Renée-Anne Gutter  
L’Egypte  a rouvert sa frontière avec Gaza. Et la Ligue arabe va entreprendre les  démarches pour la reconnaissance d’un Etat palestinien.
L’étau arabe se resserre  autour d’Israël. Comme promis par ses nouveaux dirigeants, l’Egypte a  officiellement rouvert sa frontière avec Gaza. Ce qui, à l’inquiétude  d’Israël, scelle la détermination de l’Egypte à légitimer le Hamas (qui contrôle Gaza) et à promouvoir la réconciliation du Hamas avec le Fatah, de façon à ramener les islamistes dans le giron de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas.
Car c’est avec l’accord du raïs Abbas que s’est rouvert samedi le poste frontalier de Rafah. L’Autorité palestinienne en avait été chassée à la suite du putsch du Hamas à Gaza en 2007. La mission d’encadrement douanier de l’Union européenne (EUBAM) avait alors quitté Rafah,  et l’Egypte avait fermé la frontière de son côté, ne la rouvrant plus  que de façon épisodique. EUBAM est restée en "stand by" depuis lors,  prête à reprendre du service dès que sollicitée. Mais le Hamas l’a précisé dimanche : il ne veut plus d’observateurs étrangers à Rafah, son propre contrôle et celui de l’Egypte suffisent.
L’Egypte maintient d’ailleurs des limitations. Le terminal de Rafah  est désormais ouvert quotidiennement, sauf jours féries, sans aucune  restriction pour les femmes, enfants et hommes de plus de 40 ans. Mais  les hommes de 18 à 40 ans doivent se munir au préalable d’un visa  égyptien, délivré à Ramallah ou Gaza, si c’est pour sortir de Gaza, ou à  l’étranger si c’est pour entrer à Gaza. Et même sous le nouveau régime,  Le Caire garde une liste noire de Palestiniens indésirables. L’entrée  et la sortie de marchandises sont interdites elles aussi. N’empêche,  pour les Gazaouis, c’est une sérieuse bouffée d’air.
Et pour de nombreux commentateurs ici, Israël pourrait en tirer profit. Selon les experts, la réouverture du terminal de Rafah  n’augmente pas énormément la menace sécuritaire. De toute façon, en  dépit du siège israélien, armes et activistes s’infiltrent à Gaza via le  réseau de tunnels qui la relie au Sinaï égyptien. Même le mur que  l’Egypte du président Moubarak avait tenté de construire sous Rafah est  resté inefficace. Par contre, la réouverture du terminal - qui fissure  sensiblement le siège israélien - pourrait permettre à Israël de se  désengager davantage de Gaza et de reporter une partie des  responsabilités locales sur l’Egypte. Mais dans l’immédiat, le  gouvernement Netanyahou reste braqué sur le gain politique et terroriste  que l’Egypte, selon lui, octroie au Hamas.
Autre contrariété pour Israël : la Ligue arabe a annoncé  samedi qu’elle allait non seulement soutenir le recours des  Palestiniens à l’Onu en septembre pour la reconnaissance d’un Etat  souverain, mais compte elle-même entreprendre "les démarches légales" à  cet effet. Selon son Comité de suivi, qui s’est réuni au Qatar en  présence de Mahmoud Abbas, la Ligue va œuvrer à la fois auprès de  l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. Car le président de  l’Assemblée, le Suisse Joseph Deiss, a souligné que l’Etat palestinien  ne pourrait être reconnu sans l’appui du Conseil de sécurité. Et là, la  requête palestinienne risque de buter sur le veto américain.
Mais les Palestiniens brandissent déjà la parade. Selon  leur négociateur en chef, Saèb Erekat, en cas de veto américain, ils  recourront à la résolution 377. Intitulée "Union pour le maintien de la  paix", cette résolution prise par l’Assemblée générale en 1950 rogne les  ailes du Conseil de sécurité. Elle stipule que "dans tout cas où paraît  exister une menace contre la paix [ ] et où, du fait que l’unanimité  n’a pu se réaliser parmi ses membres permanents, le Conseil de sécurité  manque à s’acquitter de sa responsabilité principale dans le maintien de  la paix et de la sécurité internationales", l’Assemblée générale peut  se saisir de la question. Et à en croire des responsables de l’OLP,  certains pays européens qui seraient réticents à reconnaître l’Etat  palestinien, soutiendraient néanmoins la mise en œuvre de la résolution  377. Alors que le gouvernement Netanyahou compte précisément sur la  fermeté de l’Europe pour torpiller le projet unilatéral des  Palestiniens [1].
[1] L’Espagne vient de déclarer qu’elle reconnaîtra l’Etat de Palestine avant septembre. Voir, en anglais, PNN :
 
 
