Alain Gresh
La Cour de justice de l’Union européenne  vient d’adopter une importante résolution dont témoigne un communiqué de  presse du 25 février, « Des produits originaires de Cisjordanie ne  peuvent bénéficier du régime douanier préférentiel de l’accord  CE-Israël ».
« La Cour statue que les  produits originaires de Cisjordanie ne relèvent pas du champ  d’application territorial de l’accord CE-Israël et ne sauraient donc  bénéficier du régime préférentiel instauré par celui-ci [1]. Il s’ensuit que les  autorités douanières allemandes pouvaient refuser d’accorder le  traitement préférentiel prévu par cet accord aux marchandises concernées  au motif que celles-ci étaient originaires de Cisjordanie. »
« La Cour rejette également l’hypothèse selon laquelle  le bénéfice du régime préférentiel devrait être, en tout état de cause,  octroyé aux producteurs israéliens installés en territoires occupés soit  en vertu de l’accord CE-Israël soit sur la base de l’accord CE-OLP. La  Cour relève que des marchandises certifiées par les autorités  israéliennes comme étant originaires d’Israël peuvent bénéficier d’un  traitement préférentiel uniquement en vertu de l’accord CE-Israël,  pourvu qu’elles aient été fabriquées en Israël. »
Pourtant, malgré cette résolution, qui confirme bien  d’autres déclarations, le gouvernement français se garde bien de toute  action contre ces importations illégales qui contribuent à l’extension  des colonies que, par ailleurs, verbalement, il condamne.
En revanche, il a décidé de poursuivre ceux qui,  exaspérés par la paralysie de la communauté internationale, se battent  pour que ces produits n’entrent pas en France et pour que les  entreprises françaises désinvestissent – faisant par exemple campagne  contre Veolia et Alstom qui construisent un tramway à Jérusalem.
Depuis plusieurs semaines déjà, le gouvernement français  a développé une campagne calomnieuse contre ceux qui s’élèvent contre  l’entrée des produits des colonies, prétendant qu’ils veulent boycotter  les produits casher ! Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la justice,  a, quant à elle, effectué un virage à 180 degrés sur cette question  (lire Dominique Vidal, « Boycott : la contre-offensive d’Israël et de  ses amis », La valise diplomatique, 22 février 2010).
Avec le zèle des nouveaux convertis, elle a entériné le  12 février une « dépêche » de la direction des affaires criminelles et  des grâces aux procureurs généraux près les cours d’appel. Ce texte  confidentiel, que l’on trouvera ci-dessous (PDF), confirme d’abord ce  que nous écrivions dans Le Monde diplomatique au mois de juin 2009, à  savoir que « l’indépendance de la justice n’est plus un dogme ».
M. Jean-Marie Huet, directeur des affaires criminelles  et des grâces, écrit :
« Depuis le mois de mars 2009, plusieurs procédures  faisant suite à des appels au boycott de produits israéliens (...) ont  été portées à la connaissance de la direction des affaires criminelles  et des grâces. (...) Il apparaît impératif d’assurer de la part du  ministère public une réponse cohérente et ferme à ces agissements. A  cette fin et dans la perspective éventuelle d’un regroupement des  procédures (...) j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir porter à  la connaissance de la direction des affaires criminelles et des grâces  tous les faits de cette nature dont les parquets de votre ressort ont  été saisis. »
Et, au cas où les procureurs n’auraient pas compris leur  devoir :
« Si certaines procédures ont déjà fait l’objet de  classements sans suite, vous prendrez soin d’exposer de manière  détaillée les faits et de préciser les éléments d’analyse ayant conduit à  cette décision. »
Ce que l’on attend avec intérêt, c’est la dépêche du  ministère demandant aux procureurs de poursuivre les magasins qui  vendent des produits israéliens entrés illégalement dans le pays, car  sans mention du fait qu’ils ont été fabriqués dans des territoires que  la France continue de considérer comme occupés.
PDF - 848.6 ko Dépêche de la direction des affaires criminelles et des grâces
[1]  La faible taxation des  produits israéliens est l’objet principal de l’accord d’association avec  Israël, signé en 1995 et entré en vigueur en 2000. De nombreuses  organisations dans le monde demandent la suspension de cet accord. Pour  en savoir plus, voir le site de la campagne  Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS)-France.
publié sur le blog du Monde  diplomatique "Nouvelles d’Orient"
 
 
