vendredi 22 août 2014

Malgré la politique américaine, les Amérindiens défendent les Palestiniens…

À Gaza et dans les médias, les jours se suivent et se ressemblent. Mornes, tristes, mortifères et désespérants. L’auteur de ces lignes revient d’un long périple en ex-Yougoslavie. Des belligérants de cette guerre civile ayant ensanglanté les Balkans à la fin du siècle dernier, j’ai entendu les doléances respectives. Certes, les Serbes orthodoxes ont causé plus de dégâts que les autres factions en présence ; logique : l’armée yougoslave était composée à plus de 70 % de Serbes orthodoxes, tandis que les Croates catholiques combattaient, coude à coude, avec leurs alliés Bosniaques musulmans, juste avant qu’une alliance de fortune, unissant orthodoxes et catholiques, ait décidé de dépecer la Bosnie musulmane. Ce retournement fut opérant à Mostar, ville dont le fameux pont – reconstruit depuis –, a été détruit par les catholiques. À Sarajevo, en revanche, là où durant un siège ayant duré plus de trois ans, catholiques, musulmans, ortodoxes, juifs et tziganes, tinrent bon leurs positions. Ils ne se battaient pas pour telle ou telle confession ; juste pour défendre femmes et enfants, maisons ayant vu naître leurs ancêtres et ville naguère modèle de pacifique coexistence religieuse. Au début, privés d’armes, ils se sont défendus, avec des couteaux, les autres avec des pistolets antiques remontant à la Première guerre mondiale. Le retournement d’alliance plus haut évoqué n’eut guère d’influence sur la cohésion de cette ville pas tout à fait comme les autres. Aujourd’hui, il y a moins de chrétiens à Sarajevo qu’autrefois, mais toujours assez pour que les cloches des églises viennent sonner entre deux appels de muezzins.
À Gaza, le phénomène se répète, telle la réplique d’un tremblement de terre : ville assiégée et privée de tout ; toutes confessions confondues, une fois de plus, sachant qu’une bombe israélienne ne fait pas de différence entre un enfant chrétien et un nourrisson musulman. Construction de tunnels permettant de faire passer l’essentiel : nourriture pour survivre et armes pour se défendre… après, les violences… Insupportable aux yeux d’observateurs “occidentaux” pour lesquels “droits de l’homme” et “démocratie” font figure de religion ultime, à répandre de gré ou de force sur notre vaste monde : sorte d’EIIL à l’occidentale…  Comme quoi il puisse arriver que diverses tyrannies religieuses à prétentions eschatologiques puissent entretenir d’étroits et consanguins cousinages.
D’autres assiégés, d’autres victimes de cette même idéologie viennent de voler, de manière inattendue mais finalement assez logique, au secours des martyrs de Gaza : les Indiens des USA. Comparaison n’est certes pas raison, mais comment de pas comprendre que ces Amérindiens soient de plus en plus nombreux à ressentir de l’empathie pour le peuple palestinien et à établir un parallèle troublant entre ce qui est arrivé aux peuples natifs d’Amérique du Nord et aux Palestiniens du Levant.
Ainsi, l’Association des études des peuples indigènes américains s’est rendue célèbre en décembre 2013 pour avoir été un des trois groupes académiques d’Amérique du Nord à soutenir la campagne palestinienne pour un boycott académique et culturel d’Israël.
En janvier 2013, le Jérusalem Post a publié un article intitulé : « Les Amérindiens se retournent-ils contre Israël ? »À la base de cet article, cette simple anecdote : « Joy Harjo, la diva poétesse et musicienne appartenant à la nation MuscogeeCreek, avait suscité une « tempête de protestation en annonçant sur Facebook qu’elle partait se produire en Israël. »Mais l’article qui explique le mieux l’ampleur de ce front inattendu demeure celui de Gyasi Ross, autre leader historique des premiers habitants de l’Amérique, en ces termes intitulé : “Pourquoi moi, un Amérindien, je soutiens le peuple palestinien. »
Ainsi : « En tant que membre du peuple autochtone de ce pays, je suis arrivé à la conclusion que je dois soutenir les Palestiniens et leur lutte pour un état palestinien autonome. Même si beaucoup pensent que ce qui relie les Indiens américains et les Palestiniens est le fait d’être des “peuples autochtones déplacés,” ce n’est pas la raison pour laquelle je me sens proche des Palestiniens. Ce qui suscite chez moi un sentiment de fraternité pour mes frères et sœurs de Gaza et de Cisjordanie, c’est un sentiment beaucoup plus primaire et viscéral : la peur ; une peur qui vient de la prise de conscience que ce qui arrive à un groupe d’opprimés va inévitablement arriver à d’autres. (…) Les peuples indigènes, comme d’autres groupes opprimés dans le monde sans distinction de race ou de religion, ont grandement intérêt à tirer les leçons des atrocités génocidaires commises par le gouvernement d’Amérique du Nord contre les peuples natifs d’Amérique. Tous ceux qui défendent l’humanité doivent aussi œuvrer à empêcher ces mêmes atrocités de se reproduire ailleurs, à une autre époque, contre d’autres peuples, et dans le cas présent contre les Palestiniens. »
Gyasi Ross n’est ni chrétien ni musulman. C’est un adepte des religions naturelles, religions ayant précédé celles des Révélations, mais qu’il convient aussi de préserver, tel un trésor, puisque nous en disant beaucoup sur ce que nous fûmes, avant de rejoindre la foi d’Abraham.
Et le meilleur pour la fin :
« Les Palestiniens, comme les Amérindiens sont prisonniers sur leur propre terre. Eux non plus n’ont nulle part où aller, personne ne veut les accueillir. Le Liban, la Syrie et l’Egypte se sont tous montrés insensibles aux épreuves des Palestiniens et ils les ont utilisés comme des pions contre Israël. Les Palestiniens, comme les Amérindiens, n’ont d’autre alternative que de continuer à être une épine dans le pied de ces gouvernements à la fois apathiques et oppressifs qui sont arrivés au pouvoir par tous les moyens. »
Dans le même temps, l’Occident ayant perdu ce qui lui demeurait d’honneur dans cette affaire, il fallait bien que la fierté de la France puisse être un brin sauvé. Ce qui fut fait par la bouche de Dominique de Villepin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac et surtout, ministre français des Affaires étrangères qui, en 2003, sut dire « Non » aux USA, à l’approche de la Seconde guerre du Golfe : « Par soumission à la voix du plus fort, la voix de la France s’est tue, celle qui faisait parler le général de Gaulle au lendemain de la guerre des Six jours, celle qui faisait parler Jacques Chirac après la deuxième Intifada. Comment comprendre aujourd’hui que la France appelle à la “retenue” quand on tue des enfants en connaissance de cause ? Comment comprendre que la première réaction de la France, par la voix de son président, soit celle du soutien sans réserve à la politique de sécurité d’Israël ? Oui, il y a une terreur en Palestine et en Cisjordanie, une terreur organisée et méthodique appliquée par les forces armées israéliennes, comme en ont témoigné de nombreux officiers et soldats israéliens écœurés par le rôle qu’on leur a fait jouer.»
Ite Missa Est, comme disent nos frères catholiques. Sitting Bull et Yasser Arafat ne sont plus ; leur esprit demeure, nonobstant, alliance du Sioux et du Palestinien. Alternative au Moloch des temps modernes ? Pourquoi pas…