vendredi 22 août 2014

La guerre égyptienne contre la résistance palestinienne, vue par les sionistes

Les dirigeants sionistes sont un peu débordés par les « surprises » du régime égyptien, lequel est particulièrement axé sur un comportement agressif envers la résistance palestinienne et sur un parti pris flagrant en faveur du camp sioniste.
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Combattant des Brigades Abdel Qader al-Husseini, proches du Fatah - Photo : Al-Akhbar
Ceux qui suivent les affaires et les débats internes sionistes constateraient que le niveau et l’étendue de la dépendance israélienne vis-à-vis de l’Égypte sous le régime d’Al-Sisi est plus imposante que durant l’ère Moubarak, présenté par l’ancien Ministre israélien de la Défense, Benyamin Ben-Eliezer comme le « trésor stratégique » d’Israël.
Le Général Amos Gilad, chef du bureau de la politique de défense du Ministère israélien de la Défense s’est exprimé au sujet de la nature de la position égyptienne quant à la résistance Palestinienne et Israël et a indiqué : « Il ne s’agit pas uniquement des intérêts communs qui nous unissent avec l’Égypte concernant le besoin d’éliminer le Hamas, mais également des motifs qui incitent la partie égyptienne à atteindre cet objectif et qui sont plus profonds et plus complexes que les raisons qui nous motivent. » (La Chaîne 10 Israélienne, le 25 juillet 2014)
La Ministre de la Justice, Tzipi Livni est même allée jusqu’à dire : « Il y a un accord entre les Égyptiens et nous pour étrangler le Hamas, et nous avons convenu que ce sera le résultat de toute négociation au sujet d’un cessez-le-feu permanent entre Israël et la Bande de Gaza. » (La Chaîne 2 israélienne, le 7 août 2014)
Drainer le Hamas
Les journalistes sionistes se sont plus à décrire les tentatives égyptiennes pour soumettre la résistance palestinienne au chantage et la pousser à faire des concessions à la partie sioniste sans rien obtenir en retour. En effet, les dirigeants sionistes s’accordent pour dire que le régime égyptien se moque complètement de la réussite de la résistance et ce, à la suite de sa fermeté et de sa détermination durant la guerre.
Le Général Yisrael Hasson qui a auparavant occupé le poste de directeur adjoint du Shin Bet, le service de sécurité intérieure israélien, et qui est connu pour avoir entretenu des liens étroits avec l’appareil de sécurité égyptien, a déclaré : « Israël est conscient de la nécessité de soulager la pression sur les Palestiniens dans la Bande de Gaza et d’améliorer leur situation économique dans le but de réduire la volonté des jeunes Palestiniens à rejoindre les organisations terroristes,. Néanmoins, cette approche n’est pas du goût des Égyptiens qui semblent être plus stricts à cet égard. » (Radio Israélienne, le 28 juillet 2014)
Un journaliste militaire du quotidien Yedioth Ahronoth a comparé la salle des négociations sur le cessez-le-feu à une « piste de cirque » où l’Égypte emploie tous les moyens possibles pour « mettre au pas » le Hamas.
Dans un article publié par le quotidien en date du 9 août 2014, Fisherman a écrit : « Alors que ce sont les Égyptiens qui ont torturé le Hamas lors de la réunion du Caire, et ont refusé tout net toutes ses revendications, le Hamas n’osera jamais insulter le meneur de la piste de cirque [Al-Sisi] et par conséquent, il tire sur Israël. »
Tous les journalistes sionistes sont d’accord sur le fait que le rôle des négociations, telles que perçues par les Égyptiens, est de faire plier le Hamas et de l’obliger à accepter un cessez-le-feu avec le moins de retours possibles. Amnon Abramovich, le journaliste chevronné de la Chaîne 2 israélienne a dit : « Au début de la guerre, l’Égypte a refusé d’intervenir car les décideurs au Caire croyaient que l’armée israélienne était capable d’éliminer seule le Hamas. Toutefois, en voyant leurs espoirs réduits à néant, ils sont intervenus pour priver le Hamas de la possibilité d’offrir au peuple Palestinien le moindre succès. » (Le 6 juillet 2014)
Prolonger la guerre
En dépit du rôle égyptien dans le soutien à Tel Aviv, un certain nombre de journalistes sionistes ont critiqué ce rôle en arguant qu’il ne contribue pas à la réalisation de l’objectif de guerre annoncé par le Premier Ministre Israélien Benyamin Netanyahu, c’est-à-dire rétablir le calme et la sérénité pour l’ensemble des colons.
Un certain nombre de journalistes sionistes ont noté que la pression que l’Égypte exerce sur le Hamas n’a pas encore conduit au résultat escompté et n’a fait qu’augmenter la souffrance des colons, notamment ceux du sud d’Israël. A ce titre, la journaliste Keren Neubach s’est impulsivement interrogée : « Nous voulons enterrer la hache de guerre et Al-Sisi veut la conserver ; qu’avons-nous à gagner de tout cela ? »
Lors de la diffusion de son émission quotidienne « Seder Hayom » sur les ondes de la Radio israélienne en date du 5 août 2014, Neubach a affiché sa position quant au comportement de l’Égypte en estimant que les intérêts d’Israël reposent sur un cessez-le-feu qui permettra aux habitants des colonies du sud de retourner chez eux.
Dans la même optique, et afin de définir la réalité sur la position égyptienne qui tend à empêcher un cessez-le-feu, le correspondant des Affaires étrangères à la Chaîne 10, Nadav Eyal a estimé que toute partie soucieuse de l’aboutissement d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas doit mettre la pression sur l’Égypte pour imposer cet objectif.
Pour sa part, le correspondant de la Radio israélienne pour les Affaires palestiniennes, Gal Berger a souligné, dans une tentative de dépeindre l’importance du rôle égyptien la pression exercée sur le Hamas et la quête des responsables égyptiens d’empêcher le Hamas de réaliser ses objectifs : « Dans la salle des négociations avec le Hamas, l’Égypte n’a pas brandi le bâton ; elle tient un canon et exerce toutes les pressions imaginables sur le Hamas afin de l’obliger à accepter un cessez-le-feu sans rien obtenir en retour. »
Dans son analyse présentée le 6 août 2014 au matin, Berger a indiqué que le fait que la partie égyptienne insiste pour qu’il n’y ait pas de discussion autour de la question du passage de Rafah, d’une part, et d’autre part son refus catégorique de toute discussion sur la demande du Hamas pour l’établissement d’un port et d’un aéroport à Gaza, vise essentiellement à réduire la marge de manœuvre du mouvement pendant qu’Israël continue de mener des attaques contre la Bande de Gaza.
Le journaliste politique de la Chaîne 2 israélienne, Audi Siegel a expliqué que les « mécanismes » de négociation égyptiens employés avec le Hamas visent à duper le Hamas, et a indiqué que la partie égyptienne est en train de présenter des « formules vagues » pour permettre à Israël de ne pas en tenir compte dans l’avenir.
Lors de son apparition dans l’émission « Friday Studio » le 7 août 2014, Siegel a souligné que les représentants du service de renseignement égyptien tenaient à « réprimander » les représentants du Hamas pour avoir « osé » rejeter l’initiative égyptienne, et à les tenir responsables pour le carnage et l’effusion de sang palestinien durant l’attaque Israélienne sur Gaza.
Et justement, pour mieux incarner la dépendance sioniste à l’égard du soi-disant « axe de modération arabe, » il suffit de se rappeler de la déclaration de la Ministre israélienne Tzipi Livni qui répète constamment depuis le lancement de la guerre : « Quand je dis ’nous’, j’entends par là Israël, l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et l’Autorité Palestinienne. » Il est donc clair que le plan de Livni visant à changer la réalité politique dans la Bande de Gaza, tel qu’il a été annoncé la semaine dernière, repose essentiellement sur le rôle majeur joué par l’axe arabe « modéré » qui non seulement se débarrassera du régime du Hamas à Gaza, mais ouvrira aussi la voie devant un retour de l’Autorité Palestinienne dans le territoire assiégé.
Le Général Amos Yadlin, ancien responsable du renseignement militaire israélien (AMAN), va même jusqu’à dire qu’Israël peut compter sur le soutien officiel arabe et doit poursuivre la guerre jusqu’au renversement du gouvernement Hamas dans la Bande de Gaza.
Lors de son apparition dans l’émission diffusée le 7 août 2014 sur la Chaîne 10 israélienne, Yadlin a rejeté les prévisions formulées par l’état-major de l’armée israélienne sur la base desquelles le gouvernement Netanyahu a décidé de ne pas réoccuper la Bande de Gaza, ni renverser le Hamas. Yadlin a estimé que les changements du climat régional donnent à Israël une grande marge de manœuvre qui pourrait être employée pour épuiser toutes les options militaires face à la résistance dans la Bande de Gaza.
Même le Ministre Israélien des Affaires Etrangères, Avigdor Lieberman, qui a récemment déclaré qu’il en avait assez des réunions secrètes tenues par des hauts responsables dans des pays qui n’entretiennent pas de relations diplomatiques avec Israël, a estimé que « les points communs » entre son pays et les pays arabes « modérés » fournissent une plateforme solide pour éliminer le Hamas.
Selon la logique de Lieberman, les États Arabes sunnites considèrent que les Frères Musulmans représentent une menace pour leurs systèmes de gouvernement et, par conséquent, la Fraternité a été déclarée organisation « terroriste » et toutes ses activités ont été interdites.
Lieberman croit également qu’il s’agit là de la raison qui explique le silence Arabe qui encourage l’élimination par Israël du Hamas, considéré comme une branche des Frères Musulmans.
S’agissant de l’ancien Ministre de la Défense, Shaul Mofaz, il continue de promouvoir son plan de désarmement de la résistance dans la Bande de Gaza, en coopération avec les régimes arabes, l’Égypte à leur tête.
Lors de son interview accordée le 3 août 2014 à la Radio de l’Armée israélienne, Mofaz a déclaré : « L’objectif que la guerre n’a pas permis d’atteindre, doit être recherché au moyen d’une action diplomatique. Les changements survenus dans le monde arabe sont bénéfiques pour nous car ils consolident notre alliance avec les modérés, notamment avec l’Égypte, la Jordanie et les États du Golfe, surtout que nous avons l’intérêt commun d’éliminer l’Islam sunnite radical. »
En bref, Israël a mené sa guerre contre la Bande de Gaza à la lumière des conditions régionales idéales, et cela met l’accent sur la détermination et le courage de la résistance palestinienne à faire échouer l’alliance, encouragée par une contre-révolution dans le monde arabe, entre les sionistes et certains régimes arabes.
La réussite de la résistance palestinienne à contrecarrer et à déjouer les objectifs de la guerre pourrait constituer un point tournant significatif dans la chute de la contre-révolution et ouvrir la voie à sa totale défaite.
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