jeudi 26 août 2010

Nous ne serons pas complices des Pétain palestiniens‏

France - 26-08-2010

Par Pierre-Yves Salingue 
1ère partie : A quoi sert Salam Fayyad ?
Ali Abunimah, fondateur et éditorialiste du site Electronic Intifada, a récemment publié un article critiquant ce qu’il nomme « la fausse (ou hypocrite) campagne de boycott de l’Autorité Palestinienne. »
Il y accuse notamment Salam Fayyad, le « Premier ministre non élu basé à Ramallah », de vouloir torpiller la campagne de BDS et aussi de tenter de récupérer les actions de terrain de la « résistance populaire » .
Peu de temps avant, Jamal Juma, coordinateur palestinien de la campagne contre le mur (Stop the Wall), avait déclaré que « l’Autorité Palestinienne cherchait à paramétrer la résistance pacifique contre le mur d’apartheid en fonction de sa propre vision pour en prendre le contrôle. »
Au même moment, Mousa Abu Maria, coordinateur de Palestine Solidarity Project et animateur du comité populaire de Beit Ommar, arrêté tour à tour par l’armée israélienne et par la police de l’Autorité, analysait le soudain intérêt de l’Autorité Palestinienne pour la résistance populaire non violente comme « une offre voilée de Fayyad pour prendre le contrôle d’un mouvement populaire. »


Ces quelques exemples illustrent une réalité qui ne fait pas mystère en Cisjordanie. Là-bas, nombreux sont ceux qui ont compris que le contrôle des actions de « la résistance populaire » est devenu un enjeu politique important.
Le « libéral » issu d’un coup de force
Il a été fourni clés en mains par le gouvernement américain et les différents pays « donateurs » qui l’ont imposé à Arafat en qualité de ministre des finances en 2002.
Nul ne devrait remettre en cause sa volonté de servir ses compatriotes : après des études en université américaine et quelques années passées à la Banque mondiale, il a mis en pratique son « droit au retour » en acceptant en 1995 la responsabilité de « représentant du FMI » dans les Territoires de l’Autonomie Palestinienne.
En 2007 il a été désigné Premier Ministre par Abbas qui venait de tenter un coup de force contre le Hamas à Gaza avec son acolyte Dahlan. Après la débandade de leurs forces financées par les USA, Abbas a décrété l’Etat d’urgence, a assisté sans mot dire voire a encouragé le durcissement du blocus de Gaza et l’arrestation des membres Hamas du Conseil législatif où ils étaient majoritaires.
Celui qu’on nous présente parfois comme un « libéral » n’a éprouvé aucun état d’âme à profiter d’un putsch pour prendre la place du Premier ministre élu par la majorité Hamas du Conseil Législatif Palestinien (CLP).
Depuis 3 ans, alors que sa liste n’avait obtenu que 2,4% des suffrages lors des élections remportées par le Hamas, il est le « Premier ministre » d’un gouvernement qui n’a jamais été ratifié par un vote du CLP et il a été nommé par un « Président » dont le mandat est achevé depuis 18 mois !
Curieusement, ses nombreux admirateurs occidentaux ne semblent pas choqués par ce « léger » déficit de légitimité démocratique !
Construire un Etat sous occupation ?
Le plan prêté au nouveau sauveur des Palestiniens est le suivant : eu égard à l’impasse des négociations, l’Autorité modernisée par Fayyad va faire la démonstration du sérieux palestinien sur le terrain et à un moment donné il apparaitra clairement aux yeux de la Communauté internationale (CI) que le seul obstacle au règlement du conflit, c’est l’occupation…
Naïveté ou soumission ? Voici ce qu’en dit Bernard Sabella, un membre du Conseil législatif proche de Fayyad : « L’insistance sur la non-violence chez nous, les Palestiniens aujourd’hui, est en accord avec le plan de M. Fayyad pour arriver à une position où la communauté internationale va regarder la Palestine et dire : Voilà, les Palestiniens sont bien développés dans leurs institutions, et même dans leur mentalité. Alors, pourquoi ne pas leur reconnaître un État ? »
Fayyad affirme qu’il sera alors en capacité de forcer la main de la CI pour exiger la conclusion d’un accord mettant un terme à l’occupation de 67.
Il y aurait donc désormais deux options dans la recherche de la reconnaissance de l’Etat palestinien : celle d’Abbas axée sur la poursuite des négociations et fondée sur l’espoir d’un changement d’attitude du gouvernement des USA et celle de Fayyad consistant à agir sur le terrain pour établir les fondations économiques sans attendre la création de l’Etat.
En réalité ces deux attitudes ne sont nullement contradictoires.
Abbas et Fayyad sont deux étoiles jumelles qui unissent leurs efforts dans l’espoir que la Communauté internationale va leur octroyer « un Etat » et tant pis s’il s’agit d’un bantoustan totalement soumis économiquement à l’économie israélienne, sans souveraineté et principalement voué au contrôle policier des Palestiniens.
Et tant pis aussi si cet « Etat » sert demain de justification à l’oubli de la question palestinienne qui sera réduite à quelques épisodes d’un banal « conflit frontalier entre deux états voisins » !
Fayyad sait que la combinaison de la structure des accords d’Oslo et de l’occupation militaire israélienne rend l’Autorité totalement dépendante d’Israël et que c’est toujours l’intérêt de l’Etat sioniste qui commande.
Le flic et le banquier : au service de la paix pour le Capital
Si le blocus financier a été levé et si le quadrillage militaire s’est un peu allégé en Cisjordanie, c’est parce que le maintien sur place des forces d’occupation israéliennes et la participation active des collaborateurs palestiniens, notamment dans l’action répressive des forces policières palestiniennes placées sous le commandement du général américain Dayton, le permettaient.
Comme Dayton l’a expliqué, l’USSC (Equipe américaine de coordination de la sécurité) est là « non pas pour apprendre à combattre Israël, mais pour maintenir l'ordre et la loi, respecter tous les citoyens et faire régner la loi afin qu'ils puissent vivre en sécurité et en paix avec Israël. »
La mission de cette force policière est avant tout le contrôle de tout mouvement populaire.
Certains commentateurs occidentaux n’ont pas manqué de noter la faiblesse des manifestations de protestation des habitants de Cisjordanie lors de l’agression meurtrière contre Gaza fin 2008.
Là encore Dayton explique :
« Pendant cette période, les Israéliens ont gardé un 'profil bas'; chaque jour, ils se coordonnaient avec les forces de sécurité palestiniennes. Par exemple, le commandant palestinien appelait le commandant israélien pour lui dire ''Une manifestation se déroulera du point A au point B. Elle passe près du checkpoint de Bet El. Nous apprécierions si, pendant deux heures, vous pouviez quitter le checkpoint afin que nous puissions contrôler la manifestation, ensuite vous pourrez reprendre position.'' »
Dayton rapporte ensuite les propos d’un officier israélien : « L'USSC est en train d'accomplir un travail formidable. Plus les Palestiniens feront le boulot et moins nous devrons le faire. » [1]
La mission première de Fayyad ne devrait faire aucun doute : il est là pour contribuer à réunir les différentes conditions favorables à la liquidation de toute résistance authentique, quelle qu’en soit la forme, violente ou non violente.
Il n’est évidemment pas seul à la manœuvre et bénéficie de l’appui encore nécessaire de Abbas, du soutien contraint et pas toujours enthousiaste du Fatah et de la complicité plus ou moins discrète de dirigeants d’ONG dont la survie dépend de l’USAID ou de l’argent de Fayyad.
Quant à la « gauche palestinienne », elle semble n’avoir comme seule stratégie que réclamer l’unité et la réconciliation, refusant d’admettre que, dans les présentes circonstances, toute réconciliation ne pourrait se faire que sur le dos de la résistance et au détriment des droits fondamentaux du Peuple palestinien.
Fayyad est un jalon important dans la mise en place d’une Autorité dépolitisée, une simple administration de gestion du quotidien des Palestiniens « sous sa forme techniciste éloignée de tout engagement patriotique. » [2]
C’est aussi ce que dit Azmi Bishara : « l’ancien officiel de la Banque mondiale, qui se vante d’être pragmatique, offre des solutions au jour le jour à la place d’une cause nationale. »
Pour autant, dans cette « gestion du quotidien », la relative amélioration de certains aspects de la vie des habitants de Cisjordanie, par la levée temporaire de certains barrages à l’entrée des villes palestiniennes et par la permission donnée aux Palestiniens d’emprunter certains segments de routes précédemment réservées aux seuls Israéliens, n’a pas modifié en profondeur la situation des Palestiniens ordinaires dont l’immense majorité ne fréquente pas les dancings de Ramallah où le coca se paye 4 € et ne pourra pas devenir propriétaire d’un appartement à Rawabi.
Aussi, dans un contexte global d’intensification de la chasse aux militants du Hamas et plus généralement de la répression à l’encontre de tous ceux qui contestent sa politique de complicité active avec l’occupation, Fayyad doit donner le change et ne peut pas être réduit au rôle de collaborateur actif et dévoué de l’occupant.
Neutraliser la résistance populaire
Il a donc décidé d’occuper, pour mieux les neutraliser, les deux terrains où s’exprime aujourd’hui la lutte contre l’occupation en Cisjordanie : d’une part « la résistance populaire » et d’autre part le boycott d’Israël.
Diverses luttes ont été spontanément engagées à partir de 2002 par des villageois confrontés aux premiers travaux de construction du mur (Jayyous, Bil’in…)
Elles ont souvent pris la forme de manifestations régulières contre le mur, pour la défense du libre accès aux terres et aux villages de plus en plus cernés par les colonies.
Ignorées des principales factions politiques et méprisées par l’Autorité, elles sont restées isolées pendant plusieurs années.
« Stop the Wall Campaign » puis l’appel BDS en 2005 ont été les premiers à tenter de relier entre elles ces recherches d’une alternative d’une part à la faillite de la stratégie des négociations de paix et d’autre part à l’impossibilité d’une participation populaire à la deuxième Intifada militarisée.
Mais la situation a changé. Les négociations sont devenues inexistantes et l’isolement des actions armées a mené la deuxième Intifada dans l’impasse.
Depuis quelques temps, Stop the Wall et BDS sont confrontés à la concurrence de deux organismes : le Comité National et le Comité de coordination.
Le premier a été créé par le Fatah dès 2005 et a été réactivé depuis sa dernière conférence nationale, après l’été 2009.
Le second est sous le contrôle du gouvernement de Fayyad et il prétend vouloir organiser l’ensemble des responsables des comités populaires de Cisjordanie.
Fayyad ne lésine pas sur l’utilisation de l’argent et les différents comités populaires ne sont pas logés à la même enseigne dans la distribution !
Comme le dit avec franchise Mohamed Kattib, l’un des leaders du comité de Bil’in soutenu par l’Autorité, « la pression médiatique et l’argent qui a coulé à flot ont créé des tensions. Chacun veut sa part… » [3]
Et puis, la répression des manifestations par l’armée israélienne aboutit à de nombreuses destructions et à des arrestations. Il faut rémunérer des avocats, payer les cautions et les amendes, rendre visite aux prisonniers dans des prisons israéliennes éloignées, etc.
Tout cela coute cher et celui qui paye entend bien en tirer un avantage politique.
On peut le constater en étudiant les déclarations finales des conférences internationales qui se sont tenues à Bil’in ces dernières années.
Quand la présence de Fayyad en 2009 et l’absence de l’AP dans la lutte sur le terrain avaient fait l’objet de critiques acerbes et que la conférence avait alors mis la priorité sur la campagne BDS, 2010 a confirmé l’influence croissante de l’Autorité sur de nombreux comités populaires.
En mobilisant des moyens financiers importants et en n’hésitant pas à user de la répression sélective contre certains dirigeants, avec souvent la complicité active des forces de l’occupation, Fayyad semble avoir réussi là où Mustapha Barghouti et le Fatah avaient échoué dans leurs tentatives de récupération.
En avril 2010 à Bil’in, les porte-paroles de BDS ont assisté à la rétrogradation de leur action au deuxième rang et vu un « boycott des produits israéliens provenant des colonies » se substituer au boycott d’Israël !
Fayyad est donc l’homme orchestre d’un dispositif qui permet de faire des projets de zone industrielle, des projets de développement touristique, qui favorise le boom de l’immobilier et des commerces de luxe à Ramallah… mais un dispositif qui ne met pas fin à l’occupation et qui n’empêchera pas l’armée israélienne, si elle le décide demain face à une nouvelle révolte populaire palestinienne, de détruire toute cette pacotille dont seule tire profit aujourd’hui une petite élite palestinienne qui ambitionne de trouver sa place dans le projet néolibéral de Grand Moyen Orient.
La réalisation du plan néolibéral de Fayyad passe évidemment par la liquidation de toute résistance authentique, puisque ce plan intègre l’occupation israélienne comme un état de fait inébranlable. [4]

2ème partie : les fantassins français de Salam Fayyad
"Solidarité critique" ?
Solidarité critique. Tel est le titre donné par Dominique Vidal (DV) à la présentation d'une récente publication de l'AFPS.
Il y condamne une confusion entre "solidarité et inconditionnalité", écrivant notamment "nous nous sommes interdits d'analyser et de critiquer les aspects négatifs de l'action du Fatah et de l'OLP."
Pour être complet, DV aurait pu noter que cet "interdit" fut largement appliqué à certains qui ne peuvent se reconnaître dans le « nous » et qui osaient critiquer, inévitablement accusés de ne pas respecter "le choix des Palestiniens" quand ce n’était pas de « faire le jeu d’Israël » !
Cette prise de conscience, certes un peu tardive, devrait logiquement préserver des rechutes dans l’erreur similaire.
D'ailleurs, usant d'une symétrie un peu sommaire, DV dénonce la répétition de l'erreur avec le Hamas, par "certains, dans le mouvement de solidarité."
Mais si le soutien du mouvement de solidarité doit aller au Peuple palestinien et non "au Fatah, au Hamas ou à toute autre composante du mouvement national", comment pourrait-il aller à la politique de Fayyad ?
Car si un individu ne représente pas "le choix des Palestiniens", c'est bien lui !
On a rappelé plus haut les conditions dans lesquelles il a été substitué au Premier ministre du Hamas légitimement désigné par la majorité élue au CLP et comment il a été imposé à toutes les composantes du mouvement national.
Et pourtant, la prudente réserve a fait place à un soutien encore discret.
A son égard, il n'y a ni hostilité ni défiance et on peut même entendre et lire de curieuses louanges.
Déjà en 2008 à Bil’in, aux côtés de Luisa Morgantini, admiratrice de Fayyad dès la première heure, Bernard Ravenel (BR), alors Président de l'AFPS, se félicitait d'avoir pu "voir intervenir et discuter librement, en évitant toute attitude dénonciatrice de l'autre, à la fois des représentants de l'Autorité palestinienne à commencer par le Premier ministre Salam Fayyad..."
Pas d'état d'âme donc pour rendre hommage à l'employé de l'Impérialisme, mis en place à la faveur d'un putsch.
BR se permettait même de regretter l'absence du Hamas "invité mais qui n'a pas répondu", oubliant probablement que suite à l'état d'urgence décrété par Abbas, les militants du Hamas de Cisjordanie étaient pourchassés par les forces de sécurité de l'Autorité Palestinienne et que ses parlementaires étaient dans les geôles israéliennes... Cet emprisonnement permettant d’ailleurs à l’imposteur Fayyad d’être à la tribune !
Ces trois dernières années, nombreuses sont les délégations d'élus locaux, d'associatifs, de femmes, etc. qui n'ont vu aucun problème à rencontrer tel ou tel "ministre" de ce gouvernement sans aucune base constitutionnelle légale, le top étant évidemment de rencontrer Fayyad lui-même.
Les visites diplomatiques sont une chose mais ne valent pas légitimation politique, me dira-t-on.
Eh bien, pour ce qui est de la légitimation politique, c'est chose faite.
C'est Dominique Vidal (DV) qui a délivré le certificat de bonne conduite à Fayyad, avançant progressivement à l'occasion de différentes communications.
Dans un rapport présenté devant le Conseil National de l'AFPS en septembre 2009, DV a parlé de l'action de Fayyad comme une des "tentatives" qui se manifestent chez les Palestiniens pour échapper à l'échec de leur stratégie.
De Fayyad il dit : « cette tentative peut être appréciée de diverses façons mais il ne serait pas sérieux de la qualifier purement et simplement de "collabo". »
Il note également que Fayyad avait acquis une certaine popularité "grâce aux améliorations apportées à la vie quotidienne en Cisjordanie".
Quelques mois plus tard, l'image de Fayyad s'embellit.
Devant les militants des comités locaux de l’AFPS réunis en mai 2010, évoquant Bil'in symbole de "la résistance populaire non armée", DV commente : "Cette dernière bénéficie du soutien actif du Premier ministre Salam Fayyad qui l'intègre à sa stratégie".
Plus loin, il explique la popularité croissante de Fayyad par "les améliorations qu'il apporte au niveau de vie et de sécurité en Cisjordanie et en raison de sa gestion de la résistance : boycott des produits des colonies, investissements dans la zone C, etc."
La porte a été entrouverte et il ne reste plus qu'à s'y engouffrer pour passer au soutien affirmé.
Dans un document public diffusé lors d’un colloque au Palais du Luxembourg en juin, intitulé "La résistance populaire non violente en Palestine en 2010", l'AFPS écrit : « Depuis l'été 2009 la résistance populaire est devenue un axe du projet politique du Premier ministre, articulé avec le financement de projets de développement pour aider les Palestiniens à résister en restant sur leurs terres d'une part, le lancement du boycott des produits des colonies et des emplois qu'elles offrent encore d'autre part. »
Plus loin on peut lire : "l'Autorité favorise la coordination de nombreux comités, elle les soutient financièrement... des membres du gouvernement participent aux manifestations, à la plantation d'arbres... Le poids, l'avenir de la résistance populaire s'en trouvent profondément modifiés."
« Profondément modifiés » en effet ! Car comme l’expliquent différents militants précités, l’engagement de l’AP dans la résistance populaire, c’est d’abord pour la contrôler et la canaliser.
Comment est-il possible d'oublier les circonstances de la désignation de Fayyad ?
Comment est-il possible d’ignorer les actions répressives des forces de sécurité palestiniennes, la collaboration active de cette force de police avec les forces de l'occupant pour repérer, pourchasser et arrêter des militants du Hamas, du FPLP, etc. ? [5]
Comment peut-on confondre le légitime désir de voir la vie quotidienne s'améliorer un peu avec un soutien populaire à Fayyad ?
Comment peut-on confondre une tentative (pas encore aboutie) de prise de contrôle des comités populaires au moyen de l'argent avec un soutien financier transparent à la lutte ?
Comment peut-on croire à la fable des "projets de développement" sans même se poser la question du développement possible sous occupation coloniale et dans une situation où l’économie locale reste totalement dépendante de celle des occupants ?
Comment peut-on se laisser prendre par "le cinéma" de l'AP dans la zone C, quand elle a pendant 15 ans ignoré l'existence des Palestiniens dans cette partie de Cisjordanie que les accords d'Oslo avaient laissés soumis à la seule "administration" de l'armée et de la police israéliennes et qu'il en résulte que ce show est principalement destiné aux médias à la botte et à ceux qui les croient, puisque aujourd’hui à peine 5% des Palestiniens de Cisjordanie résident encore en zone C ?

Quant aux zones densément peuplées, y améliorer les conditions de survie ne représente aucunement une « troisième voie » et s’adapte parfaitement à la vision israélienne de l’Etat croupion, morcelé et sans souveraineté.
En réalité, ce ralliement honteux est justifié comme l'était le précédent : que voulez-vous, « c'est le choix des Palestiniens. »
L'argument du "choix des Palestiniens"
"Il faut respecter le choix des Palestiniens"
On a beaucoup lu et entendu cette expression, pendant toutes ces années qui ont suivi les accords d'Oslo, quand la marche triomphale à la paix exigeait d'écarter tous les râleurs qui mettaient en garde et parlaient de l'écart qui se creusait entre le discours et la réalité sur le terrain, puis dans les années 2000, après le déclenchement de la deuxième Intifada, quand il fallait faire taire celles et ceux qui dénonçaient la futilité des négociations, des rencontres et des projets d'accord "pour la paix" qui masquaient la réalité de la colonisation et du nettoyage ethnique en cours.
La formule péremptoire devait mettre un terme à toute interrogation critique sur la politique mise en œuvre par la direction palestinienne et sur les conséquences en matière de solidarité.
L’OLP était « l’unique représentant légitime du PP » et Arafat était intouchable.
D’ailleurs, la représentante de la Palestine était d’accord et cautionnait la ligne suivie. Alors…
La formule est de retour.
C'est Denis Sieffert (DS) qui la recycle dans un article paru dans le numéro 1099 de Politis.
Comme pour faire le contrepoint au très bon article de C.Cirillo Allahsa qui ne laisse guère place aux illusions quant aux intérêts défendus par l’Autorité, DS y brosse un portrait plutôt élogieux de Salam Fayyad. Notant qu’il « s’inscrit habilement dans l’air néolibéral du temps », DS écrit : « on peut regretter que la marche vers l’Etat palestinien n’emprunte pas des chemins plus directs »… mais « la situation étant ce qu’elle est, on ne peut pas s’ériger en juge des choix palestiniens. »
Cette fois, la ficelle est encore plus grosse, car la situation a changé.
La direction de l’OLP était celle d’un mouvement de libération.
Certains - et je partage leur avis- avaient depuis longtemps dénoncé sa bureaucratisation, sa faillite dans sa mission, sa corruption, son abandon de toute stratégie révolutionnaire de libération nationale, etc. mais c’était un mouvement dans lequel l’immense majorité des Palestiniens et notamment les réfugiés avait fondé l’espoir de la libération de la terre de Palestine.
A tort ou à raison, Arafat et le Fatah ont longtemps incarné cet espoir.
Au fil du temps et du fait de choix stratégiques catastrophiques, ils l’ont bradé et ont perdu la légitimité initiale. Mais pour beaucoup, ceci n’est devenu clair que lors de la défaite du Fatah aux élections de 2006.

Depuis, chacun peut constater la crise stratégique profonde du mouvement national et pas seulement du Fatah.
Aucune alternative stratégique n’a émergé sur les décombres provoqués par Oslo, la voie des négociations n’est qu’une impasse que la colonisation croissante de la Cisjordanie et le blocus de Gaza ont transformé en piège mortel pour les Palestiniens et Abbas se débat au milieu des ruines du désastre politique que chacune de ces initiatives aggrave.
Du côté des forces politiques islamiques, si le Hamas refuse de céder au chantage du blocus et s’il affirme de plus en plus sa domination à Gaza, il se retrouve piégé par des résultats qui l’ont mis en situation de gestionnaire d’une institution mise en place contre les intérêts des Palestiniens et il ne semble pas non plus capable de proposer l’orientation politique qui permettrait la mobilisation à la hauteur des attaques subies, tant par les réfugiés de l’extérieur que par les Palestiniens de 48 et par ceux de Cisjordanie, de Jérusalem et de Gaza.
Abbas et son équipe de négociateurs professionnels répètent en bégayant la demande de l’Etat palestinien indépendant, mais qui peut croire que ceux qui ont été battus aux élections de 2006 incarnent aujourd’hui « le choix palestinien » ?
Reste donc Fayyad qui ne peut exprimer un quelconque choix palestinien.
Fayyad n’est ni le choix des Palestiniens ni même celui de « certains palestiniens ».
Fayyad est tout simplement le choix du gouvernement américain, de l’Europe et du FMI : bref, c’est le choix de l’impérialisme.
En un certain sens, on peut être d’accord avec D. Vidal. Ce n’est pas vraiment un « collabo ».
Il n’est pas issu du mouvement national et n’a jamais participé à une quelconque lutte.
Il est là en mission, comme avant à la Banque mondiale puis au FMI.
Il ne collabore pas, il défend sa classe.
Comme l’écrit Azmi Bishara, Fayyad est « l’employé de la communauté internationale. »
On peut aussi citer Nabil Amr (un fin connaisseur !) : « Fayyad est un simple entremetteur de l’aide occidentale… mais il tient les cordons de la bourse. »
On l’a doté de quelques moyens pour rendre momentanément l’occupation plus douce, il peut faciliter les mouvements des Palestiniens sous réserve de construire des routes qui renforcent la colonisation et permettent aux forces israéliennes de mieux les contrôler.
Quand il développe des projets comme dans le tourisme à Bethléem, c’est en accord avec les Israéliens qui peuvent ainsi troquer l’uniforme de l’occupant contre le costume de « partenaire économique ».
En vérité, la politique actuelle de Fayyad n’est aujourd’hui possible que sur la base de la défaite, de la démoralisation, du chantage financier et de la répression.
Il est là pour poursuivre le travail d’affaiblissement du Peuple palestinien, la division Gaza /Cisjordanie et maintenant la fragmentation en cantons isolés, autant d’étapes de la destruction des bases matérielles nécessaires au maintien d’une conscience politique fondée sur le sentiment d’appartenance à une lutte collective de libération nationale.
Un « choix palestinien » si utile pour vendre « la solution »
Cette fois ci donc, la thèse du « choix des Palestiniens » est difficile à défendre.
Mais Il faut pourtant que « la solution » envisagée pour régler définitivement la question palestinienne apparaisse comme résultant d’un choix des Palestiniens, au moins de quelques-uns uns qu’on adoubera et à qui on donnera une « légitimité ».
La crise du mouvement national, la déconfiture du Fatah, l’échec de la tentative de constituer une « troisième voie » dotée d’une base populaire significative, l’effondrement des diverses tentatives de fabriquer de toute pièce des successeurs à Arafat et le refus jusqu’à ce jour d’accepter le Hamas dans le jeu de la négociation… tout ceci complique sérieusement l’adoption d’une « solution » censée mettre un terme définitif au conflit, alors qu’elle ne répond à aucune des exigences fondamentales palestiniennes.
Car tel est l’enjeu : il faut imposer une solution et pas n’importe laquelle !
DV l’affirme dans son rapport introductif à la Conférence des groupes locaux de l’AFPS tenue à Ivry le 29 mai 2010 :
« Reste à savoir si la Maison Blanche voudra et saura se servir de ces évolutions comme d’un tremplin pour imposer un règlement dont nul n’ignore les termes. Car ils figurent dans les résolutions de l’ONU, les accords israélo-palestiniens et la Feuille de route du Quartet : retrait de l’armée et des colons israéliens des Territoires occupés en juin 1967, établissement d’un État palestinien dans ces frontières et avec Jérusalem-Est pour capitale, solution juste pour le droit des réfugiés de 1948 et de 1967… »
La juxtaposition des textes auxquels il est fait référence laisse un peu perplexe : toutes les résolutions de l’ONU ? Quels « accords israélo-palestiniens » ? Et l’initiative arabe ? Etc.
Mais la référence à la feuille de route suffit pour comprendre ce dont il est question quand on écrit « règlement dont nul n’ignore les termes. »
Dans ce qui lui tient de préambule, les auteurs de la feuille de route ont écrit : « un règlement du conflit israélo-palestinien prévoyant deux états ne verra le jour que lorsque le peuple palestinien aura des dirigeants qui agiront de façon décisive contre le terrorisme et auront la volonté et la capacité de construire une véritable démocratie fondée sur la tolérance et la liberté. »
Tout était dit ou presque.
Comme l’écrit JF. Legrain : « l’Etat n’est plus un droit des peuples issu de celui à l’autodétermination garanti par la charte des Nations unies. Il est réduit à n’être que la récompense hypothétique pour l’accomplissement d’un processus exigé du peuple concerné. » [6]
La reprise annoncée des négociations bilatérales, qui étaient la première étape de la feuille de route, semble signifier que Abbas et Fayyad ont subi l’examen de passage avec succès.
Aujourd’hui que peut-être « les Palestiniens » ont satisfait aux exigences sécuritaires, on va passer aux points suivants. Mais en réalité tout est réglé du fait de l’évolution de la situation sur le terrain !
C’était évidemment l’objectif n°1 car la feuille de route obéit à un principe non-dit mais intangible, déjà présent dans les accords d’Oslo : les questions fondamentales du conflit ne seront abordées dans la négociation que quand elles auront été réglées dans les faits au bénéfice d’Israël !
Et c’est bien ce qui s’est passé ! Pendant que les Palestiniens « arrêtaient les violences », « démocratisaient les institutions », désarmaient les résistants, « réformaient » les services de sécurité, etc. les sionistes construisaient plus de colonies, plus de routes de contournement, renforçaient le mur, expulsaient les paysans de la vallée du Jourdain, les Bédouins du Nakhab, les habitants de Jérusalem, etc.
Au demeurant, autant la feuille de route détaille les conditions imposées aux Palestiniens pour pouvoir avancer vers un « statut permanent qui marquera la fin du conflit » autant les obligations d’Israël sont vagues sinon dérisoires : c’est ainsi que sur la question des colonies la seule chose concrète affirmée est que doivent être démantelées « les colonies érigées depuis mars 2001. »
Quant aux droits fondamentaux des trois composantes du Peuple palestinien :
- Du droit à l’autodétermination, il n’est même pas question.
- La situation des Palestiniens citoyens d’Israël n’est pas abordée
- Le droit au retour est ainsi résolu : « une solution acceptée, juste, équitable et réaliste de la question des réfugiés. »
Est-ce là « la solution juste pour les réfugiés » dont parle DV ?
C’est à coup sur la conception d’Abbas et de Fayyad qui parlent de « solution juste et convenue » et de « retour dans l’Etat palestinien ».
Ce n’est évidemment pas l’application du « droit au retour des réfugiés sur leurs terres et dans leurs foyers ».
D’ailleurs, la feuille de route ne fait aucune référence à la résolution 194, seules les résolutions 242,338 et 1397 sont évoquées.
Elle ne dit rien sur le sort des milliers de prisonniers mais elle n’oublie pas de conclure sur le fait que « dans le contexte d’un accord de paix général entre Israël et la Palestine, les pays arabes acceptent le principe de la normalisation de leurs relations avec Israël. »
C’est ça « l’Etat palestinien indépendant » !
C’est ça « le règlement dont nul n’ignore les termes » !
Croit-on vraiment que les Palestiniens vont l’accepter ?
Est-ce le rôle d’un mouvement de solidarité de les y contraindre ?

Non seulement la solution est connue, mais les moyens d’y parvenir aussi !
Pour DV, « la situation sur le terrain est bloquée », aussi bien en Israël qu’en « Palestine » (on suppose qu’il s’agit des territoires occupés en 67 : Cisjordanie et Gaza).
Radicalisation à droite côté israélien, impasse stratégique côté palestinien.
L’issue serait donc à chercher ailleurs : « en tout cas, la solution, si elle doit intervenir, dépend essentiellement de la Communauté internationale, » écrit –il.
Peut-être s’agit-il d’une interprétation paradoxale du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » ?
Comme les Palestiniens semblent incapables d’obtenir un Etat que d’ailleurs les Israéliens leur refusent, on va leur octroyer quelque chose qu’on appellera « Etat ».
Cette hypothèse n’est pas nouvelle.
Elle a été partagée (et l’est encore) par de nombreux dirigeants palestiniens, principalement du Fatah mais pas seulement et aussi par de nombreux politiciens occidentaux et par des responsables du mouvement de solidarité.
Elle repose sur deux piliers.
Le premier, fondamental, est celui d’une acceptation définitive de la situation créée au lendemain du vote du partage de la Palestine par l’ONU en novembre 1947.
Il est établi une fois pour toutes qu’il existe un « état juif » et que le seul problème réside dans le manquement de la Communauté internationale à ses responsabilités : elle a permis la création de l’Etat d’Israël mais elle n’a pas imposé l’Etat arabe (palestinien).
Ancrer l’application du droit international pour les Palestiniens dans la décision du partage, c’est éviter de traiter l’Etat d’Israël comme un Etat colonial qui a été imposé par la force.
C’est le plus sûr moyen d’écarter le vrai droit à l’autodétermination du Peuple palestinien, en cantonnant l’application possible de ce droit à un territoire amputé d’une grande partie des terres et des ressources qui devraient être le cadre de l’expression de ces droits, en l’occurrence la totalité de la Palestine du mandat britannique.
Ceux qui acceptent le partage aujourd’hui entérinent la forfaiture commise par les Nations Unies qui n’avaient aucun droit de priver les habitants autochtones de la Palestine de leurs terres et de leurs richesses.
Au demeurant, aucun de ceux qui invoquent la décision de partage pour demander la création de l’Etat palestinien ne propose d’établir cet Etat en respectant les termes du vote de 1947. Tous, sans exception, parlent des « frontières de 67 », légitimant ainsi les conquêtes territoriales des forces sionistes, bien au-delà des limites tracées dans la décision de partage et y compris les conquêtes acquises par la terreur et la violence avant la proclamation de l’Etat d’Israël et avant le déclenchement de la 1ère guerre israélo-arabe.
Ceci démontre, s’il en était encore besoin, que « le respect du droit international » leur sert d’abord à protéger l’état colonial sioniste et très secondairement à consoler les Palestiniens du vol des terres et du nettoyage ethnique dont ils ont été victimes.
C’est tenter de masquer une histoire de vol de terres qui n’étaient pas du tout « sans peuple » au moyen d’un autre acte de piraterie ayant toutes les apparences de la légalité puisqu’il émane de l’instance la plus élevée de la communauté internationale.
Le deuxième pilier est celui du rôle prêté à la principale puissance impérialiste.
La direction palestinienne en a fait une option stratégique : il fallait démontrer au décideur américain qu’il était dans ses intérêts d’être « un arbitre honnête » du conflit, quitte à renoncer à l’essentiel des revendications fondamentales du mouvement national pour convaincre les présidents successifs.
Ce choix catastrophique, effectué bien avant Oslo, est à l’origine de la crise du mouvement national palestinien et de son tragique isolement.
C’est ainsi que, depuis de nombreuses années, les négociateurs palestiniens et divers « spécialistes du Moyen-Orient » auscultent et décryptent les propos des dirigeants américains, dans l’espoir d’y futile d’y déceler l’expression qui annoncerait « le tournant » espéré.
« Bush a changé, il veut une solution qui passe par un vrai Etat, véritablement indépendant, pas des bantoustans épars. » écrit E. Sanbar, dans l’Humanité du 23/02/2005, plusieurs mois après la lettre de Bush à Sharon (14/04/2004) dans laquelle il écrit : « il serait irréaliste de s’attendre à ce que les pourparlers se terminent par un retour absolu aux lignes d’armistice de 1949 » !
L’arrivée d’Obama à la Maison Blanche a relancé les supputations les plus naïves.
Le discours du Caire a alimenté une nouvelle vague d’optimisme illusoire, les formules d’Obama semblant à beaucoup plus importantes que sa politique réelle en Afghanistan et en Irak.
Bien qu’affirmant vouloir « dissiper toute illusion » Dominique Vidal semble bien en avoir partagé quelques-unes unes, notamment quand il déclarait dans un entretien de décembre 2009 dans le bulletin « Voix palestiniennes » (Génération Palestine) qu’il était trop tôt « pour porter un jugement global » sur la politique d’Obama à l’égard du conflit, tout en affirmant qu’on avait « la présidence américaine sans doute la plus ouverte à la cause palestinienne de l’histoire des Etats Unis. »
On est bien au-delà de l’affirmation d’un intérêt pour les Etats-Unis à régler ce conflit pour mieux faire face aux autres affrontements inscrits dans la situation régionale, - thèse qui mérite la discussion - il est ici affirmé une ouverture du gouvernement des USA à « la cause palestinienne » !
Sachant que la cause palestinienne est celle de l’émancipation des peuples et de leur droit à la résistance contre la guerre totale que leur mène l’Impérialisme, on reste un peu étonné du propos !
Dans cette perspective où les peuples concernés ne sont pas autorisés à choisir la solution qui leur convient mais où c’est la communauté internationale qui va l’imposer, il convient donc de trouver des points d’appui pour donner une apparence de justice à la contrainte.
L’un correspond à un besoin de légitimation. Le peuple opprimé a été empêché d’obtenir ses droits par lui-même et la solution envisagée n’est pas du tout conforme à ce qu’il trouve légitime. Il faut donc trouver le « représentant » qui va revendiquer à peine plus que ce qu’on entend lui donner et qui finalement acceptera de consacrer le refus de voir ses droits reconnus.
Ce qu’ils n’ont finalement pas obtenu d’Arafat, ils espèrent l’avoir d’Abbas et Fayyad est un allié utile dans la manœuvre d’ensemble.
L’autre point d’appui, c’est « l’opinion, les partis et associations » car ensemble ils peuvent « faire pression » sur les gouvernements et les organisations où ils dialoguent (ONU), explique DV à la conférence des groupes locaux de l’AFPS.
Dans son introduction au CN de l’AFPS en septembre 2009, D. Vidal était encore plus précis sur la mission attribuée au mouvement de solidarité : « il s’agit à la fois d’accompagner avec vigilance la relance du processus de paix par Washington et de permettre à Bruxelles de jouer un rôle moteur. »
17 ans après la farce de Washington, 4 ans après l’attaque meurtrière contre le Liban et 18 mois après les crimes de guerre contre la population de Gaza, il faut être passablement culotté pour oser appeler à « accompagner » un « processus de paix » qui n’a jamais existé autrement qu’en tant que fiction destinée à masquer un processus réellement existant : celui de la colonisation sioniste et en conséquence de la destruction du Peuple palestinien.
Quant à « confier un rôle moteur à Bruxelles », point n’est besoin de revenir très loin en arrière pour mesurer à quel point les Palestiniens n’y ont aucun intérêt !
Qu’est-ce qui permet à DV de qualifier « d’une des déclarations les plus avancées de l’histoire de l’union » la conclusion du conseil adoptée en décembre 2009 ?
Quoi de neuf pour mériter tant d’enthousiasme ?
Un sempiternel appel à la relance des négociations, le soutien à « la démarche de paix » d’Abbas, l’engagement en faveur de la sécurité d’Israël, les félicitations au gouvernement israélien pour son moratoire de dix mois sur la colonisation, un paragraphe sur Gaza avec condamnation du blocus et de ses effets sur la population, l’habituelle reconnaissance des exigences de sécurité d’Israël et l’exigence de libération de Shalit…
Et comme toujours, la formule qui subordonne à « la négociation entre les parties » l’éventuelle remise en cause de tout ce qui relève pourtant de la légalité internationale.
Au cours du Conseil, il y a eu une discussion dont la conclusion constitue un indicateur intéressant de l’attitude réelle des dirigeants européens à l’égard de la question. La présidence suédoise a proposé de mentionner Jérusalem-Est comme "capitale d'un futur Etat palestinien". Cette proposition jugée dangereuse par Ayalon, ministre des affaires étrangères israélien, n’a pas été retenue.
Quant au Parlement européen, le vote récent d’une résolution est une nouvelle illustration de sa totale complicité dans la mise en œuvre du dispositif visant à priver le Peuple palestinien de ses droits.
Cette résolution, présentée comme une condamnation de l’opération israélienne contre la flottille humanitaire et le blocus de Gaza contient les appréciations suivantes :
- Déplore la mort de civils et les blessures subies par « 38 civils ainsi que sept soldats israéliens » ( !)
- Considère que la fermeture des accès à la Bande de Gaza « fermés depuis juin 2007, après que le Hamas eut pris militairement le pouvoir » n’a pas atteint ses objectifs qui étaient d’une part « la libération de G Shalid » et d’autre part de « porter un coup aux extrémistes » ( !)
- Rend le Hamas coupable de « faire obstacle à l’entrée à Gaza de la cargaison humanitaire de la flottille » ( !)
- « demande que toutes les attaques contre Israël cessent immédiatement et avertit que ceux qui les commettent doivent assurer pleinement leurs responsabilités » (!)
- Et invite le quatuor à mettre en place un dispositif de contrôle international des points de passage en vue de lever le blocus et d’aborder les préoccupations d’Israël en matière de sécurité, notamment en déployant une force navale internationale pour surveiller le rivage de Gaza.
La dite résolution a été votée à une immense majorité, y compris par le groupe Verts / ALE et le groupe GUE/NGL dont plusieurs députés se sont félicités de l’adoption de cette « résolution unitaire et forte. »
L’absence de la demande de suspension de l’accord UE-Israël, pourtant présentée comme la revendication phare de l’action de soutien aux Palestiniens, est expliquée comme un compromis nécessaire, l’absence de dépôt d’amendement sur le sujet permettant « d’éviter que la droite n’affaiblisse le texte en plénière » !
A leur décharge, les auteurs de cette pantalonnade expliquent que cette stratégie avait reçu le soutien des « représentants palestiniens » eux-mêmes (Ziad Abu Amr et Hasan Abu-Libdeh) ajoutant que Leila Shahid « n’avait pas ménagé son temps pour faire du porte à porte et convaincre les députés de soutenir la résolution. »
Si on résume la mission attribuée par DV au mouvement de solidarité :
- Il faut convaincre Obama d’abandonner une politique en « zigzags » et lui faire comprendre qu’il est dans les intérêts des USA d’imposer une solution au conflit israélo-palestinien. Les discours sont bons, mais l’Administration US ne les traduit pas en actes, on doit l’y aider en quelque sorte !
- Quant à l’Europe, son problème n’est pas qu’elle avance en « zigzags », c’est qu’elle fait « le grand écart » entre des déclarations prometteuses et des actes « qui méritent réflexion » comme la décision d’accepter Israël dans l’OCDE !
Après avoir été utilisé, pendant des années, comme un auxiliaire du prétendu processus de paix qui a paralysé la capacité de lutte palestinienne et qui a débouché sur la catastrophe actuelle, le mouvement de solidarité est aujourd’hui invité à jouer un rôle actif dans la conclusion d’un accord qui marquerait l’enterrement définitif des exigences palestiniennes.
Les militants de la solidarité vont-ils accepter de se prêter à ces manœuvres ?
Sont-ils d’accord pour confier la défense des droits des Palestiniens au patron de l’impérialisme américain, fût-ce avec leur « accompagnement vigilant » ?
Croient-ils vraiment que prendre une place dans le business de la paix a quelque chose à voir avec le soutien à la lutte du peuple palestinien ?
Notes de lecture :
[1] “Speach of Lieutenant General Keith Dayton, US Security Coordinator, Israel and the Palestinian Authority, publié par The Washington Institute for Near East Policy Washington, 7 Mai 2009
[2] JF Legrain. www.ifri.org/downloads/notemomjflegrain.pdf
[3] International Crisis Group – MER n°95 26/04/2010
[4] Cf. C Cirillo-Allahsa, Politis.
[5] Cf. Ambassade de France en Israël.
[6] Cf. Libération.

3ème partie : Une autre voie est possible
Trois balises pour un soutien sans réserves ni conditions.
1/ la satisfaction des droits d’un peuple opprimé se fait nécessairement au détriment de l’oppresseur.
La cause palestinienne est la cause d’un peuple opprimé, victime d’une colonisation sioniste historiquement encouragée par les puissances occidentales et aujourd’hui menacé de destruction par un Etat colonial activement soutenu par l’impérialisme.

Comme dans tous les conflits qui opposent des adversaires de force très inégale et comme dans toutes les situations d’oppression de longue durée, il y a place pour des actions humanitaires d’aide aux populations victimes de l’agression.
Ce n’est pas faire offense à ces actions, pour certaines d’entre elles utiles aux populations, que de dire qu’elles n’ont rien à voir avec un soutien politique à la cause nationale palestinienne. Le mieux qu’on puisse attendre d’elles, c’est qu’elle ne renforce pas l’oppresseur en contribuant à anesthésier la volonté de lutte de l’opprimé.
De même, l’objectif de la paix s’étant transformé en un subterfuge sophistiqué pour prolonger l’occupation et pour s’opposer au droit à l’autodétermination du Peuple palestinien, toute solidarité qui met « la recherche de la paix » au centre de ses objectifs, en lieu et place de la pleine satisfaction des droits du peuple opprimé, devient inévitablement un instrument de canalisation de l’énergie populaire spontanément favorable au peuple qui lutte pour sa liberté et se retrouve placée au service d’un projet politique qui entrave la lutte des Palestiniens pour leurs droits.
La solidarité avec la cause palestinienne ne peut être qu’un soutien sans conditions ni réserves à la lutte de libération nationale du peuple colonisé opprimé.
En tant que mouvement anticolonial, le mouvement de soutien défend le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même, droit à l’autodétermination dont le droit au retour des réfugiés est une composante majeure.
Ce droit s’oppose terme à terme à l’existence d’un Etat colonial dont l’idéologie fondatrice et toujours active exige l’expulsion des arabes palestiniens vivant sur la terre convoitée.
C’est pourquoi, sans devoir ni pouvoir trancher les termes de la solution que les peuples concernés mettront en œuvre, nous devons dire sans ambiguïtés que l’émancipation des peuples arabes exige le démantèlement de l’Etat sioniste, parce qu’il est l’incarnation d’un projet colonial et raciste au service de l’impérialisme.
Notre mouvement de soutien doit pouvoir le dire sans craindre d’être taxé d’ouvrir la porte à l’extermination des juifs israéliens et sans se retrouver soupçonné d’être antisémite voire parfois révisionniste ou négationniste.
Il est probable que ceux qui ont fait spécialité d’invoquer systématiquement « le risque d’antisémitisme » dès que le propos est une remise en cause de l’Etat sioniste d’Israël et pas seulement de la politique de ses gouvernements, ne croient même pas sérieusement que l’accusation est fondée.
Mais l’existence d’une telle police de la pensée agit à deux niveaux : elle terrorise les militants qui craignent en permanence qu’un propos trop radical contre Israël les disqualifie aux yeux des acteurs de la solidarité et elle jette la suspicion sur ceux qui n’acceptent pas la censure et affirment leur analyse quand les procureurs sont incapables d’argumenter au fond.
Il se trouve que cette police est souvent exercée par des individus appartenant au courant qui s’oppose au droit à l’autodétermination de tout le peuple palestinien et au droit au retour effectif des réfugiés dans leurs foyers.
Le mouvement de soutien aux droits des Palestiniens devrait donc tracer un cordon sanitaire rigoureux. Non pas pour isoler celles et ceux qui, dans les manifestations notamment, expriment très sainement un antisionisme spontané qu’il convient de nourrir d’explications historiques et de perspectives politiques, mais pour isoler les spécialistes de l’insinuation et de l’amalgame, qui excellent davantage dans la recherche obsessionnelle des traces hypothétiques de liens avec des supposés antisémites que dans le soutien sans réserve à la résistance des Palestiniens.
2/ L’absence actuelle d’orientation stratégique palestinienne alternative à la faillite de l’OLP est une situation temporaire.
L’Histoire a placé le Peuple palestinien au centre d’une confrontation qui dépasse le simple face à face entre d’un côté une population autochtone qui résiste et de l’autre une puissance coloniale qui veut l’expulser de terres qu’elle convoite.
L’Etat israélien fait partie du dispositif impérialiste de domination de la région, il est même un élément clef de sa division.
Parce qu’Israël et l’impérialisme s’opposent à l’émancipation de tous les peuples de la région, la seule issue pour les Palestiniens est dans le développement d’une lutte d’ensemble, contre l’Etat colonial sioniste, contre l’impérialisme et contre des régimes réactionnaires arabes soumis et disposés à normaliser leurs relations avec Israël pour prendre leur place dans le plan impérialiste de Grand Moyen Orient.
Même s’il ne peut vaincre seul et du fait même de la profonde interaction entre la cause de la Palestine et les luttes populaires de la région, il est essentiel qu’un mouvement de libération se reconstruise, tirant les leçons des erreurs et des défaites, pour sortir le Peuple palestinien de la spirale de l’échec et affirmer, dans les faits et par les actes, qu’il ne cèdera pas et que la reddition annoncée des « représentants » autoproclamés choisis par l’impérialisme ne mettra en aucune manière un terme définitif à la lutte pour ses droits fondamentaux.
Pour y parvenir, les Palestiniens ont besoin de temps, pour reprendre des forces, pour comprendre les raisons de la faillite de leur mouvement de libération, pour rebâtir une alternative.
Les choses changeront. La génération qui a fait la première Intifada et dont de nombreux membres, un temps frustrés et découragés, n’ont pas pour autant rejoint le camp de la normalisation avec l’occupant, saura tirer les leçons. Ils/elles permettront à la jeunesse palestinienne, -celle qui n’a pas connu les illusions destructrices des années Oslo et qui ne connait d’Israël que les colonies, les check-points humiliants, les arrestations arbitraires, la guerre contre le Liban et celle contre Gaza – de renouer le fil d’une lutte qui prend ses racines dans le combat pour la liberté, d’abord contre l’occupant britannique puis contre la colonisation sioniste.
Pour qui veut vraiment soutenir ce combat, l’impatience n’est pas de mise et les illusions néocolonialistes doivent être écartées : La libération du peuple palestinien ne peut être accomplie que par sa propre mobilisation et aucune solution ne viendra des instances de la « Communauté internationale » ni des Etats qui la composent.
Il appartient et il appartiendra donc aux Palestiniens de choisir : leurs objectifs, leur stratégie, leurs formes de résistance à l’occupation, leurs représentants, etc.
Mais encore faut-il qu’ils aient les moyens de faire ces choix : du temps, un rapport de force moins défavorable, la rupture de l’isolement, une dépendance matérielle et financière moindre que seuls peuvent faciliter des « donateurs » qui ne conditionnent pas leur soutien au respect par les Palestiniens d’un projet politique qui va à l’encontre de leurs aspirations et de leurs droits fondamentaux.
Il y a là un immense chantier pour un mouvement de soutien qui se concevrait avant tout comme une ressource au service de la lutte et pas seulement comme investi d’une mission de protection en attendant que les choses changent sur le terrain.
Car un vrai mouvement de soutien peut être un facteur qui influe sur le changement possible, sans décider à la place des Palestiniens ni prétendre mieux savoir qu’eux ce qu’il faut faire, mais comme une contribution aidant les Palestiniens à avoir réellement « le choix des armes ».
Un tel mouvement affirmerait que sa responsabilité immédiate est d’abord de desserrer l’étau de l’occupation et du blocus qui asphyxient les Palestiniens dans leur vie quotidienne et dans leur action pour changer leur avenir.
La campagne BDS est évidemment un moyen privilégié pour isoler Israël et faire évoluer le rapport de forces encore aujourd’hui si défavorable aux Palestiniens.
Par ailleurs des initiatives devraient être prises contribuant à donner le maximum de marges d’action à tous ceux et celles qui n’abandonnent pas et qui n’acceptent pas d’être mis sous tutelle par les gouvernements et les ONG qui imposent des conditions politiques à leur « aide ».
Tous les moyens de la solidarité devraient être consacrés à des initiatives qui encouragent l’action collective, qui préservent l’autonomie de l’action de résistance populaire et l’indépendance politique de celles et ceux qui y participent.
Les champs sont divers, comme le soutien à des initiatives concourant à l’indépendance économique (coopératives de production), le développement d’activités sociales et culturelles (bibliothèques, aides financières pour les études…), la défense des droits des femmes, l’aide directe à toutes les formes de résistance, etc.
3/ L’impérialisme manifeste sa volonté d’en finir avec la question palestinienne et veut infliger une défaite politique majeure se traduisant par l’éradication, du moins pour une longue période, de toute ambition collective de libération et de satisfaction des droits fondamentaux.
L’actualité de cet objectif s’explique par le fait que son accomplissement conditionne l’essor du plan américain de Grand Moyen Orient.
Ce n’est pas la condition unique mais c’est une condition sine qua non.
C’est ce qui explique le forcing exercé par Washington sur Abbas pour que l’OLP accepte la reprise des négociations bilatérales avec le gouvernement israélien, bien que celui-ci n’ait nullement accepté « la condition » de l’arrêt de la colonisation.
C’est aujourd’hui chose faite et on nous annonce la tenue imminente de réunions au sommet.
Il est difficile de prévoir le devenir de cette nouvelle séquence de négociations qui peut tout aussi bien capoter très rapidement qu’inaugurer une nouvelle série de rencontres destinées à chloroformer toute velléité de résistance véritable, notamment par rapport au blocus de Gaza.
On ne peut pas non plus exclure l’hypothèse d’une tentative de passage en force visant à imposer une capitulation rapide des Palestiniens avant que la caution d’Abbas n’ait perdu tout intérêt.
Pour que le mouvement soit capable d’affronter cette situation et ses possibles bifurcations, pour de ne pas être une nouvelle fois manipulés, il est d’autant plus nécessaire de consolider les bases du soutien à long terme et aussi de clarifier quelques sujets actuels.
Dans l’immédiat, quelques clarifications nécessaires :
1/ BDS
La campagne BDS peut être un bon vecteur pour nous aider à être aux côtés des Palestiniens qui résistent.
Mais pas un BDS relooké, vidé de son contenu de libération nationale pour devenir un simple instrument de pression sur les gouvernements occidentaux, un nouvel outil au service des illusionnistes qui sont prêts à se rallier à « une solution » qui ne satisferait pas les exigences des Palestiniens.
BDS n’est pas qu’un sigle et on ne peut pas faire la campagne à laquelle nous appellent les initiateurs de l'appel avec des organisations qui sont contre les exigences globales de l’appel et qui proposent de choisir ce qui leur convient, voir de remplacer par autre chose ce qui ne leur convient pas.
Si dans ces campagnes on élimine la revendication du droit au retour des réfugiés dans leurs foyers, l’existence et les exigences des Palestiniens de 48, etc. et si on ramène « l’état palestinien indépendant aux côtés de d’Israël » en lieu et place de l’exigence d’autodétermination de tout le Peuple palestinien, ceci voudrait dire que, au motif invoqué d’efficacité et d’unité, on met l’action au service d’autres objectifs politiques que ceux fixés et constamment rappelés par les initiateurs.
[7]
2/ le blocus de Gaza.
Le message envoyé par les auteurs du blocus est limpide. Pour les habitants de Gaza c’est la misère croissante : vous refusez de vous soumettre, vous aurez le ventre vide ! C’est aussi leur rappeler que le déclenchement de la terreur, comme fin 2008, est à tout instant possible.
A tous les Palestiniens le message est : voyez Gaza, c’est ce qui vous attend si vous vous obstinez à vouloir rester sur cette terre de Palestine ! La mort lente en attendant un nouvel épisode de Nakba.
C’est évidemment un blocus criminel.
Mais, pas plus que pour le Mur ou les colonies, il ne s’agit d’abord d’une question de droits de l’homme mais d’un épisode particulièrement violent de l’offensive contre un peuple qui lutte pour sa libération nationale.
Il en résulte que la revendication doit être la levée du blocus, immédiate et sans conditions, avec libre accès pour entrer comme pour sortir, côté Israël comme côté Egypte et aussi côté maritime, sans contrôle ni par les Israéliens ni par une force internationale.
Parce que l’exigence de levée du blocus est une exigence politique : les Palestiniens de Gaza ont le droit de vivre débarrassé de l’occupation et ont le droit de disposer d’eux-mêmes. Si ces droits sont reconnus, comme ceux de tous les Palestiniens, il n’y aura plus de problèmes de nourriture ou de pénurie de médicament à Gaza qui n’est pas un territoire sous-développé et sans ressources.
Si la bataille contre le blocus concerne au premier chef Israël, la question des responsabilités de l’Egypte ne saurait être négligée.
La profonde interaction entre les luttes populaires de la région, notamment en Egypte, et la cause palestinienne, le fait qu’aucun mouvement progressiste ne peut se développer au MO sans se lier à la cause palestinienne impose en retour qu’un mouvement de solidarité avec les Palestiniens contre le blocus de Gaza ne peut pas respecter la politique de Moubarak et doit se lier aux militants égyptiens.
La question du libre accès est également fondamentale.
Accepterons-nous demain la mise en œuvre de la proposition du Parlement européen réclamant un contrôle des points de passage et une force internationale pour surveiller le rivage ? [8]
Evidemment non, car d’une part la revendication de la souveraineté s’y oppose et d’autre part nous ne sommes pas pour que les Palestiniens soient dans l’incapacité de se défendre.
Cette exigence devrait donc être appliquée aux « bateaux de la liberté » et les organisateurs doivent refuser par avance tout contrôle, au départ et à chaque éventuelle étape. Seuls les Palestiniens, à l’arrivée à Gaza, doivent être en mesure de contrôler ce qui leur est amené.
Encore une fois il faut s’interroger sur l’objectif de toutes les actions contre le blocus.
Leur finalité est-elle d’arriver à Gaza (« briser le siège ») ou de construire une rapport de forces permettant d’exiger la levée inconditionnelle du blocus ?
Pourquoi la revendication « Dénoncer et briser le siège israélien contre Gaza » et pas la levée immédiate et sans conditions du blocus ?
Le siège est-il seulement israélien ?
Et comment critiquerons-nous cette atteinte à la souveraineté si nous acceptons le contrôle des bateaux ?
Voulons nous démontrer que « nous ne sommes que des humanitaires » ?
3/ L’attitude à l’égard de l’Autorité palestinienne de Abbas et Fayyad :
« Les Palestiniens et leurs alliés doivent rester clairement axés sur la simple vérité que ceux qui continuent à se coordonner avec les forces d'occupation israéliennes pour traquer les Palestiniens la nuit ne peuvent endosser le manteau de la résistance populaire le jour. » [9]
Aucun comité, aucun collectif réellement engagé en défense de la cause palestinienne ne devrait accepter de rencontrer ici des représentants de l’Autorité palestinienne, à commencer par celles et ceux qui ne sont que les agents diplomatiques et les « ministres » salariés d’Abbas et de Fayyad et qui ne « représentent » donc aucunement les Palestiniens qui ne les ont pas choisis !
En Cisjordanie et à Jérusalem aucune délégation ne devrait accepter de les rencontrer pour les mêmes raisons.
S’agissant d’évènements publics non organisés par l’AP (comme une conférence à l’initiative d’un comité populaire), toute délégation devrait signifier clairement son refus de collaborer avec des « représentants » non légitimes et sa volonté de travailler directement avec les organisations populaires.
Ce sera d’ailleurs une aide pour les Palestiniens qui sont parfois obligés d’accepter une forme de tutelle, notamment pour des raisons financières.
4/ Soutenir les actions de résistance populaire sans imposer aux Palestiniens les formes de résistance : la question de la non-violence
Il ne s’agit pas ici de traiter de la stratégie de la non-violence et de sa pertinence éventuelle dans le cas de la lutte des Palestiniens contre l’occupation israélienne Cette question devra être sérieusement discutée au sein du mouvement de soutien.
Pour s’interroger sur son efficacité : au fond, qu’est-ce que la résistance non violente a apporté aux Palestiniens depuis l’abandon, de fait, des actions armées en Cisjordanie et à Gaza ? La colonisation a-t-elle reculé ? Le mur est-il tombé ? Le blocus a-t-il été levé ? Des prisonniers ont-ils été libérés ?
La fin de la lutte armée a-t-elle interrompu le cycle occupation/annexion des terres/expulsion ?
Les évènements tragiques de la flottille de la liberté auraient sans doute mérité plus d’attention et il faudra y revenir.
Car qui peut nier que l’impact de cet événement est directement corrélé aux 9 militants assassinés par l’armée israélienne ?
Et pourquoi y a-t-il eu 9 morts sur ce bateau et pas sur les autres ?
Le débat devra donc être mené, d’autant qu’on voit poindre des notions assez étranges : « Intifada sans pierres », « Intifada blanche », etc.
Le problème qu’on veut ici poser est le suivant : appartient-il à ceux qui déclarent soutenir un mouvement de résistance de choisir la forme de résistance appropriée ? Est-il convenable de conditionner son soutien au choix de la forme de résistance retenue ?
Pendant des années les responsables du mouvement de solidarité ont gardé une certaine réserve.
On percevait que certains étaient défavorables à la lutte armée, mais un consensus semblait établi : un peuple occupé a le droit de résister, il lui appartient de choisir les moyens… Parfois le doute s’exprimait, mais sur le registre de l’efficacité recherchée : la lutte armée était-elle le moyen le plus adapté dans le cas de la Palestine ?
Il semblerait qu’on soit passé du droit reconnu à la conditionnalité. Il y a désormais une exigence à respecter pour bénéficier de la solidarité : résister de façon exclusivement non violente.
« Cela fait 5 ans que nous vous soutenons. Et je veux dire : plus que jamais nous vous soutenons. Cela pour au moins deux raisons fondamentales. La première découle du fait que, si tout peuple occupé dispose du droit absolu de résister, ce droit, ici, vous l’exercez pleinement sous une forme appropriée que vous appelez « la résistance populaire et non violente »
C’est une déclaration de JC. Lefort, s’exprimant en qualité de Président de l’AFPS à Bil’in lors de la 5ème conférence en avril 2010.
C’est à ma connaissance la première fois qu’est affirmée la déconnexion entre le soutien apporté et le droit du peuple occupé de résister.
JC. Lefort reconnaît aux Palestiniens leur « droit absolu de résister » mais il leur dit que ce n’est pas pour cette raison qu’il les soutient. La raison du soutien « découle du fait que le droit de résister est exercé sous une forme appropriée. »
Le président de L’AFPS considère que la non-violence est « la forme appropriée » et donc il soutient cette résistance.
Outre l’arrogance manifestée par le touriste occidental qui vient passer une journée par an à Bil’in et donne la leçon à celles et ceux qui y souffrent quotidiennement, on doit bien constater que JC. Lefort, Président de l’AFPS, vient d’expliquer aux habitants de Bil’in que ce n’est pas le droit de résister à l’occupation qui justifie le soutien mais seulement le choix d’une modalité de résistance conforme à ce que JC. Lefort juge « approprié »
Et si Bil’in et les autres comités populaires changeaient et diversifiaient leurs formes de résistance ?
Et si ils décidaient d’user autrement de leur « droit absolu de résister », seraient-ils abandonnés à leur sort ?
Et si demain, refusant la capitulation de ses « représentants » autoproclamés et refusant de voir brader ses droits, la jeunesse palestinienne se révolte et s’affronte à l’armée d’occupation, renouant avec l’expérience de la 1ère Intifada, on la soutient ou on est avec l’armée sioniste et les flics de Dayton et de Fayyad qui la répriment ?

Notes de lecture :
[7] Cf. PYS « en défense de BDS »
[8] http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/09/st17/st17281.fr09.pdf
[9] « La fausse campagne de boycott de l'Autorité Palestinienne » Par Ali Abunimah.