jeudi 29 juillet 2010

A Gaza, l’Egypte accentue la punition

Egypte - 28-07-2010

Par Adam Morrow & Khaled Moussa Al-Omrani 
Près de deux mois après que l’Egypte ait annoncé qu’elle rouvrirait son terminal frontalier de Rafah avec la Bande de Gaza, les opérations de passage restent cruellement limitées.
« Rafah n’a été ouvert que pour les passagers et quelques fournitures médicales, » dit à IPS Hatem el-Buluk, journaliste et habitant d’Al-Arish, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Rafah. « Tout le reste, dont la nourriture et les matériaux de construction, doivent entrer dans la Bande par les passages frontaliers contrôlés par Israël. »
















Juillet 2007 : Manifestation palestinienne pour l'ouverture de Rafah (photo Fady Adwan pour Palestine Free Voice)

Le 1er juin, le président égyptien Hosni Mubarak a annoncé que Rafah – le seul passage frontalier de la Bande à n’être pas partagé avec Israël – serait ouvert à l’aide humanitaire « indéfiniment ». L’annonce est venue le lendemain du jour où des commandos israéliens ont tué neuf activistes turcs à bord d’un bateau qui transportait de l’aide humanitaire à l’enclave côtière assiégée.
Depuis, l’Egypte a refusé d’ouvrir le carrefour jusqu’à ce que le groupe de la résistance palestinienne Hamas, qui gouverne la Bande depuis 2007, signe un accord de « réconciliation » avec le Président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas du mouvement Fatah soutenu par les Etats-Unis.
Depuis l’annonce du 1er juin, quelques 37.000 Gazaouis sont sortis de ou entrés dans la Bande, selon une source officielle de la frontière citée dans un article de presse. La grande majorité d’entre eux étaient des étudiants, des patients et des travailleurs expatriés.
Le trafic matériel, par le passage continue cependant d’être strictement limité par les autorités, ont dit des sources crédibles.
A la mi-juillet, un bateau libyen transportant 2.000 tonnes d’aide humanitaire est arrivé à Al-Arish après avoir été empêché par la marine israélienne d’atteindre la Bande de Gaza. L’aide a donc été transportée d’Al-Arish à la frontière Egypte-Gaza, où environ 700 tonnes de fournitures médicales ont été autorisées à entrer dans la Bande via Rafah. Le reste de l’aide, consistant essentiellement de nourriture, a dû être envoyé dans la Bande par le carrefour frontalier égypto-israélien de Kerem Abu Salem.
La tentative libyenne ne fut pas le premier convoi d’aide expédié depuis le 1er juin à se heurter à de telles restrictions.
En juin, plusieurs tentatives de livraison d’aide humanitaire à la Bande de Gaza, organisées par des groupes égyptiens de l’opposition comme les Frères Musulmans, ont été confrontées aux mêmes résultats : alors que les fournitures médicales étaient autorisées à passer par Rafah, tout le reste a dû entrer dans la Bande par Kerem Abu Salem (10km au sud de Rafah) ou par Al-Auja (50 km au sud de Rafah).
« Nous nous sommes acharnés pour faire passer la totalité de l’expédition par Rafah, mais les autorités ont obstinément refusé, » dit Hamdi Hassan, un député des Frères Musulmans qui a accompagné un de ces convois d’aide jusqu’à la frontière. « Les gens et les fournitures médicales ont été autorisées à passer par Rafah, mais tout le reste a dû être acheminé au carrefour d’Al-Auja contrôlé par Israël. »
Depuis qu’elle a fermé Rafah en 2007, après que le Hamas ait pris le contrôle de la bande après avoir déjoué un coup d’Etat, l’Egypte a insisté sur le fait que le passage frontalier ne serait rouvert que selon les conditions de l’accord trilatéral de 2005 entre Israël, l’Autorité Palestinienne et l’Union Européenne. L’accord, dont l’Egypte n’est pas signataire, stipule le contrôle de l’AP sur le côté Gaza de Rafah, et la présence sur le passage d’observateurs de l’Union Européenne qui contrôle tout le trafic frontalier.
« Jusqu’à maintenant, la bureaucratie égyptienne a cité l’accord frontalier de 2005 comme raison principale de son impossibilité à rouvrir unilatéralement Rafah, » dit al-Buluk. « Mais le fait que l’Egypte ait maintenant ouvert le passage, du moins partiellement, prouve qu’elle peut – selon sa volonté politique – ouvrir la frontière sans condition, quand elle veut. Le carrefour de Rafah est un énorme terminal qui peut facilement gérer le passage de toutes formes de marchandises, en plus des passagers, » ajoute al-Buluk.
Dans un éditorial, Ibrahim Eissa, rédacteur en chef du quotidien éminent d’opposition Al-Dustour, a accusé le gouvernement d’appliquer la politique israélienne sur la frontière en maintenant Rafah fermé aux denrées alimentaires et aux matériaux de construction qui manquent cruellement. Gaza a particulièrement besoin de ces derniers depuis que les trois semaines d’attaques israéliennes de Cast Lead, fin 2008 et début 2009, aient détruit la plus grande partie de l’infrastructure de la Bande.
« Quand Israël décide d’interdire l’entrée de certains produits comme le ciment et l’acier dans la Bande, l’Egypte met en œuvre la décision, » a écrit Eissa. « Et quand Israël, en raison de la pression internationale, décide d’autoriser l’entrée de certains de ces produits interdits, à nouveau l’Egypte applique la décision. »
« Les Etats-Unis et Israël se sont arrangés pour réduire, dans leurs intérêts, le rôle de l’Egypte dans la région au contrôle du carrefour de Rafah, » ajoute-t-il.
Eissa souligne ensuite la contradiction inhérente à la politique frontalière de l’Egypte, notant que « le Caire appelle officiellement Israël à lever le siège de la Bande de Gaza, tout en maintenant fermé le passage de Rafah, » aux produits et équipements dont les Gazaouis ont désespérément besoin.
Selon Hassan, des Frères Musulmans, l’Egypte pourrait ouvrir Rafah sans condition, « quand elle veut. »
« Le gouvernement devrait suivre l’opinion publique arabe sur cette question et ouvrir le carrefour aux passagers et à toutes formes de marchandises, » dit-il, « au lieu de suivre simplement les diktats israéliens sur ce qui peut et ne peut pas traverser la frontière. »
Israël a bouclé ses six postes frontaliers avec la Bande de Gaza à la suite de la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes de 2006, et l’Egypte a fermé Rafah l’année suivante. Le siège a servi à fermer hermétiquement la Bande du reste du monde, privant ses 1,5 million d’habitants de la plupart des produits vitaux.