mercredi 23 juin 2010

Des Palestiniens autoformés dans les colonies juives bâtissent leur cité à Rawabi

23/06/2010
Le projet de Rawabi, construit sur un terrain entièrement contrôlé
 par l’Autorité palestinienne, doit à terme loger 40 000 personnes. 
Abbas Momani/AFP
Le projet de Rawabi, construit sur un terrain entièrement contrôlé par l’Autorité palestinienne, doit à terme loger 40 000 personnes. Abbas Momani/AFP
Le projet, qui s'étend sur 630 hectares, est la première ville nouvelle palestinienne en cours de construction au nord de Ramallah.
Amr Khalil manœuvre des bulldozers sur les collines de Cisjordanie depuis des années. Mais aujourd'hui, au lieu de bâtir une colonie juive, c'est à la construction d'une ville nouvelle palestinienne qu'il participe.
À 30 ans, il fait partie de ces dizaines de Palestiniens dont beaucoup travaillaient dans des colonies à défaut d'alternatives et qui aujourd'hui préparent le terrain à Rawabi, la première ville nouvelle palestinienne, en cours de construction au nord de Ramallah.
« C'est différent parce que aujourd'hui je travaille pour mon propre peuple, afin de construire une ville qui est en première ligne pour lutter contre l'expansion des colonies », dit-il en montrant la colonie juive voisine d'Ateret.
Les Palestiniens considèrent les quelque 120 colonies israéliennes disséminées en Cisjordanie et à Jérusalem-Est annexée comme le principal obstacle à l'établissement d'un État palestinien « indépendant et viable ». Pourtant, plusieurs milliers de Palestiniens travaillent dans les implantations parce que les salaires sont plus élevés qu'ailleurs en Cisjordanie occupée, où le taux de chômage avoisine les 20 %. L'Autorité palestinienne prévoit d'interdire le travail dans les colonies d'ici à la fin de l'année, dans le cadre d'une campagne qui a provoqué la colère d'Israël et interdit également l'achat de produits des colonies. Mais il est difficile de savoir où les quelque 25 000 Palestiniens travaillant dans les colonies trouveront un emploi.
Le projet de Rawabi, qui s'étend sur 630 hectares, est l'un des plus ambitieux en Cisjordanie. Il est censé générer des milliers d'emplois dans divers secteurs, mais n'emploie pour l'instant que 65 personnes selon Maher Sawalha, un ingénieur travaillant sur le projet. « Il est prévu que la ville fournisse quelque 10 000 emplois, ce qui signifie qu'elle fournira des emplois à ceux qui travaillent dans les colonies », précise-t-il. « Rawabi sera construite selon les normes internationales, du Golfe et de Jordanie, et comme les Palestiniens qui ont travaillé dans les colonies ont acquis des compétences professionnelles, il sera plus facile de les employer ici », explique-t-il.
Le projet, estimé à 700 millions de dollars, est conduit par l'agence immobilière Bayti Real Estate Investment Company avec l'apport de capitaux qataris. Il doit à terme loger 40 000 personnes.
Amr Khalil n'est pas particulièrement fier d'avoir travaillé dans des quartiers de colonisation à Jérusalem-Est, annexée et occupée depuis 1967, mais répond qu'il y a été obligé afin de subvenir aux besoins de sa famille. « Maintenant, nous avons un autre choix », se félicite-t-il.
Mais Mahmoud Abdelhamid, 34 ans, qui conduit une bétonnière, n'en est pas convaincu. « C'est un bon projet et il pourrait fournir beaucoup d'emplois pour les Palestiniens à Ramallah, mais il y a des milliers de travailleurs palestiniens qui cherchent du travail dans d'autres villes comme Jénine, Naplouse et Hébron », tempère-t-il.
La croissance en Cisjordanie a atteint 8,5 % en 2009, selon le Fonds monétaire international, grâce aux réformes économiques, à l'assouplissement des restrictions israéliennes et à l'aide internationale. Mais le chômage reste élevé et plus de 60 % de la Cisjordanie reste sous seul contrôle israélien, ce qui « fausse le schéma de la croissance et sa répartition », selon le FMI.
Rawabi se trouve dans la « zone A », entièrement contrôlée par l'Autorité palestinienne, mais la route la reliant à Ramallah traverse la « zone C », sous tutelle israélienne. Ces dernières semaines, des colons israéliens ont installé un mobile home sur la route pour protester contre le projet. Lorsque l'armée israélienne a enlevé la caravane, les colons sont revenus avec un autre.