lundi 14 novembre 2011

Le Hezbollah sur le sentier de la... reconstruction

14 novembre 2011
Simon Coutu, collaboration spéciale
La Presse
(Beyrouth) À l'été 2006, Israël a pilonné la banlieue sud de Beyrouth. Les bombes de l'État hébreu ont rasé des centaines de bâtiments de la carte. Cinq ans plus tard, les habitants ont réintégré de nouveaux appartements, gracieuseté du mouvement politique chiite Hezbollah.
Rima Nasser, femme voilée au visage ridé, a tout perdu lorsque des missiles israéliens sont tombés sur son immeuble de la banlieue sud de Beyrouth, il y a cinq ans. Mais aujourd'hui, son nouveau logement fait des jaloux. «À la blague, mes voisins disent qu'ils auraient aimé qu'Israël détruise leur appartement pour en avoir un flambant neuf!», rigole Mme Nasser.
Le conflit a éclaté, en 2006, lorsque la branche armée du Hezbollah a enlevé deux militaires israéliens en plus d'en tuer deux autres. Selon le politologue à l'Université libanaise Tala Atrissi, Israël espérait qu'après ses bombardements, le Hezbollah serait tenu responsable de la destruction de la banlieue. «On a observé le contraire finalement. Le Hezbollah a facilement reconstruit sa popularité avec la reconstruction des maisons détruites.»
En effet, mis à part quelques ouvriers qui s'affairent à fignoler les trottoirs, on ne trouve désormais aucune trace du conflit. Tout ça grâce à Waad.
Waad, qui signifie «promesse» en arabe, est une agence créée par le Hezbollah pour la reconstruction de Dahieh, banlieue sud. À l'instar du parti, Waad est considérée comme une organisation terroriste par le gouvernement américain.
Mais selon Mme Nasser, Waad n'a rien d'un groupe terroriste. «Mon appartement était au cinquième étage, explique-t-elle. Lorsque je suis arrivée après le cessez-le-feu, il était au rez-de-chaussée, complètement écrasé. Maintenant, il est reconstruit, pour le mieux, selon mes recommandations.»
«Faire plaisir»
Après la guerre, le Hezbollah a tenu ses promesses. «On trouve exactement le même nombre d'appartements qu'auparavant, dit le chef architecte de Waad, Hasan Jeshi. Nous avons demandé aux gens comment ils aimeraient vivre dans leur nouvel appartement. Nous avons fait environ 10 000 changements aux plans initiaux pour faire plaisir à la population.»
Fief du Hezbollah, le quartier de Harat Hurayk a été particulièrement ciblé par les frappes aériennes israéliennes. Partout dans les rues, sur les murs et les lampadaires, on affiche les visages des «martyrs» de la branche armée du parti.
Environ 270 immeubles ont été complètement détruits. Ceux qui les remplacent sont maintenant résistants aux tremblements de terre. Dans cette zone, les pannes d'électricité durent parfois 12 heures par jour. Chaque nouveau logement est donc équipé d'un générateur.
M. Jeshi affirme que le financement de la reconstruction de Dahieh vient notamment de pays amis voisins, dont l'Arabie Saoudite, le Koweït, la Syrie et l'Irak. Certains matériaux ont aussi été acheminés directement par des organisations non gouvernementales islamiques. «Est-ce que l'Iran nous finance? Je ne sais pas... Lisez entre les lignes», laisse-t-il entendre.
Prévenir la guerre
Pour prendre des photos du quartier, le journaliste de La Presse a dû être accompagné d'un responsable de la sécurité du Hezbollah. Jeans, polo Lacoste et cheveux roux et ras, il ne ressemble pas du tout à l'image habituelle de la résistance islamique. Mais il n'entend pas à rire. Ni à faire la conversation.
«Il y a des leaders du Hezbollah qui vivent ici», explique M. Jeshi dans son bureau décoré avec un grand cadre du secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, tout souriant. «Ce sont des précautions de sécurité puisqu'ils sont des cibles pour le gouvernement israélien. Ils se protègent.»
Depuis cinq ans, Hassan Nasrallah répète que son parti est prêt à faire face à une nouvelle guerre avec Israël. Mais les responsables de la reconstruction soutiennent qu'ils ne travaillent pas en tenant compte de cette éventualité.
«Rien ne peut résister aux bombes qu'Israël a envoyées dans la banlieue de Beyrouth, explique l'ingénieur, Wael Bitar. Tout ce qu'on peut faire, c'est de tenter de prévenir ce genre de guerre.»
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