mercredi 14 avril 2010

Problème de terminologie dans le conflit palestino-israélien

Abdallah Al-Achaal
Sans nul doute, la pérennité du conflit arabo-israélien nous a rendus incapables de faire la distinction entre les différentes terminologies. A tel point que le sommet de Syrthe a craint d’annoncer la fin du processus de paix, pour ne pas se trouver dans le piège de chercher une alternative au concept du « processus de paix », qui serait remplacé par « mobilisation officielle » ou « soutien à la résistance arabe » tel qu’il a été véhiculé au cours du sommet. A travers cet article, j’essayerai de trancher la confusion autour de certains concepts propres au conflit du siècle. Le processus de paix est une tentative de parvenir à un règlement ou à une solution à certains aspects du conflit opposant les Arabes aux Israéliens. Il a commencé à l’issue de l’agression israélienne de 1967 en vertu de la résolution 242 du Conseil de sécurité qui a établi des principes fondamentaux à travers lesquels il fallait parvenir à un règlement. Ensuite, des textes se sont multipliés allant dans ce même sens, qu’on appelle les références du processus de paix de la part du Conseil de sécurité, des Etats-Unis et de la partie arabe. Il est à noter que deux initiatives arabes de paix ont vu le jour : l’une au sommet arabe de Fès en 1982, proposé par le roi Fahd qui était l’héritier du trône à l’époque, et l’autre au sommet arabe de Beyrouth en 2002 proposée par le roi Abdallah, alors qu’il était prince héritier. Ces deux initiatives déterminaient la vision du monde arabe vis-à-vis des conditions de la paix avec Israël. D’ailleurs, nous ignorons à juste titre la relation existant entre ces deux initiatives et entre l’offensive israélienne sur Beyrouth en 1982 et sur Jénine en 2002. Israël avait proposé pour sa part un nombre d’initiatives. La différence entre les initiatives israéliennes et arabes est que les Arabes veulent régler le conflit afin de restituer les droits aux habitants originaux, tout en étant totalement conscients qu’Israël a été créé sans aucune légitimité sur la terre palestinienne. Mais les Arabes réalisent également qu’Israël est l’incarnation d’un large projet sioniste visant toute la région arabe mais qu’il est exécuté graduellement et selon les circonstances et les opportunités qui s’y présentent. L’essence du processus de paix est la négociation entre les parties belligérantes sur ces références. Israël, quant à lui, considère ce processus comme une occasion pour soumettre les Arabes, briser son isolement, normaliser son existence dans la région et supprimer les obstacles psychologiques du refus arabe et de sa colère contre son agression et ses plans expansionnistes. En réalité, les Arabes ont cru, même si ce n’est que pour un moment, qu’Israël était un Etat normal et qu’il est possible de parvenir à un règlement avec lui dans certaines limites, voire de coopérer avec dans l’avenir. Mais les Arabes ont été choqués lorsqu’ils ont vu que 40 ans après, leur bilan était fragile au moment Israël a considéré que le processus de paix était l’alternative de la paix avec les Arabes. D’autant plus qu’il a réalisé à Israël l’expansion à travers l’extermination, l’oppression et, enfin, l’effritement de la nation arabe de manière à servir ses plans expansionnistes et colonialistes intransigeants dans la région. Le point de discorde entre les Arabes et Israël réside dans le fait que Tel-Aviv croit que le conflit avec les Arabes est durable et que le processus de paix n’empêche pas l’usage de tous les moyens, y compris la force militaire, pour mener à bien ses objectifs. Alors que les Arabes, eux, ont compris que la simple existence d’une référence et d’une scène pour le processus de paix, abstraction faite de représentants ou d’acteurs, est à elle seule suffisante et les incite à anéantir les éventualités du conflit dans sa forme militaire. Ils ont cru néanmoins qu’ils ont vu la fin de l’époque du conflit militaire ouvert avec Israël. Même si Tel-Aviv persistait dans ses opérations militaires pour exécuter son plan, y compris les assassinats et les liquidations des personnalités civiles, politiques et militaires, voire des intellectuels à chaque fois que leur présence éveillait la conscience arabe ou résistait au plan sioniste.
Si les initiatives de paix sont toujours de mise, le problème ne réside pas dans la récupération de la scène du processus de paix. Mais le problème est que le processus de paix qui est bâti sur la négociation conformément à la partie arabe diffère de celle d’Israël et ses points forts avec en tête la répression militaire, la procuration politique qu’il reçoit des habitants d’Israël et enfin le soutien américain illimité. Plus important encore est l’objectif déclaré, à savoir celui de réaliser le plan d’Israël uniquement, de manière à ce que le processus soit un outil pour revêtir son plan de la légitimité requise. C’est effectivement ce scénario qui a abouti. Nous avons alors été témoins d’un recul de la volonté arabe collective, de la vision arabe globale de la gestion du processus de paix avec Israël. Sans oublier bien sûr le rôle primordial joué par Washington au niveau des pressions exercées sur tout le monde pour empêcher une cristallisation de la vision arabe. Ce qui aboutirait par conséquent à une perte d’Al-Aqsa, à la judaïsation de Jérusalem et de la Cisjordanie, alors que nous sombrons dans une polémique stérile sur la réforme de la Ligue arabe et sur la volonté de parvenir à une entente impossible entre le Fatah et le Hamas. Cette dite entente est impossible au sens propre du terme parce que la division arabe est inhérente au plan israélien qui estime que la réconciliation serait établie automatiquement si une volonté arabe globale existait en vue d’isoler Israël de la région dans un affrontement arabe global. Raison pour laquelle le plus dangereux dans cette pérennité du conflit arabo-israélien, vieux de 40 ans, est qu’Israël et ses symboles sont devenus des faits habituels dans les consciences arabes.
Enfin, je dirais que l’initiative arabe de paix demeure une déclaration arabe affichée de la position des Arabes sur les conditions de la paix, que le processus de paix soit lancé sur les rails ou non, ou bien que la région se trouve au bord d’une guerre globale. Son retrait ne serait ni un acquis pour les Arabes ni une défaite pour Israël.