jeudi 4 février 2010

Le CRIF n’aime pas le boycott des produits israéliens ?

Publié le 3-02-2010
"Le Parti communiste et les Verts à nouveau exclus du dîner du CRIF", titre le journal Le Monde. Mais qui s’en plaint ?

"Pour la deuxième année consécutive, les Verts et le Parti communiste ne font pas partie de la longue liste des 800 invités du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), qui se tient mercredi 3 février à Paris, en présence du premier ministre François Fillon. Le président de la République devrait, comme en 2009, y faire une apparition.
Au risque de limiter le caractère "républicain" de ce dîner, créé en 1985 par l’ancien président du CRIF, Théo Klein, l’actuel président, Richard Prasquier, assume son choix d’écarter les deux formations de gauche : "Ces organisations politiques sont associées à des mouvements de boycott de produits israéliens, ce qui est illégal. En outre, nombre de municipalités communistes font du terroriste Marouane Barghouti leur citoyen d’honneur." M. Barghouti est un responsable du Fatah palestinien emprisonné à vie par Israël, qui l’accuse d’avoir organisé des attentats. "J’admets les critiques contre la politique du gouvernement israélien, mais il y a des lignes rouges à ne pas franchir", poursuit M. Prasquier.
"Droitisation"
Au sein même de la communauté, cet ostracisme est analysé comme un repli. "C’est regrettable, juge Henri Hajdenberg, président du CRIF dans les années 1990. Avec ce repas, on avait réussi à réunir, de manière exceptionnelle, autour de la même table, des gens aux avis divergents sur Israël."
La crispation de la communauté juive s’est accentuée au début des années 2000, avec le déclenchement de la deuxième Intifada et la multiplication, en France, des actes antisémites. "La radicalisation des juifs de France est aussi liée aux événements internationaux, notamment les propos incessants du président iranien appelant à la destruction d’Israël ou le jeu sadique du Hamas avec le soldat Shalit, détenu à Gaza depuis 2006", souligne Bernard Kanovitch, du CRIF. "On sent la volonté de faire bloc face à un sentiment de menace", reconnaît Raphaël Haddad, ex-président de l’Union des étudiants juifs de France.
La "droitisation" du gouvernement israélien de Benyamin Nétanyahou n’est pas étrangère à cette tendance. "Par rapport à Israël, les juifs de France sont légitimistes. La radicalisation du gouvernement et de l’opinion publique là-bas se retrouve ici", explique M. Hajdenberg.
La récente élection au comité directeur du CRIF de l’avocat-blogueur Gilles-William Goldnadel, militant communautaire médiatique très marqué à droite, a été perçue comme un signe supplémentaire de cette évolution. "Ce n’est pas forcément le positionnement politique qui compte, mais la visibilité des candidats", relativise M. Prasquier. Dans le même temps, deux membres de ce comité, Michel Zaoui et Gérard Unger, plutôt marqués à gauche, n’ont pas été réélus. Un proche de M. Nétanyahou, Meyer Habib, vient d’être reconduit à la vice-présidence du CRIF.
La question de la représentativité du CRIF, qui fédère la partie de la communauté la plus organisée, et donc la plus identitaire et conservatrice, est posée. "Du coup, la frange non pratiquante libérale de la communauté, les élites culturelles juives ne sont pas présentes dans les associations que chapeaute le CRIF", regrette M. Hajdenberg."
Stéphanie Le Bars
Le Monde daté du 4 février 2010
CAPJPO-EuroPalestine