mardi 9 février 2010

Le monde ne croit plus aux explications d’Israël

publié le lundi 8 février 2010
Aluf Benn

 
Le monde ne croit pas aux explications d’Israël et il n’est pas disposé à condamner l’obstination palestinienne.
« Votre situation n’est pas idéale, » déclarait récemment un diplomate européen de premier plan. « Personne ne croit Bibi (le Premier ministre Benjamin Netanyahu) et nous ne voulons pas avoir de relation avec Lieberman (ministre des Affaires étrangères). Seule, une décision diplomatique impressionnante et inattendue, comme le désengagement d’Ariel Sharon (ancien Premier ministre), pourrait modifier cette impression. »
Quelques heures plus tard, Time Magazine publiait une interview du président U.S. Barack Obama, dans laquelle celui-ci se disait déçu de la réticence d’Israël à faire des « gestes audacieux » vers les Palestiniens.
Dans un discours prononcé à une conférence il y a peu, un diplomate israélien en poste dans une capitale européenne faisait l’éloge de la sempiternelle ligne de relations publiques d’Israël, faisant la distinction entre « la seule démocratie au Moyen-Orient » et ses voisins arabes autocratiques.
« Nous partageons des valeurs communes, » disait l’Israélien aux Européens. A sa grande surprise, un membre de l’assistance s’est levé et lui a répliqué : « Quelles valeurs communes ? Nous n’avons rien de commun avec vous. »
Dans les conversations diplomatiques, les Européens critiquent Israël pour le blocus de Gaza, la construction des colonies juives, les démolitions de maisons à Jérusalem-Est, à cause d’une répugnance pénétrante envers le gouvernement de droite et même pour nos insuffisances dans le domaine social et la façon dont Israël se détourne du modèle de protection sociale européen.
Le gouvernement Netanyahu/Lieberman est presque toujours dépeint comme un gouvernement à la ligne dure dans la presse étrangère. Ce n’est pas tout à fait vrai : le gouvernement d’Ehud Olmert et Tzipi Livni a voulu la guerre au Liban, et à Gaza, et il a construit des milliers de logements pour les juifs à Jérusalem-Est et dans les blocs de colonies de Cisjordanie – bien plus que Netanyahu qui, lui, s’est abstenu de l’usage de la force armée et a déclaré un gel de dix mois des constructions dans les colonies. Mais les médias ont apprécié le gouvernement Kadima parce qu’Olmert et Livni leur disaient haut et fort ce qu’il convenait quant à leur désir de paix et d’un accord pour un statut définitif, alors que ces mêmes médias ne croient pas un mot quand Netanyahu parle de « deux Etats pour deux peuples ». Le fait qu’Olmert et Livni n’aient rien obtenu dans les négociations n’y change rien. C’est l’intention qui compte.
Netanyahu et son entourage ont des réponses pour les accusions portées contre Israël. La responsabilité du blocus de Gaza repose entièrement sur les Palestiniens qui ont choisi le Hamas pour les gouverner et ont enlevé le soldat Gilad Shalit. « Vous vous inquiétez des droits de l’homme pour le million et demi de Palestiniens dans la bande de Gaza. Vous devriez vous soucier de l’Israélien qui est retenu là-bas, » disent les gens de Netanyahu aux représentants des Nations unies.
A Jérusalem-Est, le gouvernement se cache derrière le maire, Nir Barkat, et les institutions de l’urbanisme et de la construction qui approuvent les projets de constructions pour les juifs et les démolitions de maisons des Palestiniens. Quant à l’immobilisme diplomatique, on en accuse le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui refuse de reprendre les négociations.
Sauf qu’il y a un petit problème : le monde ne croit pas aux explications d’Israël et il n’est pas disposé à condamner l’obstination palestinienne. Obama a réparti la responsabilité de cet immobilisme sur les deux côtés, et il en a pris une part à son compte (« Nous avons soulevé des espoirs »).
L’appel de l’envoyé des Etats-Unis, George Mitchell, adressé aux membres du Quartette afin qu’ils incitent Abbas à revenir discuter, est resté sans réponse. Cette semaine, Mitchell a terminé une nouvelle visite dans la région, tout aussi frustrante, sans aucun résultat.
La démarche d’Obama – pour « mettre de côté » le processus diplomatique en absence de réalisations concrètes et se concentrer sur les questions intérieures – n’a pas surpris Netanyahu. Il y a trois mois, un officiel israélien de haut rang déclarait que l’administration Obama reporterait sans doute le problème israélo-palestinien sur son second mandat, expliquant : « Aujourd’hui, les Américains sont faibles, ils ont le chômage et la crise économique, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Iraq, et ils ne s’en sortent pas. Ils n’ont pas la force pour conclure un accord. En attendant, l’immobilisme va perdurer ».
Les officiels U.S. espèrent que les négociations vont reprendre dans les six mois. L’essentiel, c’est qu’il y ait des négociations. Ils n’espèrent rien de plus.
Un scénario inquiétant
L’Autorité palestinienne mène campagne pour isoler Israël, en se basant sur le rapport Goldstone et la haine pour le gouvernement Netanyahu. Les politologues Shaul Mishal et Doron Mazza l’appellent « l’Intifada blanche » ; elle vise à mobiliser un soutien international pour une déclaration unilatérale d’indépendance en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et à Jérusalem. Dans un document diffusé la semaine dernière, les Palestiniens mettent en garde contre la complaisance israélienne et présentent un scénario inquiétant : les Palestiniens déclarent l’indépendance, Israël refuse de la reconnaître et se trouve confronté à un boycott. Qu’il cède ou qu’il réagisse avec force, Israël ne peut pas gagner, et il perdra en plus tout contrôle sur le processus. Par conséquent, les deux universitaires recommandent une action diplomatique préventive.
L’isolement diplomatique peut coûter cher. L’ancien directeur général du ministère des Affaires étrangères, Gideon Rafael, écrit dans ses mémoires que pendant l’été 1973, il avait eu le sentiment que l’immobilisme diplomatique, considéré comme allant de soi et peut-être même comme souhaitable, était susceptible de devenir « un piège mortel ».
L’ancien président égyptien, Anouar el-Sadate, avait coupé Israël de ses amis du Tiers Monde, et proposé une initiative de paix aux Américains que ceux-ci avaient rejetée. Il avait alors déposé une demande pour le retour à l’Egypte de la péninsule du Sinaï au Conseil de sécurité des Nations unies, et il s’était heurté au veto états-unien.
Dans son livre « Destination la Paix : trois décennies de politique étrangère israélienne, souvenir personnel » (publié en anglais par Littlehampton Book Services, en 1981), Rafael écrit qu’Israël s’était alors réjoui du veto et ne s’était pas rendu compte que de fermer la porte à la diplomatie n’avait laissé à l’Egypte qu’une seule option : la guerre.
Dans les semaines qui viennent, Israël apparemment va recourir une nouvelle fois au veto américain, au Conseil de sécurité, pour enterrer le rapport Goldstone. Netanyahu prévoit une quatrième rencontre avec Obama, concernant le sommet sur la sécurité nucléaire, à Washington le 12 avril, et peut-être même avant. L’ordre du jour se concentre sur l’Iran – ou « la nouvelle Amalek », comme Netanyahu a appelé l’Iran à Auschwitz mercredi. La question est de savoir si à côté de son exigence qu’Obama agisse contre l’Iran, Netanyahu ne va pas lui dire qu’en échange, Israël prendra quelque initiative vis-à-vis des Palestiniens.
Ce serait pour Israël une nouvelle tentative de convaincre le monde de le croire et de se sortir un peu de son isolement diplomatique croissant.
http://www.haaretz.com/hasen/spages... traduction : JPP pour l’AFPS