lundi 3 novembre 2014

Gaza : Comment la Résistance fabrique ses roquettes avec l’aide de l’Iran, de la Syrie et du Hezbollah

La nécessité est la mère des inventions. La Résistance a déployé récemment les moyens de défense les plus spectaculaires de toute sa lutte contre Israël.

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Des combattants du Jihad islamique palestinien disposent des fusées Al Quds, lors des préparatifs pour les tirer en direction d’Israël, lors de l’offensive israélienne de l’hiver 2008-2009
De fait, on peut dire sans exagérer que Gaza, et derrière Gaza, l’Iran, la Syrie et le Hezbollah, avaient anticipé le jour où les frontières et la mer qui bordent Gaza seraient scellées. Aujourd’hui, l’Égypte et Israël accroissent leur coopération pour empêcher la Résistance d’accéder à la mer et, au sud, leurs armées travaillent à créer une zone tampon et même des douves, dans l’espoir de mettre fin à la contrebande de roquettes du désert iranien vers la Méditerranée.
« Levez les pieds et vous nous trouverez, comme toujours et pour toujours, dessous, à votre service, » a déclaré Abu Ali, un commandant des Gardes Révolutionnaires Iraniens, dans un arabique approximatif, à un combattant de la résistance de Gaza qui participait à une session d’entraînement en Iran en 2012. C’était en réponse aux reproches faits à l’Iran de ne pas avoir transféré à Gaza la technologie nécessaire à la fabrication des roquettes avant l’assaut israélien de 2008. Abu Jihad, le combattant de Gaza, avait demandé à son instructeur : « Où étiez-vous pendant la première attaque israélienne (Opération Plomb Fondu) ? »
Avant 2012, quand les combattants de la résistance de Gaza avaient l’habitude de passer par la Syrie quand ils devaient voyager, les autorités de Damas leur avaient fourni des laissez-passer.
Des voitures les attendaient sur le tarmac de l’aéroport pour les conduire à leurs factions respectives. Selon un éminent leader Palestinien : « Si leur correspondance était à la même heure, ils pouvaient changer d’avion sans passer par le contrôle des passeports et des visas. »
A Téhéran, les combattants de la résistance ont bénéficié de sessions d’entraînement intensives. Les nombreux mois qu’ils ont passé là leur ont permis d’acquérir des compétences inestimables, depuis l’application concrète des théories jusqu’à l’expérimentation d’armes et de tactiques dans un environnement qui reproduisait celui de Gaza. Par exemple, des hélicoptères iraniens HESA les emmenaient sur les sites où étaient tombés les roquettes pour qu’ils puissent se rendre compte par eux-mêmes de leur précision et de leur efficacité, selon Abu Jihad.
Les combattants de la résistance ont fait profiter Gaza de leur expérience en participant à la fabrication et au perfectionnement des roquettes et en indiquant comment les positionner et les camoufler pour qu’Israël ne puisse pas les détecter du ciel ou du sol. Mais l’entraînement n’a pas été dispensé seulement par l’Iran, des combattants sont aussi allés s’entraîner en Syrie. Il y a eu quelques incidents regrettables, comme la fois où, pendant un entraînement au tir de roquettes dans le désert syrien, une roquette est tombée près d’un dortoir, blessant plusieurs soldats.
A la fin de 2001, les Brigades al-Qassam, l’aile militaire du Mouvement de la Résistance Islamique du Hamas, se sont mises à fabriquer elles-même leurs roquettes pour la première fois. A l’époque, les roquettes n’avaient qu’une portée de 15 km et, assez souvent, les roquettes tombaient à côté de l’endroit d’où on les avaient envoyées ou même explosaient avant leur lancement. Ces roquettes ciblaient la colonie de Sderot qui se trouve à 4 kilomètres de la frontière orientale de la bande de Gaza.
A cette époque, les combattants de la résistance ne savaient pas encore bien fabriquer des armes, sans parler de la difficulté à se procurer les matières premières indispensables. Mais à partir de 2005, suite au retrait de l’ennemi israélien du Corridor Philadelphie (*), la résistance a pu respirer un peu. La frontière sud avec l’Égypte était maintenant ouverte aux combattants de la résistance, ce qui a facilité la contrebande d’armes et de matières premières par les tunnels. De 2005 à 2012, l’Iran et le Hezbollah ont fait de leur mieux pour aider la résistance palestinienne a améliorer la portée des roquettes. Une nouvelle étape a été franchie quand les combattants de Gaza sont allés en masse au Liban et, avec l’aide de la résistance libanaise, ont réussi à faire entrer davantage d’armes et d’équipement militaire.
On pense communément que les bateaux réussissaient à se faufiler en secret jusqu’à la côte de Gaza mais c’est une erreur. En réalité, les armes étaient larguées en mer très loin de la côte. Les courants les maintenaient au large et des plongeurs venaient les récupérer la nuit. Une autre route de contrebande importante passait par le Soudan, l’Égypte, le Sinaï, et arrivait à Gaza par les tunnels, selon un éminent officiel du Hamas.
Plus tard, les Iraniens se sont rendu compte que le principal obstacle logistique que rencontrait la résistance pour faire entrer des armes en contrebande était la difficulté de faire passer des grosses roquettes par les tunnels. Et donc, les Gardes Révolutionnaires Iraniens ont fabriqué des roquettes démontables.
Les première roquettes Fajr-5 sont arrivées à Gaza en 2011 et ont été utilisées pour la première fois lors de l’Opération Colonne de Nuée en 2012 au cours de laquelle la résistance palestinienne a réussi à bombarder Tel Aviv pour la première fois. A l’époque, Israël avait accusé les Gardes Révolutionnaires Iraniens de fournir des roquettes à la résistance. Le commandant des Gardes Révolutionnaires Iraniens, Mohammad Ali Jafari, avait répondu en confirmant le transfert de roquettes Fajr à la résistance et avait ajouté qu’il avait l’intention de lui fournir aussi d’autres systèmes de roquettes.
Les roquettes Fajr font partie des armes qui ont eu un fort impact sur le travail de la résistance. Mais il y avait une limite à la quantité de ces roquettes que la résistance pouvait faire entrer en contrebande. Selon Abu Jihad, les dirigeants des Gardes Révolutionnaires Iraniens préposés à l’entraînement, étaient conscients que, à la difficulté de faire entrer de grandes quantités d’armes en contrebande pouvait s’ajouter une détérioration de la sécurité et un renforcement du blocus qui rendraient la contrebande tout à fait impossible. Selon Abu Jihad les Iraniens se sont documentés sur les matières premières disponibles à Gaza ou dans son voisinage, et ensuite les entraîneurs ont créé des sessions spéciales d’entraînement à la fabrication des roquettes. Comme dit Abu Jihad : « Et donc nous avons fabriqué nous-mêmes des roquettes en Iran, avec des matériaux similaires à ceux qu’on pouvait trouver à Gaza, et nous avons testé leur efficacité ».
« L’âge d’or » d’Hosni Moubarak
Selon des sources fiables du djihad Islamique la majorité des armes que Gaza a utilisées dans les batailles de 2012 et 2014 étaient arrivées pendant le mandat d’Hosni Moubarak, notamment à partir de 2011. Les sources affirment que pendant cette période les autorités égyptiennes ont fermé les yeux sur la contrebande dans le Sinaï, qui s’est faite avec l’aide des tribus en échange de fortes sommes d’argent.
Un officiel du Hamas a expliqué que la résistance se mettait d’accord avec les officiers égyptiens sur un certain nombre de jours pendant lesquels les combattants de la résistance pouvaient faire entrer des armes à Gaza sans problème. Puis sous le président Mohammed Morsi, pendant le mandat duquel a eu lieu l’attaque de 8 jours (Colonne de Nuée) où le système de roquettes Fajr a été déployé pour la première fois, la résistance a accumulé un grand nombre de roquettes et d’armes de toutes sortes. Cependant, selon les sources palestiniennes, la contrebande d’armes était plus difficile sous Morsi que sous Moubarak, mais par contre il était plus facile aux combattants de passer par l’Égypte pour aller s’entraîner hors de Gaza. On a même dit que le président déchu fournissait des laissez-passer à certains Gazaouis pour qu’ils ne soient pas harcelés par les services de sécurité à leur sortie de Gaza.
Après la guerre de 2012, l’ennemi a découvert les routes de contrebande de Gaza et a pris pour cible les convois d’armes et les caches de roquettes. Vers la fin de 2012, les forces aériennes israéliennes ont bombardé un convoi d’armes au Soudan en disant qu’il était destiné à Gaza. C’est à ce moment-là que les Iraniens ont réalisé qu’il fallait mieux aider les Palestiniens à fabriquer leurs roquettes sur place plutôt que de les faire rentrer clandestinement.
Alors Téhéran s’est entendu avec le Hezbollah pour apprendre aux Gazaouis à mettre en place des ateliers de fabrication de roquettes, comme l’a dit un leader. L’opération Bordures Protectrices de 2014 a démontré la grande qualité de l’entraînement iranien. L’expression « fabrication locale » est revenue fréquemment dans les déclarations de la résistance pendant l’attaque israélienne.
Les Iraniens n’ont pas nié que les roquettes tirées par la résistance étaient de fabrication locale. Amir Abdul-Lahian, le vice-ministre des Affaires Étrangères iranien, a reconnu que les Gardes Révolutionnaires Iraniens avaient transmis la technologie de fabrication des roquettes aux Palestiniens.
En ce qui concerne les drones, selon des sources du Djihad Islamique l’Iran a livré trois drones Ababil UAV aux Brigades Qassam pour des missions spécifiques mais ces drones ont été abattus, comme cela a été annoncé.
D’une manière générale, dans la dernière attaque, le grand nombre de roquettes de fabrication locale disponibles (comme les Qassam et les M75), a permis de soutenir une rythme de tirs de roquettes régulier jusqu’au dernier jour de l’assaut, pendant que les Brigades Quds bombardaient Tel Aviv et d’autres villes avec des roquettes Buraq 70 et Buraq 100.
Il est clair que la conception et la propulsion au fuel des deux types de roquettes ont la même origine. Au départ, il y a eu un débat entre les leaders de la résistance (libanaise, palestinienne et iranienne) sur la nature des roquettes de fabrication locale et il a été décidé que ces roquettes porteraient une petite tête explosive car elles devaient avoir une grande portée, à la fois pour des raisons de tactique militaire et des considérations politiques.
Des personnalités importantes de la résistance palestinienne ont mentionné la différence de coût entre les roquettes fabriquées localement et celles qu’on acheminait clandestinement d’Iran. Selon eux, « Les roquettes de fabrication locale sont presque aussi puissantes que les roquettes de contrebande et elles coûtent moins cher. Le coût d’une roquette comme celles qui ont été tirées sur Tel Aviv ne dépasse pas 5 000 dollars, tandis qu’une roquette de contrebande peut coûter jusqu’à 15 000 dollars. » En ce qui concerne les roquettes de petite portée, le coût d’une roquette de contrebande de type 107 par exemple, s’élève à environ 800 dollars, alors que la même roquette fabriquée localement revient seulement à 110 dollars.
Pendant la dernière attaque israélienne, la résistance palestinienne continuait à fabriquer des roquettes et le principal problème était de les transporter ensuite des ateliers jusqu’aux plateformes de lancement. Selon des sources dans la Résistance de Gaza : « La plupart des combattants ne savent pas où se trouvent des ateliers de fabrication des roquettes. Certaines factions vont jusqu’à faire en sorte que même ceux qui travaillent dans les ateliers ignorent la location de leur lieu de travail. »
Malgré la fabrication locale de roquettes, la contrebande n’a pas complètement cessé. Ce que la résistance parvient à acheminer clandestinement, que ce soit à travers le désert du Sinaï ou par mer, reste généralement secret. Selon des sources du Djihad Islamique, à l’heure actuelle, « c’est la fabrication locale qui prime car on peut se procurer d’excellentes matières premières à des prix raisonnables sur les marchés. »
On peut être sûrs que l’Iran, le Hezbollah et même la Syrie analysent soigneusement la dernière attaque israélienne pour en déduire ce qu’il convient de faire, sans compter que les branches armées de la Résistance ont vu l’argent affluer à la suite de la dernière attaque israélienne.
Note :
* Zone de trafics située, vu du Caire, aux confins d’un Sinaï où les troupes égyptiennes ne sont pas les bienvenues, le « corridor Philadelphie » fait l’objet d’une attention très soutenue de la part d’Israël et des États-Unis, avant la guerre de décembre 2008-janvier 2009 et depuis. Le blocus côté israélien ... fait de cette frontière un enjeu stratégique. 
http://israelpalestine.blog.lemonde... (Voir aussi la carte)
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction : Info-Palestine.eu - Dominique Muselet