mercredi 14 juillet 2010

Vers un nouveau conflit ?

Le pays a commémoré cette semaine le 4e anniversaire de la guerre entre Israël et le Hezbollah dans un climat de scepticisme quant à l’éventualité d’une nouvelle offensive israélienne.
Le 12 juillet 2006, Israël lançait une offensive au Sud-Liban, sur les combattants du Hezbollah. Le conflit de 34 jours a alors coûté la vie à plus de 1 200 Libanais et à 160 Israéliens, sans compter les destructions et les dégâts matériels. Depuis, le Sud s’est tant bien que mal reconstruit. La paix, elle, est loin d’être perçue comme définitive. Aussi bien du côté du Hezbollah que de l’Etat hébreu, on se montre prêt à reprendre l’action, voire à une nouvelle confrontation.
Depuis plusieurs mois en effet, les tensions entre l’Etat hébreu et le Hezbollah se sont accentuées, notamment après qu’Israël eut accusé la Syrie de fournir des missiles Scud au Hezbollah.
Le 8 juillet, l’armée israélienne a encore accusé le Hezbollah d’avoir stocké 40 000 roquettes au cœur des villages du Sud-Liban depuis la guerre de 2006, produisant des films et des photos aériennes étayant, selon elle, ces affirmations. Ces documents jusqu’ici secrets, notamment des cartes détaillées, des films et des photos aériennes, ont été déclassifiés à l’occasion du 4e anniversaire de l’offensive israélienne lancée.
Selon les médias israéliens, l’armée a déclassifié ces documents dans un but dissuasif afin de signifier au mouvement libanais qu’Israël saurait exactement où l’attaquer en cas de nouvelle confrontation, mais ne croit pas qu’il s’apprête à engager un nouvel affrontement.
Lors du conflit en 2006, « le Hezbollah avait entreposé ses armes pour l’essentiel dans des zones inhabitées. Ce qui avait permis à l’armée israélienne de localiser et de détruire ses dépôts. Au cours des quatre années qui ont suivi, le Hezbollah a déplacé ses armes vers les villages », affirme l’armée israélienne. Toujours selon cette dernière, les unités du Hezbollah disposeraient de 20 000 combattants au total et seraient capables de tirer de 600 à 800 roquettes par jour contre Israël lors d’une nouvelle conflagration.
L’armée précise que quelque 75 % des roquettes livrées, selon elle, au Hezbollah par l’Iran et la Syrie au cours des quatre ans écoulés ont une portée de 20 à 50 km. Plusieurs milliers d’autres roquettes, de fabrication syrienne et d’un calibre variant entre 220 et 302 mm, ont une portée de 150 km.
Toujours de même source, le mouvement chiite s’est aussi équipé de missiles M-600, co-produits par l’Iran et la Corée du Nord, d’une portée de 300 km, ainsi que d’un certain nombre de missiles Scud capables d’atteindre n’importe quel point du territoire israélien.
La révélation de telles informations par Israël au moment de la commémoration du 4e anniversaire de la guerre n’est pas fortuite. Il ne s’agit certainement pas de montrer la puissance du Hezbollah, mais plutôt celle du renseignement israélien. Une façon de mettre en garde le mouvement, mais aussi de prouver qu’en cas de nouveau conflit, ce sera le Hezbollah qui aura provoqué la chose.
Tension entre le Hezbollah et la Finul
Les révélations israéliennes interviennent au moment où la tension semble être montée d’un cran entre le Hezbollah et la Force Intérimaire des Nations-Unies au Liban (FINUL), opérant au Sud-Liban. Créée en 1978 et renforcée au terme de la guerre de 2006, la force de l’Onu est prise dans l’étau des deux parties et se trouve confrontée à des signes d’hostilité d’une population avec laquelle elle avait de bons rapports. Or, début juillet, les habitants ont protesté contre un exercice de la Finul pour lequel un grand nombre de troupes avait été déployé pendant 36 heures. A Touline notamment, les habitants ont même attaqué et brièvement désarmé une patrouille française à coups de bâton et de jets de pierre, un fait rarissime. Cet incident faisait suite à une série de confrontations voire d’accrochages dans la zone frontalière, bastion du Hezbollah, et de plaintes selon lesquelles la Finul a accru ses patrouilles et ne se coordonne pas avec les éléments de l’armée libanaise dans la région.
Vendredi dernier, le Conseil de sécurité de l’Onu a demandé que la liberté de mouvement des Casques bleus dans le Sud-Liban soit respectée et a « vivement déploré » les récents incidents. Michael Williams, envoyé spécial du secrétaire général de l’Onu, a affirmé que certains incidents étaient « clairement orchestrés », sans accuser une quelconque partie. Suite à ces déclarations, le numéro deux du Hezbollah, Naïm Kassem, a affirmé que la Finul devait « faire attention » à ce qu’elle faisait.
Suite à ces développements, l’armée libanaise a déclaré qu’elle allait envoyer une brigade supplémentaire dans le sud du pays. Le gouvernement libanais a tenté d’apaiser la situation en réitérant son engagement envers la résolution 1 701 du Conseil de sécurité de l’Onu, qui a mis fin au conflit entre Israël et le Hezbollah en 2006, et appelle à déployer plus de soldats de maintien de la paix.
Entre les allégations israéliennes, la suspicion du Hezbollah et d’une partie des habitants, l’« image de la Finul s’est brouillée », souligne Paul Salem, directeur du centre Carnegie pour le Moyen-Orient, cité par l’AFP. Son commandant, le général Alberto Asarta Cuevas, est allé jusqu’à adresser une lettre ouverte aux habitants, où il affirme que les incidents ont « jeté une ombre sur l’atmosphère positive » qui régnait. Toutefois, les autorités politiques, voire même le chef de l’armée qui fait rarement des déclarations, sont montés au créneau pour affirmer leur soutien aux Casques bleus. « Il est sûr que personne ne veut les voir partir », dit M. Salem. « Ce sont eux qui, par leur présence, empêchent l’éclatement d’un nouveau conflit, pour le moment » .
Abir Taleb
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