mercredi 11 novembre 2009

Après le refus d’Abbas, on craint le vide, pas le trop-plein

publié le mardi 10 novembre 2009

Mohamed Assadi et Douglas Hamilton
Le sentiment qui prévaut au Proche-Orient au lendemain du refus de Mahmoud Abbas de se représenter à la présidence palestinienne pourrait se résumer en renversant une formule choc de Charles de Gaulle.

Evoquant sa propre succession, le premier président de la Ve République s’était voulu rassurant pour les Français en leur assurant sur un ton badin qu’après lui ce ne serait "pas le vide mais le trop-plein".

Vendredi, les principaux protagonistes d’un processus de paix mal en point, des médiateurs américains et égyptiens en passant par Israël et les Palestiniens eux-mêmes, exprimaient assurément la crainte du vide.

Et aucun trop-plein de successeurs ne se profilait.

Pas un dirigeant palestinien ne s’est porté candidat à la succession de Mahmoud Abbas. Tous s’efforçaient au contraire de le faire revenir sur une décision qu’il a présentée comme dénuée de toute arrière-pensée tactique.

Pourtant, ni Israël, ni les Etats-Unis ni le Fatah d’Abbas ne veulent croire qu’il faut prendre au mot ce vieux routier de la cause palestinienne, aujourd’hui âgé de 74 ans, lorsqu’il affirme que sa décision est irrévocable.

Abbas, personnalité affable, feutrée et modérée, s’était imposé comme le successeur naturel et légitime du charismatique Yasser Arafat après la mort de celui-ci, fin 2004, et il avait été élu haut la main à la présidence de l’Autorité palestinienne en janvier 2005.

Échéance électorale peu probable

Mais, un an plus tard, le Hamas, opposé au processus de paix, avait remporté la majorité absolue au Conseil législatif palestinien avant de chasser de Gaza en juin 2007 le camp d’Abbas, dont les tractations avec Israël sont improductives jusqu’à ce jour.

Affaibli et frustré politiquement, Mahmoud Abbas avait placé de nouveaux espoirs en Barack Obama, qui a déclaré, dès sa prise de fonctions en janvier, vouloir faire d’une reprise rapide du processus de paix une des priorités diplomatiques.

Mais, le mois suivant, les électeurs israéliens ont envoyé à la Knesset une majorité de droite, qui, sous la houlette de Benjamin Netanyahu, s’est montré imperméable aux pressions d’Obama au point de l’amener à renoncer à soutenir Abbas sur la question du gel total de la colonisation juive.

"Je n’ai pas de désir de me présenter à la prochaine élection", a annoncé jeudi Abbas, après avoir prévenu fin octobre Obama de ses intentions, tirant ainsi les conclusions d’un "lâchage" qui, aux yeux du Hamas, prouve qu’Israël et les Etats-Unis l’ont manipulé comme un pion.

Compte tenu de la persistance de la partition de fait entre la bande de Gaza et la Cisjordanie et des divergences entre le Hamas et le Fatah, malgré les efforts de médiation égyptiens, Mahmoud Abbas a décidé de provoquer des élections présidentielles et législatives le 24 janvier.

Mais cette initiative est jugée illégale par le mouvement islamiste et l’impossibilité d’organiser un vote simultanément à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est rend peu probable que l’échéance du 24 janvier soit tenue - et donc qu’Abbas ait à se représenter dans un avenir prévisible.

"Peut-être une dernière chance"

En pareille hypothèse, il continuerait à représenter son peuple dans le processus de paix que les Etats-Unis cherchent malgré tout à relancer au plus vite, d’autant qu’il n’a pas renoncé à sa présidence de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et du Fatah qui la domine.

Mohamed Chtayyeh, un collaborateur d’Abbas et responsable du Fatah, a exprimé l’espoir que, d’ici la date théorique des élections, Abbas aura reconsidéré sa décision et surmonté son sentiment d’avoir été trahi par les Etats-Unis et mêmes certains alliés arabes.

Tout en se défendant d’ingérence dans les affaires palestiniennes, le vice-ministre israélien des Affaires étrangères, Danny Ayalon, a estimé "dans l’intérêt d’Israël, comme des Américains, des Occidentaux et des Palestiniens, de conserver un dirigeant modéré et pragmatique".

Le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, bien en cour auprès des Occidentaux, mais dépourvu de base militante, a pour sa part exprimé l’espoir que ce qui a poussé Abbas à renoncer serait rectifié. Il revient, selon lui, à la communauté internationale de pousser Israël à respecter ses obligations, a-t-il déclaré à Reuters TV.

Pour un haut diplomate européen au fait du processus de paix, ce ne serait pas la première fois que l’on assisterait à une fausse sortie. Mais, selon lui, "ce qui est important dans le message d’Abbas, c’est le message qu’il envoie".

"C’est une mise en garde, un avertissement, une sorte de ’je-vous-avais-prévenus’. Je ne considère pas encore cela comme un testament politique, mais comme une invitation au sursaut : il nous dit que ce pourrait être notre dernière chance."

Reuters, relayé par yahoo

http://fr.news.yahoo.com/4/20091106... Version française Marc Delteil