vendredi 30 septembre 2011

Le double jeu de Tony Blair au Proche-Orient

Par Catherine Gouëset 29/09/2011
Le double jeu de Tony Blair au Proche-Orient
Les Palestiniens dénoncent le manque de neutralité de Tony Blair -ici au côté du Premier ministre Salam Fayyad au siège de l'ONU, le 18 septembre-, envoyé spécial du Quartet pour le Proche-Orient.
REUTERS/Allison Joyce

Parti pris pro-israélien, maigre bilan... L'envoyé spécial du Quartet pour le Proche-Orient suscite la méfiance des Palestiniens. D'autant qu'il est soupçonné de travailler un peu trop pour ses intérêts personnels. 

Hué lors du congrès du Parti travailliste mardi quand le chef de l'opposition Ed Miliband a cité son nom ("Je ne suis pas Tony Blair"), l'ex-Premier ministre britannique voit à présent son étoile pâlir pour son rôle au Proche-Orient, où il est envoyé spécial du Quartet (Etats-Unis, UE, ONU et Russie). Et il fait l'objet de nombreuses attaques dans la presse d'outre-Manche. 
Bien sûr, dans cette région, la crédibilité du plus fidèle allié de George Bush pendant la guerre d'Irak en 2003, qui a soutenu l'invasion israélienne du Liban trois ans plus tard, n'a jamais été très élevée, rappelle le Telegraph. Mais l'animosité qu'il suscite depuis sa nomination en 2007 est telle qu'il est en passe d'être récusé comme médiateur par les Palestiniens, qui estiment que ses prises de position le disqualifient.  
Les jeunes des principaux partis palestiniens ont officieusement déclaré Tony Blair persona non grata en Cisjordanie et refusent de le rencontrer, selon un officiel de l'OLP cité par The Independent. "On s'attend à ce que ces jeunes fassent une déclaration formelle au sujet de Tony Blair", précise le quotidien, qui ajoute que les principaux dirigeants politiques palestiniens suivraient alors cette ligne. 
Lobbying contre l'Etat palestinien...
En cause, une série de prises de positions considérées comme hostiles aux Palestiniens, dont, récemment, son lobbying auprès des dirigeants européens pour les convaincre de ne pas soutenir la demande d'adhésion d'un Etat palestinien à l'ONU. Autre grief, son initiative, ces derniers jours, pour relancer les négociations qui omet d'évoquer la question de la colonisation en Cisjordanie, principal point d'achoppement pour les Palestiniens. 
Pour ces derniers, au lieu d'adopter la neutralité attendue d'un médiateur, Tony Blair agit tout bonnement comme un émissaire des Etats-Unis. "Il a pris la place de l'envoyé spécial américain George Mitchell, qui a démissionné en mai dernier", juge le Telegraph.  
Le bilan de Tony Blair comme envoyé spécial du Quartet n'est de toute façon pas très reluisant, soulignent les médias britanniques. Il n'a affronté aucun des problèmes de fond et s'est contenté d'interventions humanitaires. Il n'aurait réussi qu'à "persuader Israël d'ouvrir certains des checkpoints" qui bloquent l'entrée des villes de Cisjordanie, et à encourager l'Etat hébreu à alléger son blocus de Gaza" selon le Telegraph
Mais d'autres observateurs mettent même en doute ces maigres réussites. Une blague circule à son sujet en Cisjordanie, rapporte Alex Brummer du Daily Mail : "la plus grande réussite de Tony Blair a été de faire passer le nombre de checkpoints de 600 à 601. Israël a en effet dû installer un nouveau barrage devant l'American colony", l'hôtel de Jérusalem où il occupe une suite luxueuse lors de ses séjours sur place. 
... et pour la "marque Tony Blair"
Plus grave,Tony Blair est accusé d'avoir plus fait pour ses propres intérêts que pour la cause de la paix au Proche-Orient.  
Il aurait facilité la conclusion de contrats qui ont bénéficié à des clients de JP Morgan, la banque d'affaire qui le rémunère 2 millions de livres (2,3 millions d'euros) par an comme conseiller, rapporte le Guardian. En Cisjordanie, alors qu'il était en mission pour le Quartet, il aurait ainsi persuadé le gouvernement israélien d'ouvrir des fréquences de radio pour la compagnie de téléphonie mobile Watanya, propriété de Qtel, une société qatarie fondée grâce à un prêt arrangé par JP Morgan.  
De même, l'ancien Premier ministre britannique s'est fait le champion de l'exploitation d'un champ de gaz au large de Gaza qu'il a décrit comme "prioritaire" pour le territoire... Or, la société BG Group, qui a obtenu le droit d'opérer sur ce gisement, est aussi un client de JP Morgan.  
"Il apparaît de plus en plus évident que les activités commerciales de Tony Blair au Proche Orient sont incompatibles avec son rôle de négociateur", relève Robert Palmer de Global Witness, ONG spécialisée dans le combat contre la corruption.  
Tony Blair n'est rien d'autre qu'un "opportuniste talentueux" tranche Alex Brummel. Dans ses interventions médiatiques, "il donne l'impression d'être très impliqué dans les négociations de paix", mais ceux qui le connaissent bien voient dans chacune d'elle une occasion "de promouvoir la marque Blair", assène le chroniqueur du Daily Mail
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