jeudi 13 janvier 2011

Reconfiguration

Profitant d’un vide juridique, l’Etat hébreu veut à nouveau imposer un fait accompli, non pas dans les territoires palestiniens, mais au Liban cette fois-ci. L’enjeu porte sur deux gisements offshore de gaz naturel, Tamar et Léviathan, découverts récemment au large de l’est de la Méditerranée et situés dans des zones maritimes contestées. Les réserves de Tamar sont estimées à 8 milliards de m3 de gaz naturel et celles de Léviathan, le plus important gisement découvert dans le monde depuis dix ans, avoisinent les 450 milliards de m3.

Le Liban, qui dénonce un empiétement sur ses eaux territoriales, s’en est appelé aux Nations-Unies pour qu’elles forcent Israël à arrêter ses projets de forage et d’extraction, qui devraient commencer dans quelques mois. Mais Israël fait, comme d’habitude, la sourde oreille. Il assure que ces gisements se trouvent dans ses eaux. Mais rien n’affirme que le champ de gaz ne s’étende pas au-dessous des eaux territoriales du Liban. La Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer offre des lignes directrices pour les frontières maritimes, mais Israël n’est pas signataire de la convention et ne s’estime donc pas lié par ses dispositions. Il a placé des bornes pour délimiter sa frontière maritime avec le pays du Cèdre, mais l’Onu ne reconnaît pas cette ligne unilatéralement tracée. La frontière maritime entre les deux pays n’a jamais été délimitée parce qu’ils sont officiellement en guerre depuis l’établissement d’Israël en 1948. Bien que la Cour internationale de justice ait statué, par le passé, sur des cas litigieux de frontières maritimes, il est improbable qu’elle se laisse entraîner dans un autre conflit de frontière entre le Liban et Israël, en particulier avec potentiellement des milliards de dollars de recettes gazières en jeu.
Pour un pays pauvre en ressources énergétiques, les gisements de gaz naturel découverts sont suffisants pour l’approvisionnement du marché intérieur d’Israël pour des décennies, ce qui réduira sa dépendance vis-à-vis de l’étranger, notamment de l’Egypte. Bien que la découverte soit d’une importance capitale pour le marché intérieur israélien, elle ne fera pas de l’Etat juif une puissance énergétique majeure. Les dimensions des gisements découverts sont modestes à l’échelle mondiale. Les réserves de l’Egypte, par exemple, sont quatre fois plus. Mais les desseins d’Israël vont plus loin. Il cherche à exploiter la récente découverte comme un levier au service de sa politique régionale. Après ses derniers déboires avec la Turquie, naguère son allié stratégique au Moyen-Orient, Tel- Aviv s’est rapproché de la Grèce — l’ennemi juré d’Ankara — et de son allié, Chypre. Benyamin Netanyahu s’est ainsi rendu à Athènes en août dernier dans la première visite jamais effectuée par un chef de gouvernement israélien. En décembre 2010, un accord a été conclu entre Tel-Aviv et Nicosie sur le tracé de la frontière maritime commune, ouvrant la voie, avec la bénédiction d’Athènes, à une coopération énergétique et stratégique. Enfin, le chef de la diplomatie israélienne Avigdor Lieberman entame ce mercredi une visite en Grèce, inédite depuis plus de 15 ans, où il discutera de coopération énergétique, sécuritaire et militaire .
Dr Hicham Mourad
Lien