jeudi 19 août 2010

Officialiser les saisies israéliennes de terres


Israel - 16-08-2010
Par Chris Hedges 
Le temps est compté pour Israël. Et le gouvernement israélien le sait. L’investissement émotionnel et idéologique pour Israël diminue de plus en plus parmi la diaspora juive, en particulier chez les jeunes. Le boom démographique signifie que les Palestiniens en Israël et dans les territoires occupés seront bientôt plus nombreux que les Juifs. Et le statut croissant d'Israël en tant que nation paria signifie que des sanctions officieuses et, éventuellement, officielles contre le pays sont probablement inévitables.














Photo : L'énorme colonie d'Har-Homa située entre Bethléem et Jérusalem, en Cisjordanie Occupée
En regardant monter l'opposition à leur état d'apartheid, des politiciens israéliens désespérés ont proposé une forme pervertie de ce qu'ils appellent "la solution à un Etat." C’est le dernier outil pour contrecarrer le projet d’un Etat palestinien et permettre à Israël de conserver ses énormes complexes de colonies et ses saisies de terre à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.
L'idée d'un seul État a été soutenue par Moshe Arens, un ancien ministre de la Défense et ministre des Affaires étrangères du Parti du Likoud. Dans un article paru le mois dernier dans le quotidien Haaretz, il s’interrogeait : "Y a-t-il une autre solution ?" Arens a été rejoint par plusieurs autres politiciens israéliens, dont Reuven Rivlin, le président de la Knesset.
Cependant, la vision israélienne n’inclut pas un Etat avec des droits égaux pour les citoyens juifs et palestiniens. L'appel à un seul État semble inclure pousser Gaza dans les bras de l'Egypte qui n’en veut pas et annexer la Cisjordanie et Jérusalem-Est à Israël.
Mais les Palestiniens à l’intérieur du territoire sous contrôle israélien resteront accablés par les paralysantes restrictions à la circulation, au travail et sécuritaires déjà en place.
Par exemple, les Palestiniens dans les territoires occupés ne peuvent pas récupérer les biens perdus ou acquérir la citoyenneté israélienne, mais ils voient les Juifs nés à l'extérieur d'Israël et sans aucun lien avec le pays avant devenir des citoyens israéliens et recevoir des logements subventionnés par le gouvernement.
Les Palestiniens en Cisjordanie vivent dans une série d'environ huit sordides ghettos encerclés et sont gouvernés par des tribunaux militaires.
Les Juifs vivant en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, comme tous les citoyens à part entière d'Israël, sont assujettis au droit civil israélien et à une protection constitutionnelle. Les Palestiniens ne peuvent pas servir dans les forces armées ou les services de sécurité, tandis que les colons juifs reçoivent des armes automatiques et sont protégés par les Forces de "Défense" d'Israël.
Si Israël se débarrasse de la Bande de Gaza, qui a 1,5 million de Palestiniens, l'Etat juif restera avec 5,8 millions de Juifs et 3,8 million d'Arabes. Et, au moins dans un proche avenir, les Juifs resteront la majorité. Cela semble être la principale attraction du plan.
Le paysage de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, connu sous le nom de "faits sur le terrain", a changé de façon spectaculaire depuis que je suis allé pour la première fois à Jérusalem il y a deux décennies.
D'énormes complexes d'appartements aux allures de forteresse encerclent Jérusalem-Est et dominent les collines de Cisjordanie.
La population de colons est maintenant de plus de 462.000 personnes, avec 271.400 qui vivent en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et 191.000 qui vivent dans et autour de Jérusalem. La population de colons a augmenté au taux annuel de 4,6% par an depuis 1990 alors que la société israélienne dans son ensemble a augmenté de 1,5%.
Le résultat final de la saisie des terres par Israël à Jérusalem-Est, qui comprend l'approbation récente de 9.000 logements supplémentaires, et en Cisjordanie, c’est de répandre une forme de nettoyage ethnique administrative.
Des familles palestiniennes sont poussées hors des terres qui leur appartenaient depuis des générations et sont expulsées de leur logement par les autorités israéliennes.
Des dizaines de familles, jetées des logements qu'elles occupaient à Jérusalem-Est depuis des décennies, sont obligées de vivre dans la rue.
Des groupes comme Ateret Cohanim, une organisation ultra-orthodoxe juive privée qui recueille des fonds de l'étranger, achètent des propriétés palestiniennes et mènent des stratégies juridiques pour expulser les familles qui résidaient à Jérusalem-Est depuis longtemps. Le système judiciaire israélien et la police, en violation du droit international, facilitent et exécutent ces expulsions et saisies de terres.
Des colons lourdement armés effectuent fréquemment des attaques non provoquées et des raids ponctuels et des expulsions de maison pour compléter la terreur imposée par la police et l'armée. Ils sont le bras civil de l'occupation.
"Ce consentement à la violence des colons est particulièrement répréhensible du point de vue du droit international humanitaire, car les colons sont déjà présents illégalement sur un territoire occupé, ce qui rend pervers le fait de persécuter ceux qui devraient être protégés - les Palestiniens - et d’offrir une protection aux briseurs de loi - les colons", a déclaré Richard Falk quand nous lui avons parlé il y a quelques jours.
Falk est le Rapporteur spécial des Nations Unies qui s'est vu refuser l'entrée dans les Territoires Occupés par le gouvernement israélien.
Falk a déclaré qu’intégrer les Palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie dans un seul état israélien entrainerait Israël à imposer des degrés de citoyenneté.
"Si les Palestiniens de 48 jouissent d’une citoyenneté de seconde classe, ceux de Cisjordanie et de Jérusalem-Est obtiendront une citoyenneté de troisième classe», a déclaré Falk." La véritable proposition, la conséquence envisagée par ce genre de proposition, c’est une extension du contrôle israélien sur les territoires occupés comme étant une réalité permanente. C’est alors une annexion de fait. La création d'un Etat unique lui donnerait une couverture plus légale. Cela tenterait de résoudre le problème d'un territoire occupé sans s’embêter avec des négociations internationales. "
"Le but est de fragmenter le peuple palestinien d’une telle façon restrictive qu’il sera presque impossible d'envisager l'émergence d'un État palestinien souverain et viable", a déclaré Falk.
"Plus cela durera longtemps, plus cela sera difficile à surmonter, et le plus grave, ce sera la réduction des droits fondamentaux des Palestiniens."