mardi 21 septembre 2010

« Au nom de qui parlent-ils ? »

lundi 20 septembre 2010 - 07h:17
Leila Al-Haddad - Al Jazeera
Une deuxième séance de pourparlers directs entre Israël et l’Autorité Palestinienne se déroule en présence d’Hillary Clinton, la Secrétaire d’Etat des Etats -Unis, dans la station de Sharm el-Sheikh , au bord de la mer rouge en Egypte.
Selon Washington, on peut espérer que les pourparlers aboutiront à un accord d’ici un an. Mais le Hamas, qui gouverne la bande de Gaza, est visiblement absent de la table des négociations et Georges Mitchell, l’envoyé américain pour le Moyen Orient a d’ailleurs dit qu’il n’aurait aucun rôle.
Al Jazeera a demandé aux Palestiniens de Gaza de faire part de leurs impressions à propos de ces négociations
Ola Anan, 25 ans, ingénieur en informatique
« Quand on a commencé à parler de négociations et de retour au processus de paix et tout ça, je me suis dit, attendez, il y a quelqu’un qui nous a demandé ce qu’on pensait nous, avant d’aller à la table des négociations ? (JPG)
Vous voyez ce que j’veux dire ? Mahmoud Abbas, il est président alors qu’il n’a plus de mandat présidentiel". Alors il est porte-parole de qui ? Des Palestiniens ? Cela m’étonnerait.
Les gens à Gaza de manière générale ne sont au courant de rien et n’ont pas la moindre idée de l’ordre du jour dont les délégués palestiniens doivent débattre. Alors bon, ça nous intéresse pas, et puis on nous met pas au courant En fait, personne nous a demandé notre avis avant d’aller là-bas.
Je me demande vraiment comment les Américains peuvent compter sur Mahmoud Abbas pour représenter le peuple palestinien dans son ensemble.
Ou alors ils cherchent peut-être à séparer la Bande de Gaza des Territoires Palestiniens ? J’sais pas. »
Nader Nabulsi, 44ans, commerçant
« Les négociations n’ont abouti à rien. Zéro ! On n’a rien à voir avec ça et avec Abbas non plus.Tout est pourri.... Il reconnaît pas la Bande de Gaza, alors il négocie quoi ? Pourquoi il résout pas d’abord les problèmes interpalestiniens ? Après, d’accord, il pourrait aller négocier avec les Juifs. Et puis son mandat est terminé depuis un moment ! Alors comment il peut négocier ? Sur quelle base ? Pour des questions comme celles-là, c’est tout le peuple palestinien qui a besoin d’être consulté.
Au lieu de ça, il confisque les dossiers et négocie à titre personnel- alors forcément, ça marche pas. Il faut un consensus national. Il faut qu’il tienne compte de l’opinion de la rue, nous on rejette ces négociations, elles sont vides, ils se moquent de nous.
Aujourd’hui, Abbas devrait parler de la création d’un nouveau gouvernement, plus légitime, qui prendrait en compte la voix du peuple, et prendrait les décisions en accord avec elle. Il ne devrait pas négocier tout seul, comme il l’entend, en se basant sur ce qui lui passe par la tête, ou ce que racontent les autres là-bas à Ramallah. Ils disent qu’ils sont pour la démocratie. Eh ben, une démocratie, ça écoute le parlement, les ministères... une démocratie ça se réduit pas à Abbas qui prend ses décisions tout seul. C’est aux gens, aux Palestiniens, qu’il appartient de décider de questions de ce genre, pas à Abbas. Nous, on rejette ces négociations, c’est bidon, ça mène nulle part. »
Amjad Agha, 42 ans, ingénieur en agriculture
« Je n’espère rien de ces négociations. Ca fait 20 ans qu’on négocie, et ça n’a strictement rien apporté au peuple palestinien. Que ce soit la Bande de Gaza ou la Cisjordanie , personne n’a tiré un bénéfice quelconque de ces négociations.
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Les deux parties qui constituent notre nation sont complètement coupées l’une de l’autre, il n’y a aucun lien entre elles. Les déplacements et le franchissement des frontières sont toujours très limités. L’aéroport est fermé. Il n’ y a pas de liberté de circulation.
Gaza en particulier est une grande prison. Il n’y a aucun moyen d’en sortir, sauf avec grande difficulté, même si vous êtes étudiant, si vous êtes malade, ou s’il s’agit de quelqu’un en vacances.
Ces négociations vont échouer très vite, du fait en particulier de l’obstination d’Israël, de son entêtement à refuser tout compromis ou même de parler du droit de retour, de Jérusalem, et d’autres questions importantes pour le peuple Palestinien et la communauté musulmane. »
Sameeha Ulwan, 22 ans, récente diplômée de l’université
« Je ne trouve grande signification à ces négociations directes en tant que Gazaoui et Palestinienne.
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Pour nous Gazaouis nous sommes mis de côté, et notre cause n’est pas du tout défendue à la table des négociations directes alors que nous sommes victimes d’un siège depuis plus de quatre ans.
En vérité ces pourparlers directs se concentrent sur des questions basiques- ces questions basiques dont on discute depuis des décades, pour n’aboutir à rien la plupart du temps...
Jérusalem, les réfugiés, les constructions de colonies, qui ne vont pas être gelées d’après ce que disent les Israéliens.
Je crois que ces négociations ne mèneront nulle part, si ce n’est à de nouvelles concessions. »
Khalil Amam 54 Ingénieur
« Les négociations se déroulent depuis 20 sans résultat. C’est parce qu’il y a une asymétrie de pouvoir entre les deux côtés de la négociation. Il y a une partie forte et une partie faible. On n’a pas besoin de négociations. On a simplement besoin de remplir les blancs. C’est ce qui fait la disparité. Pour que des négociations aboutissent, il faut un équilibre des pouvoirs en présence. »
Alia Shaheen, directeur de projet d’une ONG
« La plupart des gens à Gaza ne pensent même pas aux négociations, tout occupés qu’ils sont par la situation actuelle, qui empire. Ce qui les préoccupent, c’est trouver des solutions à leurs problèmes, leurs difficultés journalières, comme les coupures d’électricité, les problèmes économiques, comment assurer leur revenu, élever leurs enfants, et l’enfermement et le siège dont ils souffrent quotidiennement.
Ils ne considèrent pas les négociations comme une question d’importance dans leur vie, en tout cas pas comme quelque chose qui mérite qu’on s’y attarde. Pour eux c’est du temps perdu. »
Abu al-Abed, 30 ans, pêcheur
On entend parler des négociations à la télévision, mais dans la réalité, il y a rien qui change.
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C’est du vent.
En Cisjordanie peut-être qu’il y a plus de possibilités Mais Gaza est complètement en dehors du coup pour ce qui est des négociations.
Il ’y a pas d’ électricité, il ’y a pas d’eau.
On peut non plus se déplacer.
La vie est chère. Et les frontières sont toutes fermées...
J’veux dire... Gaza est complètement enfermée avec ce blocus.
 
 
Salih Ghamri 58 ans fermier
Ces négociations , elles ne remplissent pas les assiettes, ça c’est sûr. C’est du vent. C’est pas par elles qu’on va retrouver nos droits ou quoi que ce soit. Forcément, on négocie avec quelqu’un qui n’est pas du tout disposé à nous laisser acquérir ces droits, quelqu’un qui veut débattre ni de près ni de loin de tout ce qui touche à la cause Palestinienne.
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* Laila El-Haddad est une journaliste, photographe et bloggueuse palestinienne qui passe son temps entre Gaza et les Etats-Unis. Elle tient le blog :
19 septembre 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/indept...
Traduction de l’anglais : J.M
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