mardi 9 février 2010

Une odyssée pour la Justice

lundi 8 février 2010 - 07h:10
Ramzy Baroud
De la Malaisie jusqu’à l’Afrique du Sud, du Royaume Uni jusqu’aux Etats-Unis, des hommes, des femmes, tant chrétiens que juifs ou musulmans, d’horizons culturels et religieux différents ont montré qu’ils pouvaient tous croire en la justice et les droits de l’homme, écrit Ramzy Baroud.
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Les récentes manifestations de gens venus de partout dans le monde pour soutenir les Palestiniens de Gaza sont ce qui se rapproche le plus d’un mouvement de solidarité internationale, ce qui ne s’était pas produit depuis la création des brigades Internationales anti-fascistes pendant la guerre civile espagnole. Est-ce là une affirmation osé ?
J’admets que je ne suis peut-être pas aussi au fait de la réalité que je le devrais. Dans le camp de réfugiés où je suis né et où j’ai grandi, la plupart des réfugiés avaient l’impression que personne ne se souciait de leur détresse, il était donc facile de croire que rien, jamais, ne pourrait aller plus loin que les prises de position aussi creuses qu’abondantes des pays arabes et des autres nations, dont les seuls actes de solidarité se bornaient à des condamnations vaines. Aussi que des militants du monde entier se soient manifestés récemment d’une manière aussi généreuse, semble être un acte de solidarité sans précédent, qui - dois-je le croire ? - montre que l’implication massive et directe de la société civile fait de celle-ci un vrai partenaire des Palestiniens en lutte pour leurs droits politiques et humains.
Pendant la Guerre Civile Espagnole (1936-1939) alors que les divers états européens se lavaient les mains des atrocités commises en Espagne, presque 40 000 hommes et femmes, originaires de 52 pays, décidèrent de combattre le fascisme. Etant donné qu’à cette époque les technologies avancées de communication n’existaient quasiment pas, cette prise de conscience globale et l’action directe et sans précédent qu’elle engendra sont absolument sidérantes.
Parmi les 2800 américains il y avait un noir - Canute Frankson, vétéran de la brigade Abraham Lincoln. Il avait écrit ces mots à un ami en 1937, depuis Madrid : « Pourquoi moi, un noir, qui me suis battu pendant toutes ces années pour les droits de mon peuple, suis-je en Espagne ? Parce que nous avons cessé d’être un petit groupe minoritaire qui se bat sans espoir contre un géant. Parce que... nous avons rejoint et appartenons pleinement à une grande force de progrès, qui a la responsabilité de protéger la civilisation humaine de la destruction préméditée par un petit groupe d’individus dégénérés. Parce que si nous venons à bout du fascisme ici, nous protègerons notre peuple en Amérique et dans d’autres parties du monde, des persécutions haineuses, de l’emprisonnement et du massacre qu’ont subi et subissent encore les Juifs sous les bottes fascistes d’Hitler. »
Quelle pertinence ont ces mots lorsqu’on lit, plein d’inquiétude, de fierté et de joie, les rapports et les messages qui arrivent du Caire, de Al Arish et de Gaza. Ils apportent la preuve du soutien d’un nombre incalculable de personnes qui ont montré, au milieu du sang et des larmes, leur engagement envers l’humanité, que ce soit en Palestine ou partout ailleurs.
La Marche pour la Libération de Gaza, qui regroupait plusieurs mouvements, réunissait 1362 militants venant de plus de 40 pays, avec pour mission d’entrer dans Gaza, et de traverser, avec des Israéliens, des Palestiniens et des internationaux, jusqu’au checkpoint d’Erez.
Cette frontière, comme plusieurs autres, a complétement coupé les Palestiniens de Gaza du reste du monde et 1,5 millions de gens sont totalement assiégés. Gaza est au centre de la plus grande catastrophe humanitaire du monde parce que les Palestiniens ont exercé leurs droits à la démocratie. Les habitants de Gaza ont subi une guerre à sens unique et en sont quasiment réduits à la famine. Les vaillants soldats de la paix de Viva Palestina ont vraiment haussé le niveau des actions que des militants de la justice et de la paix sont prêts à mener pour mettre leurs paroles en pratique.
Malgré l’indifférence qu’ont montré les principaux media pour ce drame, des millions de gens ont vu près de 500 militants et 200 véhicules chargés de matériel médical essentiel pour Gaza assiégé, se lancer dans une véritable odyssée pour contourner le siège. Au moment où ils arrivaient près de Gaza le gouvernement égyptien les força à repartir à cause d’une formalité et ils durent commencer un voyage difficile à travers le désert, la mer et plusieurs pays. Quand ils arrivèrent de nouveau près de Gaza, au port d’ El Arish ils furent à nouveau bloqués et des dizaines d’entre eux furent blessés.
La Marche pour la Libération de Gaza fut également accueillie par des intimidations, des attaques et de la violence.
Ces gens ne sont pas des Palestiniens mais des internationaux. De la Malaisie jusqu’à l’Afrique du Sud, du Royaume Uni jusqu’aux UEtats-Unis, des hommes, des femmes, tant chrétiens que juifs ou musulmans, d’horizons culturels et religieux différents ont montré qu’ils pouvaient tous croire en la justice et les droits de l’homme. Alors que la Palestine a toujours bénéficié de la solidarité internationale démontrée par beaucoup de militants -qui peut oublier Rachel Corrie ? - une action de cette ampleur et de cette implication ajoute une autre dimension à un conflit qui, avec le temps, s’est réduit à une lutte entre des Palestiniens assiégés et un Israël militairement très puissant.
La Marche pour la Libération de Gaza, Viva Palestina, le mouvement Free Gaza et d’autres contredisent la rhétorique officielle concernant le conflit le plus long et le plus compliqué du Moyen-Orient. La société civile n’est pas un conglomérat d’ONG qui peuvent être manipulées et soutenues financièrement dans un but stratégique.
Elle englobe des groupes puissants, plein d’assurance, et réellement représentatifs de tous les pays du monde ; les gens sont capables de s’unir au-delà des questions de religion et d’idéologie pour mettre en pratique ce à quoi ils croient. Que les militants aient réussi à rompre le honteux silence des grands media souligne aussi combien les media alternatifs ont d’importance pour réussir à organiser la fraternité.
Joshua Brollier, l’un des coordinateurs de Voices for Creative Non-Violence écrit dans le Palestine Chronicle : « Pendant toute la durée de la Marche pour la Libération de Gaza, au Caire, nos frères et sœurs sud-africains ont énergiquement démontré la relation entre les souffrances des autochtones africains sous la dictature raciste des blancs de Pretoria et les injustices subies par les Palestiniens du fait du gouvernement israélien ».
Pendant ce voyage mouvementé vers Gaza, on a découvert beaucoup de héros et d’héroïnes : Une mention spéciale à Hedy Epstein , 85 ans, survivante de l’Holocauste dont les deux parents sont morts à Auschwitz. Quand elle, et beaucoup d’autres, furent empêchés d’entrer dans Gaza, elle commença une grève de la faim. Et si Hedy Epstein est solidaire des Palestiniens, ce n’est pas malgré l’Holocauste, mais à cause de l’ Holocauste. D’autres militants sont également solidaires de Gaza à cause de leurs expériences passées et ont combattu pour la démocratie et la justice dans leurs propres pays.
Peut-être après tout, suis-je au fait de la réalité. Il se peut que les paroles et les actes de Canute Frankson, notre héros afro-américain n’aient pas été inutiles. Il se peut que la recherche de la justice puisse en fait transcender toutes les barrières physiques et psychologiques. Une chose est certaine : Gaza n’est pas seule ; elle ne l’a d’ailleurs jamais été.
14 janvier 2010 - Communiqué par l’auteur
Traduit de l’anglais par Jackie H.
 http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8135