jeudi 19 novembre 2009

Le dos au Mur

Par Christian Merville | 19/11/2009
LE POINT
Ah ! Ce Nobel de la paix que Barack Obama semble condamné à traîner longtemps encore comme un forçat son boulet... Qualifier de « potentiellement très dangereuse » la décision israélienne de poursuivre la construction de nouveaux logements à Jérusalem-Est, sans accompagner ses propos de menaces de sanctions, revient à reconnaître son impuissance. Voici donc le président de l'unique superpuissance qui rejoint un roi d'Arabie saoudite voyant dans l'obstination de Benjamin Netanyahu un « obstacle majeur à la paix ». La belle affaire, doit-on se dire à Tel-Aviv, où le souci majeur à l'heure actuelle est d'enfouir à six pieds sous terre cette notion absurde de réconciliation que l'on ne finit pas de rabâcher depuis un certain plan de partage voté jadis par les Nations unies.
Si le président américain fait état de son inquiétude, son équipe, elle, se dit consternée (« dismayed », a osé mardi Robert Gibbs) et se contente d'appeler les deux parties à éviter toute action unilatérale susceptible de nuire au bon déroulement des négociations. Tout potentiel observateur est prié de signaler l'existence de ces dernières si d'aventure il lui arrivait d'en exhumer la trace fossilisée.
Entre l'an 2000, date de l'éclatement de la seconde Intifada, et 2006, plus de 3 400 Palestiniens sont morts, le Hamas est sorti vainqueur d'une consultation populaire reconnue par le monde entier comme libre, 400 kilomètres de mur ont été érigés qui atteindront une longueur de plus de 600 kilomètres à l'achèvement du projet, enfin le nombre de colons qui squattent en Cisjordanie des terrains arabes devrait atteindre bientôt le demi-million. Mais, victoire de la justice : une maison palestinienne dans la partie est de Jérusalem a été détruite hier par l'armée parce qu'elle avait été édifiée sans permis, a fait savoir la police. Et tant pis si aussi bien les accords d'Oslo de 1993 que la feuille de route de 2003 appelaient à un arrêt des implantations. On sait depuis deux semaines - relisez les propos tenus au début de ce mois par Hillary Clinton - que la promesse d'une simple limitation de la colonisation représentait un fait « sans précédent ». La secrétaire d'État aurait pu ajouter : « ... Et sans suite. »
Les quelques semaines passées auront sonné le glas des espoirs US d'apporter un semblant de normalisation à une situation qui, au fil des soixante ans passés, n'a fait que se dégrader. Adieu l'idée de gel, adieu la reprise du dialogue, oublié le discours du Caire. Il ne reste plus aujourd'hui, à Ramallah, qu'un vieil homme en nette perte de vitesse, et à Tel-Aviv que des faucons qui ne cherchent même pas à se parer du plumage des colombes. Dans le quartier de Gilo, foi d'Elie Yishaï, ministre de l'Intérieur, un millier de maisons vont être créées. À l'adresse de tous ceux qui n'auraient rien compris au grappillage élevé par Israël au rang de véritable art, Tzipi Livni a expliqué : il s'agit « d'un consensus interne s'inscrivant dans le cadre de toute discussion future sur les frontières permanentes ». Si on a bien compris, c'est donc d'un à-valoir que l'on parle là.
Abandonné par son sponsor américain, combattu par Avigdor Lieberman et consorts, débordé sur son aile extrémiste par un Hamas plus intransigeant que jamais, critiqué par ses compagnons du Fateh, Abou Mazen a feint de se retirer, comme Achille, sous sa tente avant de se raviser et de botter en touche. Va donc, avec l'aval du Conseil de sécurité de l'organisation internationale, pour un État palestinien dans les territoires occupés depuis juin 1967, ce qui devrait permettre, dans son esprit, de débloquer le dialogue. L'auteur de cette fumeuse idée craignait, à juste titre, une fin de non-recevoir israélienne et américaine, d'ailleurs exprimée dès le début de la semaine courante. Mais le coup fatal a été porté par le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt, dont le pays préside actuellement l'Union européenne, et qui a jugé le projet - admirez l'enrobage diplomatique - « quelque peu prématuré ». Plus hypocritement, dans la capitale fédérale, on l'avait appuyé mais « comme le résultat d'un processus entre les deux parties ».
Le Mur est en passe de remplir sa part de la mission séparatrice ; l'avènement d'un cabinet composé d'ultras qui feraient paraître le rabbin Meir Kahane comme une réincarnation de Yasser Arafat se charge du reste, avec le précieux concours d'une administration US encline à se rendre à la triste évidence : ne parlons plus de paix, tout au plus de détente. Le fond du problème réside dans le fait que la détente, les Israéliens gardent le doigt dessus.