mardi 25 août 2009

NON aux entreprises qui s’affranchissent du droit international et humanitaire.

publié le lundi 24 août 2009

Cécilia Joxe
Il est de la responsabilité des écologistes de venir en aide aux peuples des autres pays en luttant contre l’internationalisation sauvage des entreprises françaises qui dans leur recherche des marchés et du profit immédiat passent outre les droits sociaux et environnementaux les plus élémentaires.

Il est de la responsabilité des écologistes de venir en aide aux peuples des autres pays en luttant contre l’internationalisation sauvage des entreprises françaises qui dans leur recherche des marchés et du profit immédiat passent outre les droits sociaux et environnementaux les plus élémentaires. Quand il existe, le dispositif juridique au niveau national ou international qui régule le commerce et les investissements n’est pas toujours appliqué. À défaut d’un contrôle public ou d’instances capables de veiller à la conformité avec des règles éthiques et environnementales, les élus et les citoyens sont appelés à intervenir.

Cette veille citoyenne s’impose d’autant plus que le dogme du libre marché et la recherche de la rentabilité gagne la sphère des institutions publiques elles-mêmes.

Nicolas Sarkozy a pris très au sérieux son rôle d’ambassadeur économique direct, agissant sans tenir compte d’aucun principe éthique ou social, comme si la diplomatie et la politique internationale d’un pays comme la France se réduisaient à la conquête des marchés. Lors de tous ses voyages, les premiers invités à l’accompagner est toujours une importante délégation du MEDEF. La vente du nucléaire dévient le bras armée de sa diplomatie, avec des succès incontestables en Libye, en Syrie, dans les pays du Golfe. D’ailleurs, son gadget, « le secrétariat des droits de l’homme » du premier gouvernement, qui aurait pu servir à la cohérence éthique et juridique des engagements pris par la France, a disparu, essoufflé, au bout d’un an.

Le président français sait parfaitement assumer la politique du double discours. Le cas des relations économiques entre la France et Israël est un cas d’école : d’un côté le président se déclare favorable au respect du droit des palestiniens à un état conforme aux résolutions des Nations Unies, et de l’autre, il est un des partisans les plus farouches du « rehaussement » des relations UE-Israel, d’une cooperation bilatérale renforcée, et peu importe qu’elle contrevienne parfois au droit international.

Alors que la paix s’éloigne de plus en plus, que la colonisation de la Cisjordanie s’intensifie et que Gaza vit enfermée, après une guerre qui fit plus de 1.000 morts civiles, la France n’a pris aucune initiative sérieuse pour obliger Israël à cesser ces agissements et à négocier. Bien plus efficaces, en revanche, sont toutes les initiatives économiques et militaires que le gouvernement entreprend dans le renforcement de la relation d’affaires bilatérales.

Au cours des années 2 000 , les échanges militaires, économiques et scientifiques entre la France et Israël ont connu une forte expansion. De nombreuses institutions publiques et privées apportent de l’aide aux entreprises qui souhaitent s’installer en Israël et à celles qui veulent venir en France. Selon le Ministère des affaires étrangères, ces échanges ont quasiment doublé en dix ans. Les exportations vers Israël ont augmenté de 6,4% en 2007, le secteur de l’armement étant le plus prospère . La France est le 11e fournisseur d’Israël, tous secteurs confondus, mais elle devient le 4e pour le secteur de l’armement et le premier fournisseur d’armes de l’UE. Selon la Chambre de Commerce franco-israélienne, l’année 2008 a été une année très faste. En espace de six mois, Israël a vendu plus d’armes qu’au cours de toute l’année précédente. La capacité israélienne à tester ses armes dans des combats militaires réels - guerre au sud du Liban en 2007 où celle de Gaza en 2008 - est un atout commercial majeur lui a permis d’être le 4e exportateur mondial d’armes en même temps qu’il renouvelait très rapidement son arsenal et devenait le sixième importateur mondial d’armes.

En pleine expansion, la vente d’armes françaises à Israël ainsi que l’accord de cooperation technologique et militaire entre l’EADS et son équivalent israélien contribue au maintien voire à l’augmentation de la performance de Tsahal et aide Israël à conforter sa politique de grande puissance régionale. Théoriquement réglementé, le marché sur le commerce et le transfert de la haute technologie militaire illustre parfaitement le décalage existant entre les grandes déclarations de principe , le pragmatisme économique et les alliances politiques.

Dans d’autres secteurs industriels et commerciaux comme la construction d’infrastructures, le logement, l’énergie, et les finances, certaines groupes français aident à la mise en œuvre de la colonisation de la Cisjordanie avec la complicité directe ou indirecte de l’Etat Français.

Fort heureusement le mouvement de solidarité internationale et de veille citoyenne s’organise pour contrer les plus scandaleux de ces projets et faire connaître à l’opinion publique divers aspects peu connus de la mondialisation néo-libérale. La crise actuelle est riche d’enseignement sur cette question.

Trois exemples de mobilisations actuelles , dans trois secteurs différents, (les transports et les infrastructures, le secteur agricole, et la finance) permettent de mesurer l’importance de ce type d’action et de voir qu’il est possible d’obtenir certaines victoires.

l) Lutte contre l’implantation du tramway à Jérusalem.

Depuis trois ans, une forte campagne d’opinion s’est organisée à l’annonce de la construction d’un tramway à Jerusalem destiné à relier le centre ville aux colonies illégales implantées en territoire palestinien et, qui plus est, avec la participation de grands groupes français, Veolia, Alstom et Alstom transport, pour la construction et la gestion du tramway. Cette construction progresse sur un territoire acquis par une guerre et annexé et colonisé en partie en dehors de toute légalité ; elle viole non seulement la convention de Genève, qui oblige la puissance occupante en temps de guerre à protéger les populations civiles, mais aussi les résolutions du Conseil de sécurité qui se sont prononcées contre l’annexion des territoires palestiniens et la poursuite de la colonisation.

L’association France Palestine Solidarité (AFPS) appuyée par nombreuses autres associations et partis a voulu aller plus loin dans la dénonciation de ce projet et a assigné en justice les trois sociétés. En avril dernier, une première victoire a été obtenue. Le tribunal de Nanterre s’est déclaré compétent pour juger l’affaire et a rejeté l’argumentaire de procédure de la part des entreprises françaises qui mettaient en cause l’AFPS dans sa qualité de plaignant. Les entreprises ont fait appel de cette première décision et le jugement sur le fond interviendra dans quelques mois.

Selon des sources israéliennes, depuis la décision du tribunal de Nanterre, et le mouvement d’opinion international sur la question, Véolia cherche à vendre ses parts dans City Pass Israel , société chargée de l’exploitation de tramway et dans laquelle les entreprises françaises détiennent 25% des parts.

Dans d’autres pays européens comme en Suède et en Grande-Bretagne, la mobilisation contre le comportement des entreprises françaises a obtenu du succès et a mis à mal indirectement certains marchés de Véolia qui s’est vu refuser par exemple , la prolongation de concession de la gestion du métro de Stockholm qu’elle avait depuis 10 ans.

Une autre société, Egis Rail -spécialisée dans le transport urbain - domiciliée à Villeurbanne et filiale de la Caisse des Dépôts et Consignation est aussi engagée dans le projet du tramway. Elle a obtenu un contrat de plus de 11 millions d’euros en partenariat avec la société israélienne Jerusalem Transportation Master Plan pour la construction de trois lignes de transmission . Cette société reste très discrète sur ce marché et pour cause, elle a un statut public . Si cette information se confirme, il est temps d’interroger son propriétaire, l’état français qui ne pourra plus se retrancher derrière l’argument de son impossibilité d’intervenir auprès des entreprises privées.

Mobilisation contre l’implantation d’Agrexco sur le port de Sète.

Un deuxième projet qui fait partie de ce rapprochement économique France–Israel se déroule cette fois ci en France, dans la région Languedoc-Roussillon et par l’entremise du président tristement célèbre Georges Frèche. Il s’agit du contrat d’installation de l’entreprise israélienne Agrexco dans le port de Sète, annoncée par George Freche en pleine période de l’attaque israélienne contre Gaza en janvier dernier.

La société AGREXCO (contrôlée à 50% par l’Etat hébreu) commercialise surtout des fruits, des légumes et des fleurs provenant des colonies de la vallée du Jourdain. Il faut rappeler que les 7.000 colons implantés dans cette vallée ont chassé en 30 ans plus de 80% de la population palestinienne. Leur production agricole est fortement aidée par l’état et elle cherche des marchés extérieurs. Ainsi, selon le Directeur général d’Agrexco, le port de Sète recevra « 200 000 tonnes minimums de fruits et légumes et 22 000 conteneurs par an » et sera le lieu pour l’acheminement de ces produits vers d’autres pays européens.

L’implantation de cette société (contrôlée à 50% par le gouvernement israélien) soulève une forte protestation dans la région et de la part des élus Verts et d’autres partis de gauche de l’exécutif régional qui se désolidarisent de G.Freche et exigent que l’accord soit dénoncé. Nombreuses manifestations commencent à naître dans différentes villes du Languedoc-Roussillon et la pétition lancée devra prendre une ampleur nationale vue la nature de projet. Le choix d’AGREXCO est contraire à toute éthique et en contradiction avec la condamnation internationale de la colonisation des territoires palestiniens. De plus, il portera préjudice aux agriculteurs de la région par l’importation massive d’une production subventionnée et à des très bas prix. Malgré la présentation, qui est faite par G .Freche sur la création d’emplois qu’Agrexco va permettre alors que l’on sait seuls seront crées des emplois précaires et en faible nombre vu la modernisation engagée sur le port de Sète et la technologie des plateformes de réception des marchandises . Cette implantation conduira à la faillite certaine des maraîchers déjà très en difficulté et qui se battent contre les prix d’achat imposés par la grande distribution .(cf appel ci-dessous). La mobilisation citoyenne doit continuer pour que l’action des entreprises et les politiques publiques et régionales quand elles s’affranchissent du droit ne restent pas dans l’impunité la plus totale.

Dexia, banque franco-belge prête de l’argent pour la construction de logements des colons.

Un troisième exemple sur la recherche du profit à n’importe quel pris est celui de la banque DEXIA dont une filiale Israélienne est impliquée dans la colonisation des terres palestiniennes par les prêts qu’elle accorde depuis 2003 aux municipalités pour la construction de logements des colons dans la partie Est de Jerusalem.

Plus grave encore, cette banque vient de recevoir des milliers d’euros suite à la crise de la part des gouvernements français , belge et luxembourgeois sans qu’aucune contrepartie sous forme de contrôle sur l’orientation de ses investissements soit mise dans la balance. Même la Cour de comptes, chargée de gérer au mieux l’argent public , demande au gouvernement qu’il assume un rôle « de gouvernance » qui lui revient dans les choix de Dia en raison de l’ampleur de l’aide qui lui est accordée.

L’’importante campagne « Israël colonise, Dexia finance »menée par que les ONG belges a obligé déjà un responsable du groupe à confirmer qu’effectivement DEXIA a financé des logements des colons entre 2002 et 2007 et a ajouté qu’elle cesserait de le faire, et que peut- être sa filiale « Dexia Israel » allait être vendue . En France pour le moment, le mouvement d’alerte pour la moralisation du secteur financier n’a pas l’ampleur qu’il connaît dans d’autres pays. C’est de la responsabilité des verts et des écologistes d’engager ces batailles .

L’expansionnisme des grands groupes pourraient être un moyen de pression.

Hormis le projet du tramway , Véolia est très active en Israël, elle est responsable de la centrale de traitement des eaux salées d’Askelon, réalisation exemplaire par les moyens mis en place, la technologie de pointe utilisée et le prix de revient très compétitif dans le traitement de l’eau. Seuls les Israéliens profitent de cette réalisation, alors que Gaza à quelques kilomètres d’Askelon connaît une grave pénurie en eau potable ,un tiers de son territoire n’est pas connecté au réseau d’eau et, sur un territoire surpeuplé, les infrastructures sont insuffisantes pour traiter les 50 millions de litres d’eaux polluées déversées sur ses côtes. Dans cette guerre de l’eau qu’Israël mène contre les populations civiles palestiniennes, le gouvernement français, qui demande la fin du blocus , ne fait aucune pression sur les entreprises françaises qui sont maîtres d’œuvre sur place et pourraient intervenir pour une repartition équitable de ce bien public qui est l’eau.

Véolia est aussi sur les rangs pour participer à l’appel d’offre sur le faramineux projet de construction d’un canal de 200 km de long qui reliera la mer Morte et la mer Rouge et permettra de lutter contre l’assèchement de la mer Morte. L’eau extraite de la mer Rouge reviendrait pour moitié à la mer Morte et le reste serait désalinisé pour la consommation.

Ce projet dont l’objectif est louable et qui en outre est « vendu » comme une initiative conjointe entre israéliens, jordaniens et l’autorité palestinienne, ne semble pas envisager l’acheminement de l’eau au profit des villages palestiniens de Cisjordanie, confrontés à la à l’épuisement des ressources acquifères par l’agriculture intensive des colons.

Le gouvernement français suit de très près le déroulement du projet de construction de ce canal pour aider les entreprises à se placer . Le 14 janvier 2009 , en pleine attaque israélienne à Gaza , le bon soldat sarkozyste, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie à l’époque, s’est réuni avec les principaux dirigeants français de l’industrie de l’eau (Véolia, Suez eau, et la Saur) et ses homologues israéliens sous les auspices de l’ambassade israélienne à Paris, pour trouver des modes de cooperation. Dès son voyage en Israel en 2008 NKM s’était déjà montrée très intéressée par le projet du canal sans s’interroger sur les conséquences environnementales qu’il entraîne malgré la pression de certains groupes écologistes sur place. Pour les Amis de la terre au Moyen Orient, ce projet s’avère une catastrophe écologique extrêmement coûteuse . Selon Guidéon Bromberg, directeur israélien de l’association : « Les seules bénéficiaires seraient les grandes entreprises construisant le canal, l’usine de désalinisation et la centrale électrique Des propositions alternatives et préalables sont mises sur la table et préconisent de tenir compte du besoin d’eau des populations locales, de réviser la politique de subvention d’eau à l’agriculture intensive des colonies qui dessèche et épuise les nappes phréatiques, d’engager la modernisation des infrastructures autour du Jourdain qui laissent aujourd’hui perdre 50% des ressources et de construire d’autres usines de désalinisation. Que ce soient les israéliens ou les français les dirigeants restent pour le moment sourds à ces pressions.

La Banque Mondiale, qui ne se caractérise pas par une grande prévoyance écologique ni par l’éthique sociale ou politique de ses choix, a déjà donné son accord pour le financement des études préalables et du programme pilote d’une réalisation dont le coût s’élevera a plus de 5 milliards de dollars .

La Compagnie nationale du Rhône est aussi sur les rangs pour enlever quelques uns des contrats prévus pour cette réalisation et dès 2007, elle a fait partie de la délégation des industriels qui a accompagné le maire de Lyon, Gérard Colomb, en Israël à la recherche de marchés pour l’industrie de la région.

Notre solidarité internationale doit passer par une vigilance accrue sur toutes ces initiatives et une mobilisation pour dénoncer l’exportation des biens et des capitaux lorsqu’ils s’affranchissent du droit international et des règles de conduite édictées par l’UE en matière de droits humains, sociaux et environnementaux.

Cecilia Joxe

Article paru dans le bulletin des verts "Planète Verte"