lundi 29 mars 2010

Les travailleurs Palestiniens dans les colonies israéliennes de Cisjordanie

dimanche 28 mars 2010 - 18h:32
Salwa Alenat - Kav LaOved 
Kav LaOved (La hotline des travailleurs) est une O.N.G. engagée dans la protection des droits des travailleurs désavantagés employés en Israël et par les Israéliens dans les territoires occupés, incluant les travailleurs Israéliens mal payés, les Palestiniens, les travailleurs immigrés, les travailleurs des sous-traitances et les nouveaux immigrants.
Ces travailleurs font souvent face à de sévères violations par les employeurs et à un défaut d’application des lois du travail israéliennes par les autorités israéliennes. Chaque catégorie de travailleurs fait l’expérience de défis uniques ; une perspective comparative révèle que les niveaux d’exploitation diffèrent dans chaque secteur.
Les travailleurs Palestiniens employés dans les colonies de Cisjordanie souffrent d’épreuves provenant non seulement de relations employeurs employées problématiques, mais aussi d’une réalité politique et sociale qui rend leur situation encore plus difficile. D’après un rapport de l’ILO de 2009 sur les conditions des travailleurs Palestiniens dans les Territoires Occupés, le taux d’emploi des travailleurs de plus de 15 ans en Cisjordanie était un peu plus de 34 % à la fin de 2008. Près de la moitié de la force de travail a entre 15 et 29 ans. Les possibilités d’emploi sont très limitées. La moitié du groupe d’âges 15-29 ans dans les Territoires Occupés n’est pas inscrite dans une institution éducative et est au chômage. Le rapport appelle cette situation « Une perte de force de travail de valeur ». Le rapport note que le revenu moyen en Israël est 20 % plus élevé que celui dans les Territoires Occupés. La baisse des sources de revenus des Palestiniens, qui se reflète dans le déclin des revenus et de l’activité économique, provient dans une large mesure de la poursuite du bouclage et des restrictions de mouvement imposées par Israël.
La situation économique difficile et le chômage élevé conduisent les Palestiniens à travailler dans les colonies. En principe, les travailleurs pensent que les colonies ont été construites sur les terres palestiniennes, mais la dure réalité économique et le manque d’alternatives les forcent à faciliter involontairement la croissance de ces colonies. Ce paradoxe politique a un impact sur la question du statut légal et politique des colonies. L’application des lois du travail israéliennes dans l’emploi des Palestiniens dans les colonies constitue-t-elle une acceptation implicite des colonies ? Certains en Israël pensent qu’un boycott complet des colonies est la meilleure stratégie. Kav LaOved, avec ses partenaires des syndicats palestiniens, essaie d’aider les travailleurs déjà employés dans les colonies à parvenir à des conditions de travail décentes garanties par la loi israélienne.
Le nombre de Palestiniens employés dans les colonies
D’après l’Administration Civile (l’organisme [militaire] qui délivre les permis de travail pour les Palestiniens dans différents secteurs tels que l’industrie, l’agriculture, la construction et autres), il y a 20 000 palestiniens détenteurs de permis employés dans les colonies. Kav LaOved et les syndicats palestiniens estiment qu’il y en a 10 000 autres employés sans permis de travail. Et dont la majorité sont employés dans les colonies agricoles de la vallée du Jourdain pendant les saisons de récolte des dattes et des fruits, avec parmi eux des enfants de moins de 14 ans. De plus, plusieurs centaines de Palestiniens sont employés dans la zone industrielle Barkan au nord de la Cisjordanie. Ces travailleurs n’ont pas obtenu de permis de travail des autorités sécuritaires israéliennes, mais leurs employeurs ont pu arranger des permis spéciaux leur permettant de travailler dans la zone.
En plus, 20 000 Palestiniens travaillent en Israël, la plupart dans l’agriculture et la construction. Il y a aussi des milliers de travailleurs qui entrent illégalement en Israël et travaillent sans permis. Ces dernières années, le nombre de Palestiniens employés en Israël a diminué à cause des restrictions de mouvement, de la sécurité et de la situation économique en Israël et de l’augmentation de l’embauche de travailleurs étrangers. En même temps, le nombre de travailleurs Palestiniens dans les colonies a augmenté.
L’exploitation des travailleurs
Les travailleurs Palestiniens sont durement exploités dans les colonies. Kav LaOved dirige un projet destiné à assister les travailleurs employés dans les colonies agricoles de la vallée du Jourdain et dans les zones industrielles des colonies telles que Mishor Adumim près de Jericho ; Barkan près de Salfit ; Shahak près de Jénine ; Nitzanei Hashalom près de Tulkarem ; Alei Zahav ; Emanuel ; Karnei Shomron et Alfei Menashe dans la zone de Qalqilya. Il y a 20 zones industrielles de colonies de ce type, employant environ 5000 travailleurs réguliers et des milliers de travailleurs temporaires et saisonniers employés via des prestataires Palestiniens. La majorité des produits agricoles de la vallée du Jourdain est exportée en Europe.
D’après la loi israélienne, les travailleurs Palestiniens ont droit à des contrats de travail et aux droits garantis par les lois du travail israéliennes. D’après un jugement de la cour suprême de 2007, ils devraient bénéficier des mêmes droits que les travailleurs Israéliens. Ce jugement a été le résultat d’une lutte de 14 ans menés par Kav LaOved à la Cour du Travail israélienne. La durée de la lutte et la résistance persistante de l’État d’Israël à appliquer les lois du travail israéliennes aux colonies reflète la préférence de l’État au maintien de bas coûts de travail dans les colonies. Une force de travail bon marché et disponible fait partie des incitations pour les Israéliens et les étrangers à investir dans les colonies.
Dans les deux années qui ont suivi l’extension des lois du travail israéliennes aux colonies, plusieurs changements sont apparus — certains dus à l’application des lois et certains à d’autres facteurs sur le terrain.
1. Bas salaires et absence de droits sociaux
Les salaires des travailleurs ont augmenté, mais n’ont pas atteint le salaire minimum israélien (actuellement 20,7 shekels de l’heure). En général, les travailleurs agricoles Palestiniens reçoivent un tiers du salaire minimum, 50 à 60 shekels (15 $) pour huit heures de travail. Ceci s’applique aussi aux enfants employés pendant la saison des récoltes. Aucun changement important des salaires des travailleurs n’a eu lieu dans le secteur agricole. En revanche, dans les zones industrielles, les travailleurs reçoivent environ deux tiers du salaire minimum, environ 80 à 120 shekels par jour. Les travailleurs de plusieurs usines ayant demandé une augmentation ont été pacifiés par quelques shekels supplémentaires.
Un intéressant phénomène associé, c’est la rédaction de plusieurs dizaines de plaintes en nom collectif par des travailleurs contre leurs employeurs dans les zones industrielles. Au cours des trois dernières années, Kav LaOved a accompagné cinq cas de travailleurs industriels faisant des procès à leurs employeurs. Les procès demandaient l’application des lois du travail, en particulier le paiement du salaire minimum et les droits sociaux associés, tels que les congés maladie, les journées de vacances, de fêtes etc. La plupart de ces procès sont toujours en discussion devant les prud’hommes.
Ces procès, avec des dizaines de procès personnels, reflètent puissamment les changements des relations d’emploi entre travailleurs Palestiniens et employeurs Israéliens dans les colonies. Les travailleurs avaient l’habitude de se considérer comme travailleurs de deuxième classe parce qu’ils n’étaient pas Israéliens. Ils croyaient que leurs employeurs Israéliens leur faisaient une faveur en les embauchant. Avec le temps, les travailleurs en sont venus à se voir différemment, comme des égaux méritants un emploi décent. Cette transformation est venue de l’éducation par Kav LaOved et par les syndicats palestiniens concernant les lois israéliennes du travail et les droits des travailleurs, et de l’assistance juridique de ces organisations aux travailleurs dans des zones telles que Jéricho, Jénine, Tubas, Salfit, Qalqilya et Tulkarem.
Les plaintes en nom collectif ont un impact énorme. D’une part, elles expriment une protestation collective par des travailleurs contre les violations sur le lieu de travail. D’autre part elles portent un coup sérieux aux employeurs ; dans deux lieux de travail — une blanchisserie d’une carrière — les employeurs ont été près de fermer leurs opérations dans les colonies à cause des plaintes des travailleurs et des coûts élevés impliqués. À la suite de l’augmentation des plaintes devant les tribunaux prud’homaux, des employeurs ont gardé de leurs travailleurs des documents pouvant servir de preuves devant le tribunal, comme des bulletins de paie. Dans la plupart des fabriques les employeurs ont gardé les bulletins de paie. Dans certains endroits où les bulletins de paie étaient distribués auparavant, les employeurs ont commencé à les garder à la suite du jugement de la Cour Suprême sur l’application des lois israéliennes du travail. Dans d’autres cas, les employeurs ont falsifié l’information des bulletins de paie concernant le nombre d’heures ou de jours travaillés et ne mentionnaient pas les heures supplémentaires. Ainsi, les bulletins de paie reflétaient faussement le paiement d’un salaire minimum aux travailleurs alors qu’en réalité ceux-ci recevaient un salaire bien inférieur.
Un des cas les plus saillants a eu lieu dans la municipalité de Maale Adumim, une colonie de Jérusalem Est, qui employait environ 80 travailleurs Palestiniens. La municipalité a argumenté que la loi du travail jordanienne devrait s’appliquer à ces travailleurs Palestiniens. Les travailleurs, qui furent licenciés à cause d’un conflit du travail, argumentaient qu’ils devraient se voir accorder les droits garantis par les lois du travail israéliennes. De la même façon, dans une usine de la zone industrielle Mishor Adumim possédée par la compagnie israélienne Even Bar Ltd., les employeurs ont argumenté que les travailleurs devraient être rémunérés selon la loi du travail jordanienne.
Fréquemment, les employeurs ont forcé leurs travailleurs à signer des documents de renonciation de leurs droits en hébreu. Les travailleurs refusant de signer les documents étaient menacés de licenciement. Dans une usine, un travailleur forcé de signer un document en hébreu a écrit en arabe « mish aref » (je ne sais pas) ! Légalement, ces documents n’ont pas valeur de preuves devant les tribunaux prud’homaux.
2. L’emploi via des prestataires Palestiniens
Dans les colonies la vallée du Jourdain, les employeurs utilisent des prestataires Palestiniens, une pratique commune des 20 dernières années. Au cours de cette période, les prestataires se sont établis comme des intermédiaires absolus entre les employeurs et les travailleurs. Souvent les travailleurs ne connaissent pas le nom de leur employeur israélien. Le travail du prestataire est d’amener des travailleurs au travail selon la demande, de les payer et de s’assurer qu’ils ne demandent pas d’augmentation. Dans la plupart des cas, les prestataires licencient les travailleurs, changent leur lieu de travail et les empêchent de demander leurs droits. De leur côté, les travailleurs considèrent le prestataire comme une sorte d’agence de l’emploi qui peut leur trouver du travail.
Les travailleurs et les prestataires sont en compétition pour les jobs peu nombreux disponibles dans les colonies. Après le jugement de la Cour Suprême, les employeurs de la vallée du Jourdain ont essayé de présenter les prestataires eux-mêmes comme employeurs des travailleurs. Ils ont exigé que les prestataires remplissant les déclarations fiscales de salaires, une tâche qui incombe à l’employeur. En outre, dans certains cas le nom du prestataire était écrit sous ‘employeur’ sur les permis de travail. Les employeurs ignoraient les demandes d’augmentation des travailleurs et les renvoyaient aux prestataires pour ces questions.
Kav LaOved, avec les syndicats palestiniens de Jéricho, a entamé un dialogue avec certains prestataires qui refusaient de dissocier leur salaire de celui des travailleurs et s’appropriaient ainsi un montant inconnu sur les salaires des travailleurs. Beaucoup d’employeurs Israéliens dans la vallée du Jourdain admettent qu’ils ne payent pas le salaire minimum, mais justifient la pratique en argumentant que les travailleurs Palestiniens des colonies gagnent plus que les travailleurs dans l’autorité palestinienne.
Dans certaines zones industrielles, des usines ont commencé à employer leurs travailleurs via des prestataires. Dans quelques cas les travailleurs ont été capables d’empêcher cette pratique en résistant à l’introduction d’intermédiaires. Ces travailleurs étaient plus mûrs, plus professionnels et unis et ainsi capables de faire pression sur leurs employeurs en menaçant de faire grève. En une autre occasion, la section syndicale palestinienne de Tulkarem a été capable d’empêcher un prestataire d’entrer dans une usine en faisant appel à la pression sociale.
L’emploi via des prestataires Palestiniens est un important défi. Les changements des circuits d’emploi, particulièrement dans la vallée du Jourdain, vont mener à des changements sociaux profonds. Les prestataires ont souvent un statut social élevé, ils emploient les membres de leur famille et il est difficile pour d’autres de contester l’autorité qu’ils ont acquise au cours des années. Dans une de nos sessions de travail pour les femmes dans le village de Zbidat de la vallée du Jourdain, 20 travailleuses présentes se sont plaintes d’un bas salaire de 60 shekels par jour. Quand nous avons expliqué qu’elles devaient faire pression sur les prestataires elles ont répondu : « Ce sont nos frères, nous ne pouvons pas revendiquer contre eux ».
3. Mauvais traitements des travailleurs blessés
Quand ils sont blessés, la plupart des travailleurs doivent parvenir par eux-mêmes à l’hôpital palestinien le plus proche pour des premiers soins. D’autres sont évacués par MADA, le SAMU israélien, au check-point le plus proche où ils sont transférés vers une ambulance du Croissant-Rouge palestinien et conduits à un hôpital palestinien. Dans tous ces cas, les travailleurs ont droit à un traitement médical en Israël.
Exemple : le cas d’Ali Abu Ara, un travailleur agricole dans la colonie Mechora de la vallée du Jourdain. Le 24 novembre 2008 à 10 h 30 et s’est coupé la main gauche en travaillant dans une palmeraie. Il a saigné pendant 15 minutes, jusqu’à ce que le prestataire Palestinien le conduise à l’hôpital palestinien de Naplouse, qu’il n’a atteint qu’à 18 heures. (Devinez pourquoi ça a pris tant de temps).
Le travailleur dit qu’aucune ambulance ne fut appelée sur le lieu de travail. L’employeur, en réponse à une demande de Kav LaOved, a nié avoir jamais employé le travailleur. Le travailleur ne connaît que le prénom de l’employeur parce qu’il était employé sans permis de travail. Cette forme d’emploi est habituelle dans la vallée du Jourdain lorsque les travailleurs sont embauchés par des intermédiaires Palestiniens et n’ont pas de contact direct avec leurs employeurs israéliens.
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Un ouvrier palestinien travaille sur un chantier de construction dans la colonie de Betar Ilit, en Cisjordanie, au printemps 2008.
En plus de supporter le traumatisme physique de la blessure, les travailleurs doivent trouver indépendamment un moyen d’arriver à un hôpital ; ils ne reçoivent aucune aide de leur employeur. D’après les témoignages de travailleurs, parfois un employeur les conduit au check-point le plus proche, mais il n’appelle pas une ambulance. La première réponse de l’employeur à la blessure d’un travailleur, est semble-t-il de le retirer du lieu de travail pour fuir ses responsabilités, plutôt que de fournir une première aide médicale.
Certains employeurs acceptent de payer pour les coûts médicaux de départ, mais quand des soins médicaux prolongés et coûteux sont nécessaires ils se désengagent souvent et laissent le travailleur se débrouiller seul. Dans la plupart des cas, l’employeur vire les travailleurs blessés au travail ou exige qu’il revienne au travail rapidement, avant guérison complète. Les travailleurs notent que les employeurs ne leur payent pas de congé maladie pour les absences dues à un accident du travail, et refusent souvent de remplir les formulaires qui permettraient aux travailleurs d’obtenir une indemnité de la sécurité sociale. Les travailleurs n’insistent pas sur ces questions parce qu’ils ont peur de perdre leurs sources de revenus ou celle des membres de leur famille qui travaillent pour le même employeur. Ces facteurs découragent le travailleur blessé de demander ses droits légaux.
Nous avons abordé les autorités israéliennes sur ces questions mais à ce jour nous n’avons pas reçu de réponse qui puisse faciliter une solution du problème. Kav LaOved travaille pour que les travailleurs blessés reçoivent un traitement médical initial dans un hôpital ou une clinique israélienne. Une ambulance du MADA est exigée par la loi pour les transporter en Israël, plutôt que pour de les transférer par un check-point à une ambulance palestinienne qui les conduit ensuite dans une structure médicale de l’AP. L’évacuation des travailleurs par MADA en Israël leur épargnera beaucoup de souffrances ainsi que le cauchemar bureaucratique de traiter avec les services de la sécurité sociale — un processus qui prend des mois.
4. L’insécurité au travail
Les travailleurs sont aussi exposés à une incroyable insécurité sur leur lieux de travail, qui ne sont pas surveillés par le Ministère de l’Industrie, du Commerce et du Travail, ou par l’Administration Civile (un organisme de l’armée dans les territoires occupés qui opère depuis 1967).
L’enquête de 2008 de Kav LaOved dans 60 fabriques, qui emploient 3000 Palestiniens dans les zones industrielles de Barkan, Nitzanei Hashalom, Alei Zahav, Karnei Shomron et Emanuel au nord de la Cisjordanie, dépeint un tableau choquant des conditions de sécurité au travail. 97 % des travailleurs de ces zones sont directement exposés aux dangers découlant de l’indifférence aux règlements élémentaires de sécurité du travail. 59 % des travailleurs font face à des conditions très dangereuses et ne disposent pas de matériel de sécurité basique et approprié.
Un des exemples les plus frappants est celui des travailleurs agricoles de la vallée du Jourdain. Chaque année, Kav LaOved relève leurs conditions de travail, et souligne le travail sur des palmiers dattiers élevés et l’emploi de pesticides dangereux. Ces deux tâches sont accomplies sans aucune mesure de protection. Homme, femmes et enfants sont exposés directement et indirectement à des substances dangereuses. Les hommes répandent des pesticides sur les champs sans vêtements ni équipements de protection. À côté d’eux, femmes et enfants ramassent ou coupent les fruits et les plantes pollués par les pesticides, un travail aussi dangereux que l’épandage lui-même. Les enfants sont particulièrement sensibles à ces pesticides et risquent de développer des problèmes de fertilité et des cancers.
L’usine d’embouteillage de gaz de la zone industrielle Nitzanei Hashalom près de Tulkarem est un autre exemple. En juin 2009, Kav LaOved a envoyé une lettre à l’officier du bureau de l’emploi de l’Administration Civile, présentant les plaintes des travailleurs concernant leur exposition à des gaz dangereux tels que le bromure de méthyle et d’autres. Les travailleurs sont exposés à la vapeur toxique dégagée dans le processus de fusion du plomb, ils inhalent des vapeurs de peinture, de la poussière des sels de nettoyage et des vapeurs des détergents de nettoyage des bouteilles de gaz. Dans la lettre, Kav LaOved indiquait aussi que les travailleurs étaient vulnérables à des accidents du travail et à des maladies professionnelles. Kav LaOved s’inquiète des conditions de santé et mentales des travailleurs de l’industrie, particulièrement du fait que beaucoup d’entre eux ne sont pas conscients des risques sur le lieu de travail et du fait que l’usine ne fait pas de contrôle médical de ses travailleurs.
Kav LaOved a adressé ces réclamations à la direction de l’usine, qui les a écartées. La direction argumente que l’officier du bureau de l’emploi de l’Administration ‘Civile’ visite régulièrement l’usine pour inspection. Aucune réponse a été reçue de l’Administration Civile et à ce jour aucune inspection ni règlementation n’a été mise en place dans l’usine. Les travailleurs souffrent gravement de leur travail avec les substances chimiques dangereuses.
La plupart des Palestiniens travaillant dans les colonies ne sont pas protégés sur le lieu de travail. Beaucoup signalent différents douleurs, le plus souvent des migraines, des douleurs de dos, aux jambes ou au bras et des difficultés respiratoires. Les questions de santé tournent autour des maladies liées au travail qui restent non diagnostiquées car il n’y a pas de clinique traitant ces maladies-là dans l’AP et les travailleurs ne peuvent pas accéder aux cliniques en Israël.
5. Dépendance financière et plus
La dépendance des travailleurs Palestiniens de leurs employeurs dans les colonies n’est pas qu’économique. Les travailleurs dépendent des employeurs pour leur permis de travail. Pour recevoir un permis de travail, l’employeur doit soumettre une demande à l’Administration Civile qui attribue au travailleur un accès à la zone de la colonie. Le principal critère de délivrance des permis est le certificat de sécurité. Le passé du travailleur doit être libre de toute action ou déclaration pouvant mettre en danger la sécurité d’Israël. Potentiellement, le travailleur impliqué dans un conflit du travail avec un employeur peut se voir refuser l’accès pour « raisons sécuritaires ». Cette crainte empêche beaucoup de travailleurs de demander leurs droits légaux.
La peur de perdre le permis de travail est souvent plus grande que celle de perdre un travail. Sans le permis, les chances d’emploi de travailleurs dans les colonies sont proches de zéro. Les employeurs Israéliens n’hésitent pas à utiliser cela comme un atout pour faire pression sur leurs travailleurs pour qu’ils abandonnent les procès devant les cours prud’homales ou s’abstiennent de demander une augmentation. Dans un cas, des travailleurs qui poursuivaient leur employeur devant la cour prud’homale de Tel-Aviv pour le salaire minimum et d’autres droits ont déclaré que celui-ci, en réponse, les a dénoncés à la police israélienne qui leur a par conséquent interdit de retourner à leur travail. Les travailleurs ont dit qu’ils avaient travaillé pour cet employeur pendant 10 ans et qu’il les aidait à rester sur le lieu de travail sans permis quand ça l’arrangeait.
Souvent, l’employeur termine l’emploi des travailleurs en appelant les gardes de sécurité de la colonie qui expulsent les travailleurs. Par exemple, quand des travailleurs de deux installations coloniales de la zone industrielle de Mishor Adumin ont protesté du fait que leurs salaires n’étaient pas payés, les employeurs ont appelé le personnel sécuritaire de la colonie pour expulser les travailleurs des usines. Dans une des usines, l’employeur a suspendu les permis des travailleurs pour les empêcher de revenir et d’exiger leur salaire. À la suite de l’intervention de Kav LaOved, l’employeur a permis aux travailleurs de revenir, excepté sept d’entre eux qui le poursuivent maintenant devant la cour prud’homale de Jérusalem.
Défis et activités futures
Le projet de Kav LaOved d’assistance des travailleurs Palestiniens dans les colonies continuera d’aider les plaintes collectives et individuelles des travailleurs. Les cours prud’homales israéliennes sont la destination des procès faits par les travailleurs dont les droits sont niés. Cependant le travail légal ne suffit pas. Notre expérience nous enseigne que l’élévation de la conscience parmi les travailleurs et le suivi quotidien de leur plainte ont un impact significatif. La phrase « savoir c’est pouvoir » n’est pas théorique, sa vérité pratique est prouvée quotidiennement par les travailleurs qui vivent différemment leurs conditions d’emploi après avoir appris leurs droits. Dans certaines fabriques, les travailleurs ont même été capables de former un syndicat et de commencer des négociations avec les employeurs.
Les travailleurs Palestiniens conscients de leurs droits ont une image plus positive d’eux-mêmes. La peur de perdre sa source de revenus est toujours présente mais elle devient moins menaçante. Résultat de quatre années d’activité, les Palestiniens savent qu’ils sont des travailleurs égaux et non de deuxième classe.
Néanmoins, nous ne pouvons pas en rester au niveau élémentaire si nous voulons changer considérablement les relations entre employeurs Israéliens et travailleurs Palestiniens, qui ressemblent souvent à une relation de maître à esclave. Nous devons faire pression sur les autorités légales israéliennes pour mettre en oeuvre et appliquer les lois israéliennes du travail dans les colonies. Kav LaOved prépare plusieurs requêtes à la Cour Suprême contre des institutions israéliennes telles que l’institut de sécurité sociale, le ministère de l’industrie, du Commerce et du travail et l’administration civile.
L’engagement de clients, d’associations des droits humains, de fédérations syndicales internationales et de citoyens qui croient que les personnes sous occupation ont droit à un emploi correct, et leur volonté d’exercer une pression sociale sont un autre outil puissant pour faire pression sur les employeurs et sur l’Etat d’Israël pour faire appliquer les lois du travail appropriées.
Dans un cas, les travailleurs d’une usine de Soda Club de la zone industrielle de Mishor Adumim ont reçu une aide d’une origine inattendue - les médias suédois ont pu faire pression sur la compagnie en faveur des droits des travailleurs. En 2009, les travailleurs reçoivent leurs droits selon la loi israélienne. Cependant ils sont toujours au plus bas de la hiérarchie dans l’usine et craignent en permanence leur licenciement. À l’inverse, dans d’autres usines, comme Royalife — une usine de textile à Barkan, où les travailleurs sont soumis à une dure exploitation et reçoivent huit shekels par heure de travail (certaines femmes sont même payées moins), nous n’avons pas été capables de faire appliquer la loi par une pression du public israélien.
Nous avons produit un film (*) expliquant l’exploitation des travailleurs, les salaires de famine et les dangereuses conditions de travail, et nous avons essayé d’amener à la connaissance du public les violations légales qui ont lieu. Toutefois, l’indifférence d’une grande partie du public israélien à la souffrance des travailleurs palestiniens est un autre défi. Alors que notre vision à long terme inclut la viabilité économique et l’indépendance palestinienne, notre vision à court terme se focalise sur la construction d’une infrastructure de direction des travailleurs Palestiniens qui traitera de la réalité quotidienne des violations des droits des travailleurs.
13 mars 2010 - kavlaoved.org - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduit de l’anglais par Jean-Pierre Bouché