. Toutefois, Israël, un des pays les plus riches du monde, domine tous les autres pour ce qui est des bénéfices nets tirés de l’industrie du diamant. La valeur ajoutée à l’économie israélienne par les exportations de diamants a atteint près de 10 milliards de dollars en 2008 (voir figure 2 ci-dessous).
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Figure 2
Le site du WDC est tout aussi sélectif quand il s’agit des pays les plus tributaires des diamants. Il explique que la Namibie, un des petits pays exportateurs de diamants en valeur monétaire, tire 40 % (<1 milliard de dollars) de ses recettes d’exportation annuelles de diamants et que 33 % (3 milliards de dollars) du PIB du Botswana, autre acteur mineur, proviennent de ses exportations de diamants. Le WDC ne signale pas que la dernière phase à haute valeur ajoutée beaucoup plus lucrative de l’industrie du diamant est la jugulaire de l’économie israélienne entrant pour plus de 30 % dans ses exportations totales de produits manufacturés d’un montant de près de 20 milliards de dollars en 2008 ("Trade Performance HS : Exports of Israel" consulté le 25 mars 2010) (voir figures 3 et 4). Par comparaison, le budget du ministère israélien de la défense était de 16 milliards de dollars en 2000.
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Figure 3
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Figure 4
Les recettes de l’industrie du diamant aident Israël à financer l’occupation illégale des territoires palestiniens, d’assujettir brutalement le peuple palestinien et de financer son réseau international de saboteurs, d’espions et d’assassins. Aucun de ces éléments n’est mentionné dans le document "Diamond Facts » du WDC.
Contrairement à ce que prétendent l’industrie du diamant et les bijoutiers, à savoir qu’aucun diamant n’a de rapports avec des conflits, ce n’est pas le cas. La position dominante d’Israël dans l’industrie signifie que les diamants travaillés en Israël se mélangent mondialement à ceux qui sont transformés dans d’autres pays. Les consommateurs qui achètent des diamants dont l’origine n’est pas marquée au laser courrent le risque d’acheter un diamant transformé en Israël, contribuant ainsi à financer de graves violations des droits humains. Les restrictions du Système de certification du processus de Kimberley ne s’appliquent qu’aux diamants bruts, ce qui permet aux diamants travaillés en Israël de pénétrer librement sur le marché en dépit des actes criminels commis par le gouvernement et les forces armées israéliens. Le Système de certification du processus de Kimberley est fortement déformé et est utilisé par l’industrie du diamant et les bijoutiers pour tromper les consommateurs auxquels ils assurent que tous les diamants sont maintenant « exempts de conflits » sans expliquer les limites de la définition ni sa signification exacte.
Tout ceci est à peine surprenant étant donné la position dominante d’ Israël dans l’industrie du diamant. Israël préside actuellement le processus de Kimberley. L’autoréglementation de toute industrie intimement liée aux violations qu’elle prétend éliminer n’est tolérable ni de la part des gouvernements ni de la part du grand public. Il est impossible que le public ait confiance dans les tentatives faites par l’industrie du diamant pour s’autoréglementer aussi longtemps qu’elle facilite le commerce de diamants travaillés en Israël, lesquels, si le processus de Kimberley appliquait les mêmes normes à tous les diamants, seraient classés comme des diamants de sang et traités en conséquence.
Comme les gouvernements occidentaux ne tiennent pas Israël responsable de nombreuses infractions au droit international y compris au droit humanitaire international, à la charte des Nations unies, son non-respect de plus de 30 résolutions contraignantes du Conseil de sécurité de l’ONU, les infractions aux accords de l’UE et son mépris pour la consultation juridique de 2004 de la Cour internationale de justice, il est peu probable qu’Israël insiste pour que l’industrie du diamant élargisse la définition des conflits aux diamants taillés et polis qui financent les violations des droits humains.
Les consommateurs devraient avoir le droit de savoir où un diamant a été travaillé et par conséquent le droit de choisir un diamant ne provenant pas d’Israël. Ils n’ont pas ce droit aujourd’hui.
En 2005, la société civile palestinienne a lancé un appel international au boycott, au désinvestissement et aux sanctions (BDS) contre Israël, similaire à celui qui a contribué à mettre fin au régime d’apartheid en Afrique du Sud. La campagne internationale de BDS a jusqu’ici porté la plus grande partie de ses activités sur les produits israéliens les plus facilement ciblés, notamment les fruits, les légumes, les produits cosmétiques et certains produits en plastique. Le ciblage de ces produits a aidé le public à prendre conscience des crimes israéliens et répond dans une certaine mesure au désir des personnes de manifester leur désaveu des actions israéliennes. Toutefois ces produits n’entrent que pour une petite partie dans les exportations israéliennes totales de produits manufacturés. Même si le boycott de ses produits atteignait totalement son but, il ne produirait pas de différence significative pour l’économie israélienne ou pour sa capacité à poursuivre ses objectifs expansionnistes.
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Figure 5
L’industrie du diamant est le principal pilier de l’économie israélienne (voir figure 5 ci-dessus). Aucun autre pays développé n’est aussi fortement tributaire d’un seul article de luxe et de la bonne volonté des consommateurs dans le monde. Tout ce qui menace l’image minutieusement soignée des diamants comme objets de désir, d’amour et de pureté pourrait avoir de graves conséquences pour l’industrie israélienne du diamant et pour la capacité du pays à poursuivre le financement de son occupation illégale des territoires palestiniens, la construction de colonies illégales et d’autres activités criminelles connexes qui en font le paria de l’âge moderne.
La campagne internationale de BDS doit concentrer l’attention du monde sur le commerce des diamants qui facilite les crimes actuellement commis par Israël contre le peuple palestinien et ses voisins dans la région.
* Seán Clinton est le président de la branche de Limerick de la campagne irlandaise de solidarité avec la Palestine ; il était responsable du boycott au comité national de la campagne irlandaise de solidarité avec la Palestine.
29 mars 2010 The Electronic Intifada - Cet article peut être consulté ici :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Anne-Marie Goossens
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