mercredi 28 juillet 2010

La blonde qui incendie la Knesset

27.07.2010 | Neri Livneh | Ha'Aretz
Anastassia Michaeli, une députée russophone d'extrême droite, s'en est pris violemment à la députée arabe israélienne Hanine Zoabi pour sa participation à la flottille de la liberté. Une polémique qui a relancé le débat sur la loyauté des citoyens arabes israéliens à l'égard de l'Etat hébreu. Un commentaire acerbe de Ha'Aretz.
Anastassia Michaëli, la femme blonde encerclée par trois hommes, tente d'interrompre Hanine Zoabi (à la tribune) au cours d'une session parlementaire consacrée à l'assaut de l'armée israélienne contre la flottille de Gaza, 2 juin 2010.
Anastassia Michaëli, la femme blonde encerclée par trois hommes, tente d'interrompre Hanine Zoabi (à la tribune) au cours d'une session parlementaire consacrée à l'assaut de l'armée israélienne contre la flottille de Gaza, 2 juin 2010. 
Anastassia Michaeli [députée du parti russophone d'extrême droite Israël Beiteinou], la blonde incendiaire, crève l'écran. Elle hurle, insulte, menace d'en venir aux mains et brandit même des pancartes en plein Parlement, tout cela au nom de la guerre qu'elle mène contre une autre femme et pour le plus grand amusement des hommes, en particulier de ceux qui affichent ouvertement leur vision raciste du monde, tel le député Michael Ben-Ari [élu du parti d'extrême droite Ihoud Leoumi et héritier du rabbin raciste Meir Kahana]. Cette vision du monde, qui vient de marquer des points avec le retrait d'une partie de ses droits à Hanine Zoabi, est partagée par [le député du Likoud] Yariv Levin, lequel a tout bonnement lancé à la députée arabe : "Vous n'avez pas votre place à la Knesset et vous ne méritez pas votre carte d'identité israélienne."
Le fait qu'un parlementaire juif israélien quasi inconnu lance de tels propos à la figure d'une députée israélo-palestinienne laisse flotter des relents de racisme. Seuls les électeurs savent si Hanine Zoabi a sa place à la Knesset, d'autant que sa carte d'identité israélienne lui appartient en toute légalité. J'aurais bien voulu ignorer ce commentaire en le considérant comme une simple bêtise. Mais Ben-Ari est parfaitement représentatif de ces nombreux députés juifs qui considèrent que la citoyenneté de tous les Arabes israéliens et leurs droits civiques sont sujets à caution. Pour ces gens, la citoyenneté et l'égalité ne devraient être accordées aux Arabes qu'en récompense de leur bon comportement. Elles leur seraient octroyées par de fervents sionistes, des sionistes à la Michaeli, qui ne connaît quasi pas l'hébreu mais est certaine de comprendre l'arabe.
Personne n'oserait contester à Anastassia Michaeli le droit d'avoir une carte d'identité israélienne ou de siéger à la Knesset, quoique, contrairement à Hanine Zoabi, elle ne soit pas née et n'ait pas été élevée en Israël [Michaeli est née en 1975 à Leningrad, a été élue Miss Saint-Pétersbourg en 1995 et s'est convertie au judaïsme en 1997]. Et dire que lorsqu'elle a entamé sa carrière parlementaire, Michaeli était encore perçue comme un modèle parfait de postféminisme : une ingénieure devenue animatrice de télévision à succès, mère de huit enfants et, qui plus est, ravissante. Bref, l'archétype du cauchemar blond des femmes qui rêvent de devenir Miss Univers.
Tout le contraire d'une Zoabi, qui a choisi de rester célibataire (et qui lui vaut d'être régulièrement calomniée), de consacrer sa vie au combat politique dans un parti décrié [le parti nationaliste arabe Balad, d'Azmi Bishara], de refuser de jouer à l'Arabe de service ou à la jolie femme protégée par son mari et qui sait se taire et ne pas se mêler des affaires des hommes. Si Hanine Zoabi peut servir de référence à ces nombreuses jeunes Palestiniennes qui luttent pour l'égalité dans la société palestinienne, Anastassia Michaeli ne peut en dire autant. Non seulement elle n'est pas la postféministe que l'on croyait, mais elle est surtout une préféministe, une femme qui, par son attitude envers les autres femmes, a adopté les comportements machistes les plus primaires.
Voilà pourquoi c'est elle, et personne d'autre, qui a littéralement sauté à la gorge de Hanine Zoabi lors du dernier débat parlementaire sur l'affaire de la flottille, a poussé des hurlements et brandi un passeport iranien sur lequel figurait une photo de la députée arabe. L'opinion israélienne ne semble pas comprendre que nous assistons ici à une défaite dramatique de la démocratie et préfère n'y voir qu'un match de catch féminin dans la boue, pour le plus grand plaisir des hommes, qui, évidemment, préfèrent les blondes.
Hanine Zoabi
Hanine Zoabi, députée arabe israélienne, faisait partie des passagers de la flottille pour Gaza arraisonnée par Tsahal le 31 mai. Depuis, les séances au Parlement sont houleuses pour la députée. Ses interventions sont sifflées par ses collègues, qui la qualifient de "traître", de "terroriste" et d'"assassin". Elle a reçu de nombreuses menaces de mort et une protection lui a été accordée. Le 7 juin, un comité de parlementaires s'est réuni pour débattre de la levée de son immunité parlementaire. Finalement, lors d'une séance à la Knesset, le 13 juillet, les parlementaires ont décidé, par 34 voix contre 16, de lui retirer son passeport diplomatique, de la priver de certains de ses droits de voyager et de l'assistance financière de l'Etat en cas de poursuites judiciaires.
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