samedi 4 décembre 2010

Jaffa vendue aux sionistes

Sophie Crowe - Palestine Monitor
publié le vendredi 3 décembre 2010.

1er décembre 2010 - Ajami est un quartier de Jaffa essentiellement arabe où vivent environ 8000 Israéliens palestiniens. En mai 2009, une parcelle de terrain, rue Etrog, où se trouvaient les marchés pour les agriculteurs locaux, a été vendue par l’Autorité israélienne de la terre à B’emunah, une société immobilière qui s’occupe principalement de développer les lotissements pour les communautés sionistes en Israël.
Le terrain, à l’origine palestinien, a été classé comme « bien des absents » par l’Etat israélien après que les Arabes aient été chassés de la ville en 1948, devenant par la suite terrain public.
Les tensions se sont encore accrues à cause d’un projet de centre d’apprentissage sioniste (Yeshiva) à Ajami, qui alterne service militaire et étude de la Torah. Ses élèves sont pour la plupart des colons de Cisjordanie, qui viennent y passer une période de deux mois. Son rabbin est accusé de racisme par les habitants arabes.
On pense que B’emunah et la yeshiva cherchent en ce moment à acheter en commun plusieurs centaines d’appartements dans le secteur. L’achat de la parcelle des marchés rue Etrog est vu comme un prolongement de la yeshiva et est financé par des donateurs américains.
Vingt-huit habitants ont constitué un dossier pour protester contre la vente de ce terrain à B’emunah, contestant la légitimité de la vente de la terre de l’Etat à une organisation dont l’intention est de loger uniquement des membres d’une communauté religieuse nationaliste. Le dossier est soutenu par Darna, le comité du droit au logement à Jaffa, et par l’association pour les droits civils en Israël (ACRI). Cette organisation a porté l’affaire devant le tribunal de Tel Aviv.
Le tribunal l’a déboutée et elle a alors déposé un recours auprès de la Cour suprême, qui a décidé de ne pas invalider la vente au motif que B’emunah avait déjà totalement réglé l’Autorité israélienne de la terre (ILA). Mais le tribunal a interdit à l’ILA de vendre à des sociétés comme B’emunah dans l’avenir, une décision qui a suscité la controverse en raison de son message moral en demi-teinte.
Les projets de B’emunah sont emblématiques d’un problème plus vaste : la marginalisation et l’expulsion des Arabes des villes mixtes d’Israël, miroir du mouvement colonialiste en Cisjordanie. « L’activité de B’emunah est motivée idéologiquement » dit Sami Shehada, directeur de Darna. « Ils se concentrent sur les villes mixtes pour lesquelles ils pensent que la séparation est la solution. Ces activités ne sont qu’une émanation des branches du mouvement sioniste, dans leurs principes racistes et exclusivistes ».
La crainte de la communauté d’Ajami, c’est que les juifs sionistes ne soient pas intéressés pour coexister avec les Arabes, et qu’ils veuillent créer une domination juive dans ces zones au détriment des Arabes.
Membre du conseil municipal de la ville, Omar Siksik, élu sur la liste arabe de Jaffa s’est prononcé contre le développement de B’emmunah. « Nous vivons à Jaffa dans une mer de problèmes » dit-il, « et B’emunah n’en est qu’un parmi tous les autres… Depuis l’arrivée de l’Etat d’Israël, les habitants de Jaffa sont confrontés à un afflux de juifs. La différence maintenant, c’est que nous avons affaire à des extrémistes dont la venue ici est une provocation. Leurs objectifs sont clairs : ils sont hostiles aux Arabes, ce qui fait naître des soupçons sur leur venue ici. »
« Il y a un élément de la politique publique qui vise à créer une situation où les Arabes n’auront plus qu’à partir. Les extrémistes savent qu’ils ont le soutien du gouvernement. Il n’y a eu aucune objection contre la vente à B’emunah au conseil municipal de Tel Aviv/Jaffa, dont la position est de dire qu’ici c’est un pays libre, et que la transaction s’est effectuée de façon tout à fait légale ».
La crainte est que Jaffa devienne un nouvel Hébron, que l’intrusion à Ajami des idéologues religieux annonce de nouvelles tensions entre les deux communautés. « L’atmosphère dans le pays est tout le temps en train d’évoluer, étant de plus en plus poussée à l’extrême » dit Omar. « Les Arabes, en tant que petite minorité en Israël, ont moins de force pour résister à cette tendance ».
Pour s’informer sur l’Association pour les droits civils en Israël (ACRI) : http://www.acri.org.il/eng/
http://www.palestinemonitor.org/spi...
traduction : JPP
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