mardi 31 mai 2011

L’étau arabe se resserre

publié le mardi 31 mai 2011
Renée-Anne Gutter

 
L’Egypte a rouvert sa frontière avec Gaza. Et la Ligue arabe va entreprendre les démarches pour la reconnaissance d’un Etat palestinien.
L’étau arabe se resserre autour d’Israël. Comme promis par ses nouveaux dirigeants, l’Egypte a officiellement rouvert sa frontière avec Gaza. Ce qui, à l’inquiétude d’Israël, scelle la détermination de l’Egypte à légitimer le Hamas (qui contrôle Gaza) et à promouvoir la réconciliation du Hamas avec le Fatah, de façon à ramener les islamistes dans le giron de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas.
Car c’est avec l’accord du raïs Abbas que s’est rouvert samedi le poste frontalier de Rafah. L’Autorité palestinienne en avait été chassée à la suite du putsch du Hamas à Gaza en 2007. La mission d’encadrement douanier de l’Union européenne (EUBAM) avait alors quitté Rafah, et l’Egypte avait fermé la frontière de son côté, ne la rouvrant plus que de façon épisodique. EUBAM est restée en "stand by" depuis lors, prête à reprendre du service dès que sollicitée. Mais le Hamas l’a précisé dimanche : il ne veut plus d’observateurs étrangers à Rafah, son propre contrôle et celui de l’Egypte suffisent.
L’Egypte maintient d’ailleurs des limitations. Le terminal de Rafah est désormais ouvert quotidiennement, sauf jours féries, sans aucune restriction pour les femmes, enfants et hommes de plus de 40 ans. Mais les hommes de 18 à 40 ans doivent se munir au préalable d’un visa égyptien, délivré à Ramallah ou Gaza, si c’est pour sortir de Gaza, ou à l’étranger si c’est pour entrer à Gaza. Et même sous le nouveau régime, Le Caire garde une liste noire de Palestiniens indésirables. L’entrée et la sortie de marchandises sont interdites elles aussi. N’empêche, pour les Gazaouis, c’est une sérieuse bouffée d’air.
Et pour de nombreux commentateurs ici, Israël pourrait en tirer profit. Selon les experts, la réouverture du terminal de Rafah n’augmente pas énormément la menace sécuritaire. De toute façon, en dépit du siège israélien, armes et activistes s’infiltrent à Gaza via le réseau de tunnels qui la relie au Sinaï égyptien. Même le mur que l’Egypte du président Moubarak avait tenté de construire sous Rafah est resté inefficace. Par contre, la réouverture du terminal - qui fissure sensiblement le siège israélien - pourrait permettre à Israël de se désengager davantage de Gaza et de reporter une partie des responsabilités locales sur l’Egypte. Mais dans l’immédiat, le gouvernement Netanyahou reste braqué sur le gain politique et terroriste que l’Egypte, selon lui, octroie au Hamas.
Autre contrariété pour Israël : la Ligue arabe a annoncé samedi qu’elle allait non seulement soutenir le recours des Palestiniens à l’Onu en septembre pour la reconnaissance d’un Etat souverain, mais compte elle-même entreprendre "les démarches légales" à cet effet. Selon son Comité de suivi, qui s’est réuni au Qatar en présence de Mahmoud Abbas, la Ligue va œuvrer à la fois auprès de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. Car le président de l’Assemblée, le Suisse Joseph Deiss, a souligné que l’Etat palestinien ne pourrait être reconnu sans l’appui du Conseil de sécurité. Et là, la requête palestinienne risque de buter sur le veto américain.
Mais les Palestiniens brandissent déjà la parade. Selon leur négociateur en chef, Saèb Erekat, en cas de veto américain, ils recourront à la résolution 377. Intitulée "Union pour le maintien de la paix", cette résolution prise par l’Assemblée générale en 1950 rogne les ailes du Conseil de sécurité. Elle stipule que "dans tout cas où paraît exister une menace contre la paix [ ] et où, du fait que l’unanimité n’a pu se réaliser parmi ses membres permanents, le Conseil de sécurité manque à s’acquitter de sa responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales", l’Assemblée générale peut se saisir de la question. Et à en croire des responsables de l’OLP, certains pays européens qui seraient réticents à reconnaître l’Etat palestinien, soutiendraient néanmoins la mise en œuvre de la résolution 377. Alors que le gouvernement Netanyahou compte précisément sur la fermeté de l’Europe pour torpiller le projet unilatéral des Palestiniens [1].
[1] L’Espagne vient de déclarer qu’elle reconnaîtra l’Etat de Palestine avant septembre. Voir, en anglais, PNN :
publié par la Libre Belgique
Ajout de note : CL, Afps