mardi 9 février 2010

Gaza. « Une lutte pour nos valeurs et notre démocratie »

publié le lundi 8 février 2010
entretien avec Hadas Ziv

 
Hadas Ziv est directrice générale de l’ONG israélienne Médecins pour les droits de l’homme. Présente à Gaza lors du conflit, l’ONG a aussi témoigné devant la commission Goldstone.
Que pensez-vous du rapport Goldstone  ? Estimez-vous 
qu’il est justifié de parler 
de « crimes de guerre » 
comme le fait ce rapport  ? Confirmez-vous les faits contenus dans le rapport  ?
Hadas Ziv. Ce que fait le rapport, c’est présenter des faits et des témoignages et de dire qu’il y a des présomptions de crimes de guerre dans nombre de cas. Pour nous, ses présomptions sont effectivement valides et méritent d’être investiguées sérieusement. C’est d’ailleurs ce que demande le rapport lui-même.
Évidemment, en tant qu’ONG médicale, nous ne parlons pas sur tous les événements qui se sont déroulés lors du conflit à Gaza. Mais des cas précis que nous avons observés – comme des blessés abandonnés, l’impossibilité de les sortir de Gaza vers des hôpitaux ou des tirs contre des hôpitaux et des ambulances –, nous en avons informé les officiels israéliens (même durant les opérations militaires) et nous les avons aussi transmis à la commission Goldstone devant laquelle nous avons témoigné. Après le conflit, nous avons aussi mené, en collaboration avec des collègues palestiniens, des enquêtes pour relever des faits et recueillir des témoignages.
Quel est votre sentiment sur la réponse, fournie la semaine dernière aux Nations unies, du gouvernement israélien au rapport Goldstone  ?
Hadas Ziv. Je trouve cette réponse bien dérangeante et insuffisante. Les investigations dont parle le gouvernement sont des enquêtes internes de l’armée. Elles ne sont ni indépendantes, ni transparentes. Par exemple dans des cas de tirs contre des dispensaires médicaux ou des ambulances, le rapport estime, en termes généraux, qu’il n’y a pas de faits précis permettant de poursuivre qui que ce soit. Il n’y a pratiquement pas d’études de cas et d’incidents dans cette réponse.
Or, rien que nous, nous leur avons fourni, de manière précise et documentée, des témoignages sur nombre d’incidents et de faits qui méritent au moins une enquête sérieuse. D’ailleurs, de plus en plus de voix se font désormais entendre en Israël, jusqu’autour même du gouvernement, pour dire que c’était une grave erreur de ne pas collaborer avec la commission Goldstone. Je pense que nous ne devons pas craindre de véritables enquêtes et analyses indépendantes pour juger des décisions et des faits. C’est seulement ainsi, en refusant de passer l’éponge, que nous éviterons que cela ne se reproduise à nouveau.
Croyez-vous qu’Israël soit capable de mener ce que lui demande le rapport Goldstone, des investigations indépendantes et approfondies sur le conflit de Gaza, ou faut-il pour cela passer par un tribunal international  ?
Hadas Ziv. Je souhaite vivement qu’Israël en soit capable. Je l’espère. Je ne crois toutefois pas que l’initiative pourrait venir du gouvernement ou de l’armée. Il n’y a que le système judiciaire et la société civile qui peuvent entreprendre une telle démarche. Mais si nous-mêmes, en Israël, nous n’en sommes pas capables, alors il faudrait que la communauté internationale s’en charge – à mon sens, rechercher la vérité est une lutte pour nos valeurs et notre démocratie. L’ennui, c’est que personne, surtout pas les grands pays (les États-Unis, la Grande Bretagne ou la France…), ne veut réellement s’engager pour régler les problèmes au Moyen-Orient. Il y a beaucoup d’hypocrisie au plan international.
Entretien réalisé par Ramine Abadie
publié sur le blog du Monde "Guerre ou paix"