lundi 20 septembre 2010

Khaled Mesh’al énonce la nouvelle orientation politique du Hamas (1ère partie)

Palestine - 18-09-2010
Par Khaled Meshaal

Article paru dans le Middle East Monitor le 5 septembre 2010.
Cet entretien est le plus récent donné par Khaled Mesh’al qui, depuis 1996, est le chef du Bureau politique du Mouvement de Résistance Islamique (Hamas). Après l’assassinat du dirigeant Hamas Abdul ‘Aziz Rantisi en 2004, Mesh’al dirige l’ensemble du mouvement.
Dans cet entretien avec le journal jordanien Al-Sabeel en juillet 2010, Mesh’al énonce l’orientation politique du Hamas sur nombre de questions essentielles : les négociations avec Israël, les relations internationales, les Juifs, les Chrétiens, les femmes, entre autres. Cet entretien – qui a duré plusieurs heures – a été reçu comme un texte important dans le monde arabe et comme un indicateur clair de la politique que le Hamas entend poursuivre, en particulier envers Israël.

C’est un document important qui exprime, avec leurs propres mots, les perspectives des dirigeants du Hamas, et il doit être lu par tous les observateurs du Moyen-Orient, et tous les décideurs politiques pour qui cette partie du monde compte. Le Centre Afro-Moyen Orient (Afro-Middle East Centre - AMEC) l’a traduit en anglais pour le rendre accessible à une audience plus large, et permettre une compréhension plus grande – en particulier dans le monde anglophone – des perspectives politiques d’un mouvement qui est devenu l’un des acteurs les plus importants dans le Moyen Orient actuel.
SUR LES NEGOCIATIONS
Refusez-vous, par principe, les négociations avec l’ennemi ? Si des négociations ne peuvent être conduites avec l’ennemi, sont-elles possibles avec un ami ? Le Hamas refuse-t-il le principe de négociations purement et simplement, ou rejetez-vous leurs formes, leur déroulement et leurs résultats ?
C’est à coup sûr une question épineuse et sensible, et beaucoup de gens préfèrent éviter toute discussion à ce sujet et ont tendance à ne prendre aucune position claire de peur de réactions négatives ou d’interprétations erronées. Le caractère sensible et crucial de cette question est aggravé par le souvenir sombre des expériences amères des négociations palestino-israéliennes et arabo-israéliennes. L’état d’esprit collectif et l’humeur de la nation sont influencés par ces expériences, et sont extrêmement sensibles à l’idée de « négociations ». Il y a maintenant, dans de nombreux quartiers, du dégoût et de l’aversion pour le concept de négociations. C’est tout-à-fait compréhensible et naturel, mais cela n’empêche pas d’aborder la question complètement et de trier soigneusement les sujets de manière à replacer chaque détail dans le contexte, si Dieu le veut.
Il est incontestable que nous ne refusons pas de négocier avec l’ennemi, ni légalement ni rationnellement ; il y a en effet, pendant un conflit entre ennemis, certaines étapes où les négociations deviennent nécessaires. Que ce soit d’une perspective rationnelle que d’une logique juridique, il est vrai que des négociations, comme moyen et outil, peuvent être acceptables et légitimes à un moment donné, et refusées et proscrites à d’autres moments ; elles ne sont pas refusées en elles-mêmes, ni refusées tout le temps.
Dans l’histoire islamique, à l’époque du Prophète (la paix soit sur lui) et pendant les siècles postérieurs – à l’époque de Salahuddin [Saladin], par exemple - la négociation avec l’ennemi avait lieu, mais à l’intérieur d’un cadre clair et d’une philosophie spécifique, à l’intérieur d’un contexte, d’une vision, de règles et de règlements régissant cette négociation. Ceci est en contraste frappant avec l’approche misérable prise par ces professionnels des négociations qui considèrent que c’est un mode de vie et la seule option stratégique au service de laquelle toutes les autres options sont écartées.
Si la résistance elle-même, qui est honorable et estimée, est un moyen et non pas une fin, est-il sensé de faire des négociations une fin, une option unique et une approche constante, plutôt qu’un moyen et une tactique sur lesquels se replier lorsque c’est nécessaire et quand le contexte l’exige ?
Dans le Coran, le concept est clair, lorsque Dieu Tout-Puissant dit : « Et s’ils penchent vers la paix, penchez-vous (vous aussi vers la paix) et ayez confiance en Dieu. » Ceci implique que pour nous, la négociation est acceptable, raisonnable et logique, pour défendre une cause juste lorsque l’ennemi est obligé d’y avoir recours, lorsqu’il vient vers nous prêt à négocier et à payer le prix, et pour répondre à nos exigences. Cependant, si nous la recherchons désespérément et si nous la considérons comme notre unique option, alors c’est nous qui payons le prix. Ceux qui sont obligés de négocier sont ceux qui habituellement paient le prix.
C’est pourquoi Dieu Tout-Puissant dit dans un autre verset : « Ne faiblissez pas et ne requérez pas la paix quand vous avez le dessus. »
Revenons au premier verset : « Et s’ils penchent vers la paix, penchez-vous (vous aussi vers la paix) et ayez confiance en Dieu », qui est précédé par cette parole de Dieu Tout-Puissant : « Préparez-les leur ce que vous avez de puissance, y compris des coursiers de guerre pour terrifier l’ennemi d’Allah et votre ennemi. » Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que posséder la puissance et ses moyens est ce qui conduit de force l’ennemi vers la paix, et que l’inclination de l’ennemi vers la paix et les négociations est un résultat du jihad, de la résistance et de la possession de la puissance. Ceux qui considèrent les négociations sans résistance et sans aucune carte puissante sont virtuellement en position de reddition.
Dans la science de la stratégie et de la gestion des conflits, la négociation est une extension de la guerre et une forme de gestion de la guerre. Ce que vous obtenez à la table des négociations est un produit de votre position sur le terrain, et un résultat de l’équilibre des forces sur le terrain. Si sur le terrain vous êtes vaincus, vous serez certainement défaits aussi aux négociations.
Tout comme la guerre nécessite un équilibre de la puissance, les négociations et la paix nécessitent un équilibre de la puissance, car on ne peut faire la paix quand une des parties est puissante et l’autre est faible ; sinon, c’est la reddition. Les Etats-Unis n’ont pas fait la paix avec le Japon et l’Allemagne après la Deuxième Guerre mondiale, mais, plutôt, ils leur ont imposé la reddition et un pacte de respect de ce qui était décidé et de soumission. En bref, la paix est faite par le puissant et non pas par le faible ; les négociations servent le puissant, pas le faible.
La situation sur le conflit avec l’occupation israélienne est différente, car c’est le cas d’un corps étranger à la région, qui est venu de l’extérieur et s’est imposé sur une terre et un peuple, a chassé ce peuple de sa terre et l’a remplacé par une diaspora d’immigrants du monde entier. C’est donc une situation complexe qui doit être traitée avec finesse.
Quand les conditions objectives et les exigences pour négocier sont réunies, en particulier l’existence d’une situation où un équilibre suffisant est présent, lorsqu’il y a un besoin avéré à un moment approprié – sans précipitation ni retard – alors cela peut être une des options auxquelles nous avons recours comme un mécanisme, un moyen, un outil, pas comme un objectif ou une fin, pas comme une condition permanente ou une option stratégique. La négociation est un instrument tactique, et tout comme la guerre n’est pas une situation permanente et à ses propres exigences et conditions, il en va de même pour les négociations.
Avec cette vision claire des négociations, et quand elles sont exercées avec beaucoup de prudence et sous les règles strictes au moment opportun, elles sont acceptables et utiles dans le contexte de la gestion des conflits ; sinon, elles ne mènent qu’à la reddition et à la soumission à l’hégémonie et aux conditions de l’ennemi, et ne se traduisent que par l’abandon des droits et par une baisse continue du niveau des exigences et des positions politiques.
Malheureusement, la situation arabe et palestinienne sur cette question est – globalement – très mauvaise ; c’est une position vulnérable, sans monnaie d’échange, soutien ou marge de manœuvre. Les cartes palestiniennes sont totalement affichées, alors ils vont aux négociations de paix en déclarant que c’est leur seule option stratégique. Quand votre ennemi sait que vous n’avez pas d’autre option que la négociation, et que vous ne parlez que de paix, qu’est-ce qui l’obligera à vous faire des concessions ?
Les négociateurs palestiniens disent : « Négocier est l’option, la ligne de conduite et le seul plan. » Ils coordonnent la sécurité avec l’ennemi et mettent en œuvre la « Feuille de Route » et ses exigences sécuritaires, avec un Israël qui n’offre rien en échange. Qu’y a-t-il là qui oblige Olmert ou Netanyahu à accorder quoique ce soit aux Palestiniens ?
Dans le cas palestinien, la négociation est sortie de son contexte objectif ; d’un simple point de vue de la logique politique, elle manque de résistance et elle n’est pas basée sur le nécessaire équilibre du pouvoir. Les Vietnamiens, par exemple, ont négocié avec les Américains lorsque ces derniers battaient en retraite ; là les négociations étaient utiles pour tourner la dernière page de l’occupation et de l’agression américaines. Vous réussissez les négociations et vous imposez vos conditions à l’ennemi en fonction du nombre de cartes que vous avez sur le terrain.
En conséquence, pour que les négociations ne soient pas un processus risqué et couteux, vous devez faire clairement comprendre à l’ennemi – pas seulement en paroles, mais aussi en actes – que vous êtes ouverts à toutes les options. Le négociateur ne peut pas réussir sans fonder sa position sur une multiplicité d’options signifiant que, autant vous êtes prêts à négocier, autant vous êtes également prêts et capables d’aller à la guerre. Si les négociations entrent dans une impasse, vous devez être prêts à aller à la guerre ou à la résistance ; sinon, les négociations sont inutiles. Il faut se souvenir que les négociations, pendant les guerres d’antan, ont souvent été menées sur le champ de bataille, et que les négociateurs parvenaient à une solution, ou reprenaient la guerre.
Négocier est un outil et une tactique au service d’une stratégie, et non une stratégie en elle-même ; ce n’est pas un substitut à une stratégie de résistance et à la confrontation avec l’occupation.
Les négociations doivent être basées sur l’unité à un niveau national. Si une des parties voit un bénéfice à faire une certaine démarche vers la négociation, et poursuit cette décision seule et sans en référer à sa population, elle se place elle-même dans une situation difficile et donne à l’ennemi une opportunité qu’il utilisera certainement contre elle. Ce qui peut aussi obliger les négociateurs à faire des concessions significatives par crainte d’être plus tard obligés de reconnaître l’échec de leur option de négociation ; ainsi ils privilégient leurs propres intérêts sur l’intérêt national pour ne pas s’exposer devant leur peuple et les autres.
La négociation a ses espaces et domaines spécifiques et n’est pas une option absolue dans tous les domaines. Il y a des questions qui ne doivent pas être négociées, comme les constantes fondamentales. La négociation est un mécanisme et une tactique à l’intérieur de limites et domaines spécifiques ; quelqu’un de sensé ne devrait pas négocier sur tout, et en particulier pas sur les principes. En affaire, la négociation est souvent sur les bénéfices, pas sur les actifs de l’entreprise. Malheureusement, l’expérience actuelle, en particulier sur les négociations palestiniennes, prouve que toutes ces règles ont été abandonnées.
En toute honnêteté et courage, je dis : les négociations ne sont ni absolument proscrites ou interdites, que ce soit d’une perspective juridique ou politique, ou au vu des expériences de la nation et de l’humanité, ou des pratiques des mouvements de résistance et des révolutions à travers l’histoire. Cependant, elles doivent être soumises à équations, règlementations, calculs, circonstances, contextes et gestion adéquate, car sans cela, elles deviennent un outil négatif et destructeur.
Dans le cas palestinien, nous disons que négocier aujourd’hui avec Israël est un mauvais choix. Une proposition a été faite au Hamas pour négocier directement avec Israël, mais nous avons refusé. Certains, à la direction du Hamas, ont reçu une proposition de rencontrer plusieurs dirigeants israéliens, certains d’entre eux au pouvoir, comme Eli Yishai [vice-premier ministre israélien et chef du parti Shas], et d’autres appartenant au camp de la paix. Le Hamas a rejeté ses offres.
Aujourd’hui, les négociations – étant donné le déséquilibre actuel des forces – sont au service de l’ennemi, et ne servent pas le côté palestinien. Le conflit sur le terrain ne s’est pas développé de manière à obliger l’ennemi sioniste à avoir recours aux négociations ; jusqu’à ce jour, il refuse de se retirer de notre terre, et ne reconnaît pas les droits palestiniens. Négocier dans de telles circonstances est une sorte de pari stérile.
Compte tenu de notre faiblesse et du déséquilibre des forces, Israël utilise les négociations comme outil pour améliorer ses relations et polir son image devant la communauté internationale, et il s’en sert pour gagner du temps de manière à créer de nouveaux faits accomplis sur le terrain par la construction coloniale, l’expulsion de gens, la judaïsation de Jérusalem et la démolition de ses quartiers. Il se sert aussi des négociations comme couverture pour détourner l’attention de ses crimes et pour noyer les exigences palestiniennes. Israël exploite les négociations pour normaliser ses relations avec le monde arabe et islamique et pour le pénétrer, et pour déformer la nature du conflit ; en l’état, Israël est le seul bénéficiaire des négociations.
Négocier, étant donné le déséquilibre des forces, est une soumission du côté palestinien aux exigences, conditions et diktats de l’occupation israélienne ; ce n’est pas un processus égalitaire, car de même qu’il n’y a pas de parité sur le terrain de la confrontation, il n’y en a pas non plus à la table des négociations.
La question de la reconnaissance de l’entité sioniste soulève beaucoup de débats. Il est également question de reconnaissance juridique par opposition à une reconnaissance réaliste ou pragmatique. Quelle est la position du Hamas sur cette question ?
Notre position concernant la reconnaissance de la légalité de l’occupation est claire et constante, et nous ne la cachons ni ne la dissimulons. La reconnaissance d’Israël a été posée comme condition à l’ouverture de la communauté internationale au Hamas, et ainsi c’est devenu un obstacle sur notre route. Mais cela nous a été égal, et nous avons montré notre détermination à résister à ce défi, car la reconnaissance signifie la légitimation de l’occupation et confère une légitimité à l’agression israélienne, aux colonies, à la judaïsation, aux assassinats, aux arrestations et autres crimes et atrocités commis contre notre peuple et notre terre. C’est inacceptable selon le droit international et les valeurs humaines, sans parler de notre religion.
Il est inacceptable de légitimer l’occupation et le vol de la terre. L’occupation est un crime, le vol est un crime et ils ne doivent être légitimés en aucune circonstance. Ce sont des concepts qui ne prêtent pas à controverse dans la compréhension humaine commune, et c’est la conception de la victime palestinienne dont la terre a été usurpée. C’est une question liée à notre existence humaine, et elle entre en contradiction avec la reconnaissance de la légitimité de l’occupation et de l’usurpation, sans parler de nos sentiments patriotiques et religieux, notre appartenance culturelle et notre présence historique, qui nous lient tous à cette terre.
D’autres sont tombés dans ce piège par inefficacité et soumission aux pressions extérieures, et ils ont pensé que s’incliner devant ces exigences et pressions faciliterait l’avancée de leur programme politique. Cependant, la pratique a démontré qu’ils ont payé une illusion d’un prix exorbitant. Ils ont eu tort dans leur logique d’intérêt, ainsi que dans leur logique de principes.
Nous refusons la reconnaissance tant au sens juridique que pragmatique. Il y a une différence entre dire qu’il y a un ennemi appelé Israël d’un côté, et reconnaître sa légitimité de l’autre ; le premier postulat n’est pas réellement une reconnaissance. En bref, nous refusons de reconnaître la légitimité de l’occupation et le vol de la terre. Pour nous, ce principe est clair et définitif.
N’êtes-vous pas surpris de cette insistance israélienne et internationale sur la question de votre reconnaissance d’Israël ? N’est-ce pas, d’une certaine manière, un signe de faiblesse, Israël donnant l’impression de questionner sa propre existence, et demandant aux autres de reconnaître la légitimité de son existence ?
Il ne fait aucun doute que l’ennemi est préoccupé par l’avenir de son entité, en particulier à la lumière des derniers développements. Sa psychologie est celle d’un voleur et d’un criminel qui, en fin de compte, se sent comme un proscrit manquant de légitimité, même s’il est fort. L’exigence de reconnaissance est certainement un signe de faiblesse, l’expression d’un complexe d’infériorité, d’un manque de confiance dans l’avenir de cette entité, le sentiment qu’il est illégitime et toujours rejeté par les populations de la région comme un étranger, et que la simple présence d’un peuple palestinien ferme est l’expression concrète du rejet de l’entité sioniste.
Pourtant, il y a une autre dimension, qui est le sentiment de supériorité. C’est la logique selon laquelle les nations occidentales traitent avec les pays du tiers monde. Les sionistes adoptent la même logique fondée sur la suprématie militaire, et pensent qu’ils sont le parti qui a le droit de dicter ses conditions aux autres, y compris des conditions préalables à toutes négociations.
Certains partis palestiniens et arabes ont, malheureusement, admis cette logique. C’est un déséquilibre inacceptable. Dans nos dialogues avec des délégations étrangères, nous les entendons parler constamment des exigences du Quartet ; certaines d’entre elles introduisent des révisions pour nous faciliter leur acceptation.
Nous refusons toutes les conditions par principe, et nous refusons de les discuter même dans le contexte de la recherche de formules révisées. Nous rejetons les conditions par principe, car elles suggèrent qu’il y a deux niveaux d’êtres humains, et qu’un parti peut dominer un autre, un parti étant supérieur et l’autre inférieur. Notre humanité, notre dignité et notre respect de nous-mêmes exigent que nous soyons sur un pied d’égalité avec les autres, même s’ils sont plus forts d’un point de vue militaire. D’où notre refus qu’on nous impose des conditions préalables.
Malheureusement, une des erreurs qui les font persister dans cette approche est que certains ont accepté ces conditions, dont la question de la reconnaissance. Puis ils ont fait une autre erreur en n’échangeant pas la reconnaissance d’Israël avec la reconnaissance des droits palestiniens, mais ont préféré plutôt être reconnus eux-mêmes. C’est une faille importante ajoutée à l’originale, à savoir la reconnaissance ! Il est dérisoire de reconnaitre Israël en échange de la reconnaissance de l’Organisation de Libération de la Palestine ou de tout autre mouvement, au lieu de la reconnaissance du peuple ou d’un Etat ou des droits palestiniens. Ceci implique que vous avez troqué l’intérêt public pour vos intérêts personnels, et que vous avez troqué le grand objectif national pour un objectif partisan mesquin. Comme nous le disons, nous affirmons notre refus de la question de la reconnaissance, quel qu’en soit le prix.
En conséquence, dans nos conversations avec ces délégations occidentales [qui nous demandent de reconnaître Israël], nous leur disons : Bien que nous ayons hâte de communiquer avec vous et que nous soyons ouverts au monde, nous ne supplions pas ou ne cherchons pas une reconnaissance occidentale du Hamas. Cela ne nous préoccupe pas. Notre légitimité vient du peuple palestinien, des urnes, de la démocratie palestinienne, de la légitimité de la lutte, du sacrifice et de la résistance, et de notre dimension arabe et islamique. Nous ne recherchons pas la légitimité de l’étranger. Ce que nous cherchons, c’est d’obtenir la reconnaissance des droits palestiniens et le droit de notre peuple à la liberté, à être délivré de l’occupation, et notre droit à l’auto-détermination. Ce ne sera pas un échange pour la reconnaissance, parce que la reconnaissance est en fin de compte admettre la légitimité de l’occupation, de l’agression et du vol de la terre.
A votre avis, pourquoi la communauté internationale et les Israéliens refusent-ils la trêve à long terme proposée par le Hamas ?
Ce refus par l’entité sioniste, l’administration des Etats-Unis et les autres parties internationales est dû à plusieurs raisons.
La première raison : la logique du pouvoir, de la supériorité et de l’hégémonie de ces parties. Elles croient que leur puissance supérieure les autorise à nous imposer ce qu’elles veulent, et à nous considérer, nous Arabes et Palestiniens, comme la partie perdante qui n’a pas d’autre choix que de signer l’instrument de la défaite, de la même manière que l’Allemagne et le Japon l’ont fait au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, et non de proposer des solutions et des idées comme la trêve.
La deuxième raison : ils voient des parties arabes et palestiniennes faire des offres plus incitatives. Alors pourquoi répondraient-ils à une offre de trêve quand d’autres offrent de reconnaître Israël en échange d’une solution basée sur les frontières de 1967, prêts à négocier sur les détails de cette solution, à savoir les frontières, Jérusalem et le droit au retour ?
La troisième raison : l’expérience des Américains, des sionistes et d’autres avec d’autres parties dans la région les pousse à conclure que davantage de pression nous conduiront au désespoir, comme cela est arrivé pour d’autres ; ils ont essayé la politique de la pression et de l’extorsion avec d’autres, et elle a réussi. Cela les pousse à dire : « Essayons la même chose avec le Hamas, il se soumettra peut-être, comme les autres. » Ajoutez à cela le fait que certains arabes et palestiniens – et c’est regrettable – leur conseillent : « Encerclez le Hamas, financièrement et politiquement, et incitez contre eux ; ne vous ouvrez pas à eux directement, maintenez vos exigences, et ne vous précipitez pas. Le Hamas finira pas succomber ! »
Ces raisons, et peut-être d’autres, les poussent à rejeter l’offre de trêve. Quand nous discutons avec les délégations occidentales, nous leur disons : « Oui, les positions des autres sont plus faciles, et la nôtre plus difficile ; pourtant, notre avantage est que, quand nous faisons une offre ou prenons une position, nous nous efforçons d’assurer son applicabilité sur le terrain et son potentiel pour gagner la confiance du peuple palestinien et du public arabe et islamique, et c’est ainsi seulement lorsque cela ne va pas à l’encontre des constantes nationales, des droits et des intérêts de notre peuple. » En ce qui concerne les positions des autres dans l’arène palestinienne, elles sont faciles mais manquent de l’approbation de la majorité de la population palestinienne, de ses forces nationales et de ses élites intellectuelles. Quelle est la valeur de ces positions, des accords signés et des solutions trouvées avec certaines directions qui ont été rejetées par la majorité de la population ? Les Accords d’Oslo ont été imposés par le passé, et ils ont échoué parce qu’ils étaient injustes et ne répondaient pas aux aspirations de notre peuple, et sont restés ainsi étrangers à la réalité palestinienne et arabe.
Nous sommes donc conscients du fait qu’ils seront obligés de traiter finalement avec la vision du Hamas et avec la vision des forces et des dirigeants engagés dans les constantes nationales. Nous leur disons : « Si vous pensez que vous êtes capables de réussir dans la région par d’autres plans, essayez et vous arriverez à une impasse. »
Il est peut-être aisé pour les puissances principales de privilégier des solutions faciles avec certains leaders et décideurs, sans tenir compte qu’il est important que ces solutions convainquent et satisfassent la population. Ces puissances négligent le fait qu’une réconciliation avec les dirigeants et les gouvernements seuls est temporaire et de courte durée, et ne crée pas de stabilité dans la région – peu importe la portée de la pression et de l’oppression exercées sur la population. Cependant, le succès de toute entreprise ne se réalise que lorsque la population est convaincue et pense qu’elle est satisfaisante et équitable, même temporairement. Certains en Occident commencent à réaliser l’importance de ce point de vue et développent leurs positions en conséquence – bien que lentement – dans le sens de traiter avec le Hamas. Des obstacles persistent pour traduire ce développement limité en démarches réelles et sérieuses. Nous, en retour, ne sommes pas pressés, parce que ce qui nous importe n’est pas notre rôle mais plutôt notre engagement pour les droits et les intérêts de notre peuple.
LE HAMAS ET LES JUIFS
La résistance du Hamas est-elle dirigée contre les sionistes en tant que Juifs ou en tant qu’occupants ?
Nous ne combattons pas les sionistes parce qu’ils sont Juifs ; nous les combattons parce qu’ils sont des occupants. La raison qui sous-tend notre guerre avec l’entité sioniste et notre résistance contre elle est l’occupation et non des différences de religion. La résistance et la confrontation militaire avec les Israéliens ont été provoquées par l’occupation, l’agression et les crimes perpétrés contre le peuple palestinien, et non à cause de différences de religion ou de dogme.
Nous sommes bien conscients qu’Israël invoque la religion pour avancer sur le champ de bataille, tout comme il utilise des rancunes historiques, des textes, des légendes et des mythes déformés et des sentiments religieux dans la bataille contre les Palestiniens, les Arabes et les Musulmans. Même les leaders du sionisme laïc ont utilisé la religion, depuis le début du mouvement sioniste, et l’ont exploité au niveau politique ; et l’entité sioniste a été à l’origine fondée sur la religion et le racisme. En dépit de tout ceci, notre différence avec eux en religion n’est pas ce qui a créé un état de guerre et de résistance contre eux ; nous les combattons parce qu’ils sont des occupants.
Pour nous, la religion est la pierre angulaire de nos vies, de notre appartenance et de notre identité, de notre culture et de nos actes quotidiens ; c’est l’énergie qui insuffle la patience et la fermeté, et donne l’essor à plus de sacrifice et de générosité. C’est une énergie formidable en face de l’injustice, de l’agression et des puissances qui cherchent à nuire à notre peuple et à notre nation. Mais nous ne faisons pas de la religion une force qui engendre la haine, ni une cause ou un prétexte pour nuire ou attaquer les autres, ni pour nous emparer de ce qui n’est pas à nous, ni pour empiéter sur les droits d’autrui.
LE HAMAS ET LES RELATIONS INTERNATIONALES
Etes-vous satisfait de vos réalisations dans le domaine des relations internationales ? Quelle est la position de ces relations dans la pensée, les programmes et les priorités du Hamas ?
Les relations internationales ont plusieurs dimensions dans la pensée politique du Hamas.
Première dimension : la conviction que la bataille de Palestine, dans un de ses aspects, est la bataille de l’humanité contre l’injustice et l’oppression israéliennes, et contre le projet sioniste raciste qui vise le monde et l’humanité dans son ensemble et qui menace les intérêts des peuples et des nations, car ses méfaits et ses dangers ne sont pas limités à la Palestine et aux Palestiniens et aux Arabes et aux Musulmans.
Deuxième dimension : la nécessité de promouvoir notre juste cause et de gagner davantage d’amis qui soutiennent notre droit légitime à résister à l’occupation et à l’agression. Il a été démontré qu’il y a toujours du bon dans la conscience humaine, et qu’il peut être réveillé et mû en notre faveur si nous présentons bien notre cas, et si nous nous efforçons de révéler la vérité de l’entité sioniste. Le cas de l’appel à briser le blocus de Gaza, et le succès du gain d’un grand nombre de sympathisants grâce au mouvement des bateaux à Gaza est un exemple de l’importance de cette dimension. Nous rappelons et nous mettons l’accent sur le fait que c’est la confrontation avec l’entité sioniste – grâce au peuple et à la résistance, comme ce fut le cas avec la guerre à Gaza, au sud Liban et la flottille, qui révèle le visage affreux de cette entité, et non pas les négociations et les réunions avec elle, qui polissent son image et masquent sa réalité et ses crimes.
Troisième dimension : de même qu’Israël nous encercle et nous hante sur la scène internationale, nous aussi devons le suivre dans tous les forums internationaux, et ne pas lui laisser la tribune. Malheureusement, le côté officiel arabe et islamique n’a pas du tout atteint cet objectif, et son rôle réel a été absent. Cependant, ce qui atténue cette déficience, ce sont les efforts des communautés palestiniennes, arabes et islamiques qui se sont déplacées de façon plus efficace sur la scène internationale et ont obtenu des résultats significatifs et des percées importantes. Elles ont gagné des amis et des partisans à la cause palestinienne et aux questions arabes et islamiques, et ont œuvré pour exposer le visage hideux et impitoyable d’Israël, dont le comportement agressif et brutal a choqué la conscience et les sentiments humains car il va à l’encontre des valeurs éthiques des populations occidentales et des populations du monde. Ces communautés ont aussi contribué, par leurs activités, à poursuivre Israël juridiquement et judiciairement.
Quatrième dimension : nous sommes intéressés à constituer un réseau de relations, fort et efficace à tous les niveaux, international comme arabe et islamique. Nous avons créé dans notre groupe une section spéciale pour les relations internationales parce que nous considérons que c’est un facteur de force, d’ouverture et de gain du soutien international pour la cause et le mouvement.
Cinquième dimension : la constitution de relations internationales commence ici, à l’intérieur de la région, car la plante est ici, et la moisson est là-bas, en Occident, tandis que le travail acharné est nécessaire des deux côtés. Ceci signifie que la base principale pour réaliser une percée et la réussite des relations est la force sur le terrain, et y être profondément ancré, unis autour de notre peuple et de notre nation, résistants et résolus. [Avec une telle base], le monde nous respectera et réalisera qu’il n’y aura ni paix ni stabilité dans la région sans qu’ils traitent avec nous et nous accordent la considération que nous méritons, le respect de nos intérêts, nos droits et nos revendications légitimes, et ils s’écarteront de leurs politiques actuelles de partialité vis-à-vis d’Israël et de mépris pour les Palestiniens, les Arabes et les Musulmans.
Nous avons remporté des succès dans ce domaine, grâce à Allah.
Pourtant la route que nous avons à parcourir est encore longue. Nous sommes relativement satisfaits de ce que nous avons accompli, compte tenu de l’ampleur des obstacles auxquels nous sommes confrontés et qui sont jetés sur notre chemin. Il ne faut pas oublier que le niveau des relations et les gains obtenus ne dépendent pas de nous seuls, mais aussi de l’autre bord. C’est ainsi que les relations politiques, et les relations humaines aussi, fonctionnent.
Si nous mesurerons le produit de nos efforts comparé au degré de pénétration et d’influence sionistes dans le monde, l’écart semble grand. La politique occidentale, qui considère Israël comme son extension naturelle et qui choisit de le soutenir sans limite, la faiblesse de la performance et de la diplomatie arabes, et l’incitation des partis palestiniens et arabes contre le mouvement ont, sans aucun doute, eu une incidence sur le degré de réussite et de réalisation.
Nous avons actuellement une multitude de relations officielles, au niveau international, telles que les relations avec la Russie, avec quelques pays d’Amérique Latine et avec des nations asiatiques et africaines. Nous avons aussi d’autres relations internationales directes, dont certaines sont secrètes au vu des demandes de l’autre parti, et des relations indirectes par l’intermédiaire d’anciens fonctionnaires qui communiquent avec nous en toute connaissance des officiels de leurs pays, comme c’est le cas avec les Etats Unis d’Amérique et d’autres. Tout ceci est un progrès important, et il n’y en a pas pour longtemps, si Dieu le veut, pour que ceci évolue vers des relations officielles et cohérentes avec le mouvement.
Nous ne parlons pas ici de relations internationales sur fond d’amertume, de désespoir, d’urgence et de recherche d’une gloire partisane ; nous forgeons plutôt ces relations et leur suivi avec calme et respect de soi-même, dans le but de récolter des gains pour la cause palestinienne plutôt que pour des causes partisanes étroites.
LE HAMAS, LES ALIGNEMENTS ET LES AXES
Au cours des récentes années, l’arène arabe a connu un certain nombre d’axes et alignements différents. Le Hamas a été classé par certains comme faisant partie de l’axe du refus. Comment voyez-vous cette situation qui domine la scène politique arabe ? Où vous situez-vous à cet égard ? Et pensez-vous qu’elle soit dans l’intérêt de la nation ?
Je répondrai à cette question sous trois angles.
Premier angle : il y a un groupement répréhensible, et un autre groupement qui est louable. Le groupement répréhensible est une assemblée, par exemple, sur la base de la race ou d’idées nationales étroites, qui s‘oppose à d’autres peuples ; elle invoque des facteurs de catégorisation et d’alignement interne au niveau du pays ou de la nation.
Mais si les gens se rassemblent pour faire le bien, pour soutenir le peuple palestinien, pour résister à l’ennemi sioniste, pour contrer la normalisation, pour résister aux tentatives des ennemis d’infiltrer la nation, pour combattre l’hégémonie américaine et l’occupation de l’Irak et de l’Afghanistan, et font obstacle aux tentatives de vol de la richesse de la nation, tout ceci constitue un groupement digne de louanges qui ne peut être mis sur le même plan que l’autre.
Par conséquent, lorsque nous disons que nous sommes pour la résistance, pour l’adhésion aux droits palestiniens, pour le droit au retour, et que nous avons un parti-pris pour la Palestine, Jérusalem et les autres lieux sacrés de la nation, et que nous rejetons l’occupation sioniste et que nous refusons de succomber aux diktats de l’ennemi, alors ce sont des positions dont nous sommes fiers et nous ne le cachons pas. C’est le devoir de la nation. Dieu Tout-Puissant dit : « Aide l’autre dans la droiture et la piété et ne participe pas au crime et à l’agression. » Se retrouver ensemble pour une telle coopération est souhaité, et nous ne devons pas craindre pas d’être accusés de partialité envers un des axes dans un tel cas.
Deuxième angle : nous ne considérons pas que notre engagement pour la résistance et le refus de nous soumettre aux exigences du Quartet et de l’ennemi et à la vision américano-israélienne de la colonisation et à l’abandon des droits palestiniens sapent les parties palestiniennes ou arabes, mais plutôt, [nous considérons que cela sape] l’ennemi sioniste. Ceux dont l’agenda se recoupe avec celui de l’ennemi, ou qui succombent et vont vers lui sous la pression, et participent ainsi à notre siège ou à l’incitation contre nous, sont ceux qui se placent en pratique contre la mission de la résistance.
Toutefois, nous ne braquons quiconque de notre peuple ou de notre nation, et nous n’avons pas formé un axe palestinien, arabe ou musulman contre un autre axe arabo-palestinien. Nous continuons à tendre la main à tous, et nous sommes désireux de communiquer et d’établir des relations avec chacun. S’il y a une cassure ou un refroidissement dans les relations avec quelqu’un, c’est lui qui a choisi la cassure ou le refroidissement et pas nous.
Tout le monde est conscient de ce fait, parce que nous tendons la main à tous les Arabes, certains répondent positivement, et les autres non.
Troisième angle : s’il était acceptable d’être en désaccord avec notre politique et notre analyse de la situation politique lorsque les négociations ont été tentées et que les gens ont payé cher pour la résistance, est-il acceptable d’être en désaccord aujourd’hui, après que les négociations se soient avérées être un échec, avec un horizon politique bouché et des coûts et conséquences très lourds, bien plus lourds que les coûts de la résistance ?
Nous appelons tous les Etats et les forces de la nation à se rassembler avec nous dans notre environnement naturel en tant que nation. Quand la nation subit une occupation, notre environnement naturel et notre priorité doivent être la résistance.
Lorsque nous subissons une attaque, il est naturel de s’unir en face de l’agression ; et quand la nation entre dans une étape d’indépendance, alors notre environnement naturel et notre priorité doivent être la reconstruction, les progrès économiques et le renouveau culturel dans toutes ses dimensions.
Aujourd’hui, la nation doit répondre aux défis actuels et se placer dans son environnement naturel. Nous espérons que tous seront dans cet environnement, en particulier si l’on considère qu’ils ont essayé et qu’ils ont échoué et qu’ils se sont rendus compte que parier sur les Américains ou autres est futile. Les Américains ont essayé en Palestine, en Irak et en Afghanistan, et en Iran avec le Shah, et les résultats ont été désolants. Nous disons aux régimes arabes et islamiques : « Le plus court chemin pour conserver vos régimes et même votre maintien au pouvoir est en étant aux côtés de votre nation et des choix du peuple. »
Les dirigeants arabes se sont engagés dans de nombreuses expériences et tentatives sur la voie des compromis et des négociations. La plus récente est l’Initiative de Paix arabe, par laquelle ils ont envoyé un message clair et généreux que les Etats arabes étaient prêts à accorder des bénéfices en échange des démarches prises par l’autre parti. Huit années se sont écoulées depuis que cette proposition a été débattue, sans que le moindre respect lui soit accordé, que ce soit de la part de l’ennemi sioniste, de l’administration des Etats-Unis, ou de la communauté internationale – à part quelques phrases flatteuses.
Lors de nos rencontres avec de nombreux responsables et dirigeants arabes, nous continuons à leur dire : « Après cette expérience, et après avoir atteint une impasse, est-ce que ça ne vaut pas la peine d’arrêter et de chercher des options alternatives ? » Nous avons aussi l’habitude de leur dire que se retirer du plan de règlement et de l’initiative arabe ne signifiait pas entrer dans des guerres ouvertes, ce qui n’est pas possible aujourd’hui avec Israël. Une autre option est de soutenir la résistance, et ainsi la nation peut se rassembler derrière une option réaliste et pragmatique qui a prouvé sa capacité à tenir bon et à marquer des points, une option qui est appelée à se développer de façon importante en termes de poids et d’influence dans le conflit arabo-israélien, en particulier si elle trouve du soutien.
Si des guerres ouvertes avec l’ennemi sont impossibles aujourd’hui à cause du déséquilibre des forces, il est difficile pour la nation – en l’état actuel des choses – de s’engager dans un programme de guerre arabe contre Israël. Alors, que l’option réaliste et pratique soit celle de la résistance, que nous avons essayée et qui a réussi à chasser les occupants du sud Liban et de Gaza, et dont les effets se voient clairement en Irak et en Afghanistan.
Par conséquent, nous croyons qu’appeler la nation et ses forces à s’aligner sur leur environnement naturel n’est pas une théorie abstraite ou émotionnelle, mais qu’elle est plutôt basée sur une option pratique qui a été tentée avec succès. La nation est capable d’utiliser cette option aux niveaux officiel et populaire, en particulier depuis que l’option des négociations a échoué et au vu du mépris affiché par les dirigeants ennemis envers nous, ainsi qu’au vu de la trahison, par les administrations US successives, des Arabes et des Musulmans, et même par leurs amis et associés.
LE HAMAS ET LES CHRETIENS
Quelle est la position du Hamas envers les Chrétiens et leur rôle dans la cause palestinienne ?
L’Islam traite avec les Chrétiens d’une manière particulière par rapport aux autres religions, comme dans le verset [coranique] : « Vous trouverez certainement que, de tous les peuples, les plus hostiles à ceux qui croient sont les Juifs et ceux qui sont polythéistes ; et vous trouverez certainement que, de tous les peuples, les plus proches en amitié de ceux qui croient sont ceux qui disent : ‘Nous sommes chrétiens’. » Les relations historiques entre Chrétiens et Musulmans ont un statut spécial dans l’histoire depuis la conquête de la Palestine, lorsque le deuxième calife, Umar Ibn al-Khattab, a reçu les clés de la ville de Jérusalem après que les Chrétiens aient insisté pour que les Juifs ne vivent pas avec eux à Jérusalem. Une relation spéciale entre Musulmans et Chrétiens s’est formée ensuite.
Qui plus est, la Palestine jouit d’un statut exceptionnel, en tant que terre des prophètes et des messagers, le berceau de Jésus (que la paix soit sur lui), et le lieu du voyage nocturne de Mohammad (que la paix soit sur lui). La Palestine est l’un des meilleurs exemples de coexistence et de tolérance entre toutes les religions.
C’est un héritage porté par les Palestiniens – qu’ils soient musulmans ou chrétiens – et qui a abouti à l’évolution des relations historiques que nous voyons.
Dans les dernières décennies, depuis les années 1930 lorsque le regretté Hadj Amin al-Husseini a parrainé les conférences chrétiennes et musulmanes, les Musulmans et les Chrétiens ont eu des préoccupations communes et ont coopéré pour faire face aux défis mutuels. Les Palestiniens –musulmans et chrétiens- étaient dans le même bateau contre l’occupation sioniste. Cela s’est reflété dans le rôle de nos frères chrétiens dans la Révolution palestinienne contemporaine, lorsque toutes les factions se sont unies en un seul peuple.
Depuis la création du Hamas, les relations avec les frères chrétiens ont été normales et bonnes, et il n’y a aucun problème entre eux et nous. Ceci, en dépit du fait que certaines forces palestiniennes ont tenté, malheureusement, d’effrayer les Chrétiens avec l’idée du nouveau Hamas, rappelant que c’est un mouvement islamique afin de promouvoir l’idée qu’il y avait une contradiction soi-disant inévitable entre le Hamas et les Chrétiens. Cependant, ces tentatives d’intimidation ont échoué, et les Chrétiens se sont rendu compte que le mouvement est proche d’eux, et qu’il traite chacun avec tolérance, ouverture et respect. Pendant la Deuxième Intifada palestinienne, le mouvement a tenu compte des spécificités des fêtes chrétiennes, et a pris soin de ne pas faire coïncider les jours de grève avec les fêtes et événements chrétiens, tout comme il a eu à cœur de protéger les biens chrétiens. Non seulement cela, mais le Hamas a tenu également à ce que les Chrétiens aient un rôle actif dans la vie politique palestinienne. Les dirigeants du mouvement, à la maison ou à l’étranger, ont eu plusieurs rencontres avec des personnalités nationales religieuses chrétiennes.
Pour toutes ces raisons, le Hamas a gagné un large soutien parmi les Chrétiens avant et après les élections législatives de 2006 ; beaucoup de Chrétiens ont voté pour le Hamas, et nous les soutenons en Cisjordanie et à Gaza. Par exemple, le docteur Husam al-Tawil – un Chrétien – a remporté un siège à Gaza grâce aux votes du Hamas et de ses partisans. Le nombre de Musulmans qui ont voté pour lui fut plusieurs fois le nombre de votes chrétiens – étant donné que le nombre de Chrétiens dans la Bande de Gaza est faible.
Je rappelle ici, à cause de sa signification symbolique, un incident qui est survenu dans un aéroport arabe. Une personne s’est approchée de moi, s’est présentée comme un Palestinien, a dit qu’il était de Beit Jala, qu’il était chrétien, et qu’il avait voté pour le Hamas et qu’il continuait à le soutenir. Il n’était pas obligé de le dire, et personne ne l’y a poussé ; il a fait cela de sa propre initiative, et a exprimé ses sentiments. C’est un modèle des bonnes relations entre le mouvement et les frères chrétiens dans notre peuple.
Nous traitons les frères chrétiens comme une composante fondamentale du peuple et de la patrie, et comme une part active dans la lutte contre l’occupation, sans considération de qui est musulman et de qui est chrétien. Nous sommes partenaires dans le pays, et chacun a des droits et des devoirs. Lorsque nous évoquons les personnalités religieuses éminentes dans la lutte du peuple de Palestine, nous citons, parmi les Musulmans, Sheikh Raed Salah, Sheikh Ikrima Sabri, et [parmi les Chrétiens] l’évêque Atallah Hanna, l’évêque Capucci, etc. ; nous partageons tous la défense de Jérusalem et la cause.
Le Hamas a peut-être surpris quelques libéraux et laïcs dans l’arène palestinienne qui pensaient, ou même promouvaient l’idée que, à cause de son identité islamique, il s’isolerait et qu’une relation ténue pourrait se développer entre nous et les chrétiens palestiniens. Ils ont été surpris de voir que leurs prévisions ne se sont pas matérialisées. C’est parce que la religion n’est pas l’isolement et le détachement ; au contraire, la foi motive une personne à être tolérante, à être respectueuse des autres, et à reconnaître leurs droits.
Traduction : MR pour ISM