par K. Selim
Il n’y aura sans doute pas beaucoup de Palestiniens -  hormis ceux de son clan et les services américains - pour s’apitoyer sur  les malheurs actuels de Mohammad Dahlane. Cet homme, dont les intrigues  sont allées bien au-delà des tribulations politiciennes inévitables,  est aujourd’hui en disgrâce, Mahmoud Abbas l’ayant pris en grippe pour  d’obscures raisons. Le président de l’Autorité palestinienne avait au  cours des dernières années d’excellentes raisons de dégommer "l’homme  des Américains". Les griefs ne manquaient pas à son encontre, la plus  grave et la plus impardonnable étant son action à Ghaza, après la victoire du Hamas, qui a mené à une situation de guerre civile inter-palestinienne.
 A ce moment essentiel, Mahmoud Abbas et le Fatah ont  fait bloc derrière Dahlane. On ne l’a pas blâmé pour ses activités  armées pour le moins illégales à Ghaza. On lui a tout juste reproché  d’avoir laissé croire qu’il avait les moyens d’en découdre avec le Hamas  et de le vaincre. Une attitude responsable d’une Autorité censée  incarner l’unité des Palestiniens aurait commandé de mettre Dahlane hors  jeu avant qu’il ne commette ses œuvres fratricides avec la bénédiction  des Américains. Or, l’Autorité palestinienne n’a pas désapprouvé ses  actions qui ont choqué et indigné les Palestiniens et ceux qui les  soutiennent, elle les a approuvées. Les mouvements de libération - le Fatah  en est-il toujours un ? - ont connu des querelles de personnes dures  qui ont parfois débordé, suscitant des graves conflits dans les  appareils... Mais dans le cas palestinien, l’action menée par ce  politicien avec l’approbation de ceux qui lui reprochent aujourd’hui de  faire dans la subversion a semé la division au sein du corps social  palestinien, à l’intérieur même des familles. C’est la raison qui fait  que cet homme d’intrigues peut être à son tour victime d’une intrigue  cousue de fil blanc sans susciter la moindre compassion.
 Mais au-delà de Dahlane, ces péripéties achèvent de  ruiner l’image de l’Autorité palestinienne. Les Palestiniens hausseront  les épaules avec dédain à la lecture des "charges" qui pèsent sur  l’ancien chef des services de l’Autorité palestinienne : subversion,  mise en doute de la compétence de Mahmoud Abbas...  Il est manifestement plus grave de critiquer le "chef" du moment que de  semer la division au sein du peuple palestinien et l’engager dans un  conflit fratricide ! Quant à l’idée de lui reprocher son train de vie sur le mode "d’où tiens-tu cela ?", elle est si peu sincère que cela fait rire.
 La corruption est bien la chose la mieux partagée au  sein des responsables de l’Autorité et Dahlane, s’il n’est pas occis  d’ici là, aurait beaucoup à raconter sur la prédation de ses  accusateurs. C’est bien la généralisation de la corruption qui a  entraîné le basculement électoral de la société palestinienne en faveur  du Hamas. La victoire enregistrée par le mouvement islamiste - que la  coalition des États occidentaux avec Israël a transformée en punition -  n’est pas le fruit d’une adhésion majoritaire à l’islamisme politique.  Elle a exprimé le rejet majoritaire d’un système de corruption où les  acteurs de l’Autorité n’avaient qu’un seul souci : plaire aux  Américains. Il n’est pas fortuit qu’un authentique militant comme  Marwane Barghouti se retrouve en prison pendant qu’un Mohammad Dahlane  prenait la stature d’un "homme puissant".
 La disgrâce de Dahlane est un non-événement. Mahmoud Abbas  - usé jusqu’à la corde - a décidé de le bannir dans une action  préemptive. Les Américains qui ont mené Abbas en bateau durant des  années peuvent en effet décider que Mohammad Dahlane est le plus "digne"  de représenter les Palestiniens.
Le Quotidien d’Oran - Editorial