jeudi 29 juillet 2010

Dangereux surplace

Par Christian Merville | 29/07/2010
Benjamin Netanyahu est prêt à « courir un risque », il vient de le répéter, pour parvenir à un accord avec les Palestiniens ; il veut bien reconnaître l'État à naître, mais refuse d'en définir les frontières ; il est d'accord pour reprendre la négociation mais sans préconditions ; enfin, il ne veut à aucun prix faire siennes les grandes lignes du plan de ses prédécesseurs - Ehud Olmert notamment - , parce que les promesses n'engagent que ceux qui les font - Non, cette dernière observation n'est pas de lui, mais d'un maître en la matière, Jacques Chirac. Pourparlers en panne cherchent désespérément âme de bonne volonté prête à pousser à la roue.
Pousser, dites-vous ? Alors écoutez Philip Crowley. Le porte-parole du département d'État nous a gratifiés hier d'une révélation fracassante : « Nous œuvrons sans relâche à assurer la reprise des contacts entre représentants des deux parties. » Pour s'empresser d'ajouter, comme pour rattraper la perle qu'il venait de sortir : « Mais il n'y a pas de retour imminent dans la région de George Mitchell. » Et l'on s'étonnera après cela que Mahmoud Abbas se fasse tirer l'oreille pour retrouver le chemin du dialogue...
S'il fallait, ces derniers mois, une preuve supplémentaire de la difficulté qu'il y a à remettre sur la bonne voie un train qui a déraillé, il suffisait, mardi, de suivre le déroulement de la visite inopinée en Jordanie du Premier ministre israélien. Deux heures, c'est beaucoup pour prêcher un converti, le roi Abdallah II, de ramener à la table bancale des pourparlers directs un Abou Mazen que l'on a poussé dans ses derniers retranchements, qui passe aux yeux de bon nombre de ses concitoyens pour un dangereux adepte de la reddition et qui n'a plus rien à leur offrir sinon un territoire qui rétrécit comme peau de chagrin à mesure que passent les jours.
Mais aussi deux heures, c'est peu pour amadouer un monarque qui craint par-dessus tout de voir l'impasse actuelle mener droit à une nouvelle déferlante de Cisjordaniens, ce qui accroîtrait le déséquilibre démographique dans un pays où plus de la moitié des 6 millions d'habitants sont d'origine palestinienne. On comprend dès lors la tension qui a prévalu ce mardi, lors de discussions « franches et claires » et, mieux encore, que « Bibi » n'ait pas rencontré Abou Mazen, présent lui aussi dans la capitale jordanienne où il avait briefé la veille le monarque sur l'état d'esprit des siens. Pour ceux-là, la balle est dans le camp adverse, comme l'a souligné Saëb Erakat, ajoutant : « Il n'existe pas de notre part de conditions, mais, pour l'État hébreu, des obligations qui doivent être respectées. » Soit des contours de la future patrie qui ont déjà été définis et la création de points de peuplement qu'il convient d'arrêter. « Impossible », répond Sylvan Shalom, vice-Premier ministre, qui dénonce l'attentisme du président de l'Autorité, auquel il conseille de ne plus espérer voir les Américains faire pression sur Tel-Aviv. Sur ce point, on peut regretter qu'il ait raison, hélas.
Rien, ou si peu, à attendre non plus de la part des États membres de la Ligue arabe dont les ministres des Affaires étrangères seront confrontés aujourd'hui au Caire à une rude tâche : convaincre Abbas et ses compagnons de reprendre langue avec les Israéliens. Mais d'abord, devrait-on dire, voir si eux-mêmes sont convaincus de ce que l'administration Obama leur présente, sans trop y croire d'ailleurs, comme une nécessité.
Deuxième difficulté à surmonter : l'opposition du Hamas. Le mouvement de la résistance islamique a pris mardi la décision d'accroître les effectifs de ses forces de sécurité, près de 18 000 hommes pour l'instant, en recourant dans un premier temps à des volontaires, puis en instaurant, dans un second temps, la circonscription, comme le prévoit le ministre de l'Intérieur Fathi Hamad. Ainsi, l'organisation renforcerait son emprise sur Gaza et limiterait davantage encore la marge de manœuvre de ses ennemis jurés de la Mouqata'a.
Troisième problème, tout aussi complexe, mais pour Israël cette fois : le « cas » de son chef de la diplomatie. Il faut croire que, s'agissant de Gaza, Avigdor Lieberman a les yeux de Chimène. Il rêve d'y créer, grâce à des fonds venus d'Europe, un port, une usine de dessalement de l'eau de mer et même une centrale électrique. Ainsi, l'enclave n'aurait plus à dépendre de l'ancien occupant, mais de l'Égypte. Et il n'existera plus alors de liens avec la rive occidentale du Jourdain (la Cisjordanie). Tout cela, outre le conflit sur la conversion au judaïsme et la fin en septembre du moratoire sur les implantations, crée pour l'équipe en place un écheveau qui devient impossible à démêler. Depuis qu'est venu s'y ajouter la crise avec les Jordaniens, il est permis de s'interroger sérieusement sur la marge de manœuvre dont disposent partenaires et surtout médiateurs.
Au fait, sait-on à quoi s'occupe ces temps-ci le sémillant Tony Blair, nommé - mais on l'a oublié - émissaire du quartette ?
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