samedi 19 juillet 2014

Gaza la résistante ne sera jamais défaite

Ramzy Baroud
Quand les dirigeants israéliens passés et présents parlent de cibler « l’infrastructure terroriste » de Gaza, ils parlent en réalité d’une population qui a toujours résisté et soutenu la résistance. Contrairement aux constructions faites de briques et de mortier, l’esprit de résistance de ces Palestiniens ne pourra jamais être écrasé.
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Peinture murale dans Gaza, à l’occasion de la commémoration de l’expulsion des Palestiniens de leurs terres en 1948 (Nakba)
Le mouvement de résistance dans la bande de Gaza est souvent déformé, parfois intentionnellement et à d’autres moments non. Dans la bataille de l’information qui a commencé depuis qu’Israël a déclenché sa dernière guerre, l’opération dite mur de protection, de nombreux faits et éléments du contexte sont passés à la trappe.
Historiquement, la bande de Gaza a été la plaque tournante d’une résistance populaire ininterrompue depuis le nettoyage ethnique de la Palestine, aux mains des milices sionistes en 1947-48 et plus tard de l’armée israélienne d’occupation. On estime que 200 000 sur les 800 000 réfugiés de Palestine y ont été littéralement parqués, dans les conditions les plus sordides et humiliantes.
Malgré le choc de la guerre et l’humiliation de la défaite, les Gazaouis ont riposté presque immédiatement. Il n’y avait ni Fatah, ni Hamas et aucun siège - du moins par rapport à sa définition actuelle - et les habitants de Gaza n’étaient pas organisés autour de factions politiques ou d’idéologies. Ils se rassemblaient dans de petits groupes connus des Gazaouis sous le nom de fedayins : les combattants de la liberté.
Ces réfugiés dépossédés ignoraient encore la complexité de leur environnement politiqu, et les fedayins étaient pour la plupart d’entre eux de jeunes réfugiés palestiniens qui se battaient pour rentrer chez eux. Mais leurs actions sont devenues de jour en jour plus audacieuses. Ils se faufilaient dans leurs villes - qui avaient alors fini par devenir une partie d’Israël - avec des armes primitives et des bombes artisanales. Ils tuaient des soldats israéliens, volaient leurs armes et revenaient ainsi nouvellement équipés la nuit suivante.
Certains revenaient secrètement dans leurs villages en Palestine « voler » de la nourriture, des couvertures et tout l’argent qu’ils n’avaient pas réussi à récupérer dans leur fuite précipitée lors de la guerre. Ceux qui ne revenaient pas recevaient les funérailles des martyrs, des milliers de leurs compatriotes réfugiés marchant avec des cercueils symboliques jusqu’aux cimetières. Des centaines ne sont jamais rentrés et seules quelques dépouilles ont pu être récupérées.
Après chaque action d’éclat des fedayins, l’armée israélienne s’en prenait violemment aux réfugiés de Gaza, ne faisant qu’inspirer encore plus de soutien et de recrues pour le mouvement de commandos.
Le courage de ces jeunes combattants a été mis en pleine lumière en novembre 1956 quand Israël a envahi la bande de Gaza et de larges parties du Sinaï après la crise de Suez. Les Égyptiens ont combattu l’armée israélienne avec beaucoup de courage, mais la garnison palestinienne basée à Khan Younis - aujourd’hui une cible majeure dans la dernière offensive israélienne - a refusé de se rendre.
Lorsque Israël a investi Khan Younis à la fin des combats, il a commis ce qui est maintenant gravé dans la mémoire collective palestinienne comme l’un des massacres les plus horribles de l’histoire de la bande de Gaza - un massacre de 124 hommes et garçons dans le camp de réfugiés de Rafah, connu sous le nom de massacre d’al -Amiriyah.
« Les victimes ont été rassemblées dans l’école sous les coups des matraques des soldats », témoigne le Dr Ahmed Yousef, dans un article récent. « Ceux qui ont survécu aux coups ont été atteints avec une grêle de balles et le bâtiment a été démoli sur ​​leurs têtes. Les taches de sang sont restés sur les murs de l’école pendant des années pour nous rappeler, à nous les enfants, la nature criminelle d’Israël. »
Yousef était alors un enfant dans un Rafah martyrisé et il deviendra plus tard un haut conseiller d’Ismaël Haniyeh, le premier Premier ministre du Hamas à Gaza. Son article, publié à l’origine en arabe, est intitulé : « La résistance ne se rendra pas ... nous serons victorieux ou nous mourrons. »
Est-ce étonnant de voir combien le passé est lié à la fois au présent et à l’avenir de la bande de Gaza ? Il n’y a rien de surprenant dans le fait que la plus puissante organisation de résistance aujourd’hui, les Brigades Izz al-Din al-Qassam, a été formée par un petit groupe d’écoliers dans la bande de Gaza.
Ce sont de pauvres réfugiés qui ont grandi témoins de la brutalité de l’occupation et de tous ses abus imposés dans leur vie quotidienne. (Le groupe a adopté le nom de Izz al-Din al-Qassam, un prédicateur arabe qui a combattu le colonialisme britannique et les forces sionistes jusqu’à ce qu’il soit assassiné par les forces britanniques dans un verger de Jénine en 1935.)
Les jeunes gens qui ont créé les Brigades al-Qassam ont été tués peu de temps après la fondation de leur groupe. Mais ce qu’ils ont mis au monde est depuis devenu un mouvement massif de milliers de combattants, hommes et femmes qui, alors que cet article est rédigé, tiennent tête aux forces israéliennes dans le nord de la bande de Gaza et leur impose un surplace.
La résistance à Gaza, comme dans toute nécessité historique, ne pourra jamais être éradiquée. Les gouvernements israéliens successifs ont essayé les mesures les plus extrêmes pendant des décennies avant de culminer avec ce qui est resté sous le nom d’Opération Plomb Durci l’hiver 2008-9.
Après la guerre de 1967, Ariel Sharon s’est vu confier la tâche sanglante de « pacifier » la bande de Gaza si entêtée. celui qui était alors le chef du commandement sud des Forces de défense d’Israël » avait été surnommé à juste titre le « Bulldozer ».
Pour Sharon, la pacification de Gaza exigeait des véhicules blindés lourds car les quartiers et ruelles sillonnant les camps de réfugiés surpeuplés et démunis de tout, n’étaient pas adaptés pour les véhicules blindés. Il a donc fait raser des milliers de maisons pour ouvrir la voie aux tanks et permettre à encore plus de bulldozers de circuler et d’écraser encore plus de maisons.
Selon des estimations modestes, le nombre de maisons détruites en août 1970 était de 2000. Plus de 16 000 Palestiniens ont été transformés en sans-abri, des milliers d’entre eux étant forcés de errer d’un camp de réfugiés à l’autre.
Le camp de réfugiés de la Plage, près de la ville de Gaza, a subi le plus de dégâts, beaucoup de ses habitants fuyant pour sauver leur vie et de se réfugier dans les mosquées, dans les écoles et sous les tentes des Nations Unies. L’objectif déclaré de Sharon était « l’infrastructure terroriste ». Ce qu’il ciblait en fait, c’était la population qui résistait et soutenait la résistance.
En effet, c’est toute cette population qu’il a durement frappée pendant plusieurs jours et semaines. L’invasion sanglante de Sharon a également abouti à l’assassinat de 104 combattants de la résistance et à la déportation de centaines d’autres, certains en Jordanie et d’autres au Liban. Le reste a été tout simplement laissé pourrir dans le désert du Sinaï.
C’est la même « infrastructure terroriste » que le disciple de Sharon, Benjamin Netanyahu, cherche à détruire aujourd’hui en utilisant les mêmes tactiques de punition collective et en usant du même langage et même types de communiqués destinés aux médias.
A Gaza, le passé et le présent sont intimement liés. Israël est uni par un seul objectif : écraser quiconque ose lui résister. Les Palestiniens de Gaza sont également unis mais par une menace commune, et en dépit des défis insurmontables leur résistance semble s’intensifier.
Si l’on jette un rapide coup d’œil vers l’histoire de ce long combat, les réfugiés qui font face à la plus forte armée du Moyen-Orient peuvent dire avec un grand degré de conviction qu’Israël ne soumettra jamais Gaza. Cela aussi est inscrit dans l’Histoire.
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* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est doctorant à l’université de Exeter, journaliste international directeur du site PalestineChronicle.com et responsable du site d’informations Middle East Eye. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr
http://www.middleeasteye.net/column...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach