dimanche 7 novembre 2010

Ramallah cherche une issue

Al Ahram Weekly
publié le samedi 6 novembre 2010.
http://weekly.ahram.org.eg/2010/1022/re61.htm
La direction palestinienne cherche des moyens de se sortir d’un processus de paix moribond qui semble promis à l’échec, écrit en Cisjordanie Khaled Amayreh
4 - 10 novembre 2010
De plus en plus las de l’incapacité (ou de la réticence) américaine à contraindre Israël à mettre fin à plusieurs décennies d’occupation militaire des territoires palestiniens, l’Autorité Palestinienne (AP) prépare une liste des solutions de rechange qui pourraient prévenir la rupture imminente des pourparlers entre Israël et les Palestiniens sous l’égide des USA.
Selon l’administration Obama, la seule voie que le processus de paix au Proche-Orient doive emprunter est celle de négociations bilatérales directes entre les deux parties. Cependant, sous prétexte de pourparlers directs ou indirects, Israël poursuit son implacable entreprise d’expansion coloniale en Cisjordanie et particulièrement dans Jérusalem-Est occupée, souvent à l’encontre d’appels américains et internationaux à un nouveau moratoire sur les colonies qui permettrait la reprise des pourparlers de paix.
L’AP, elle-même soumise à de fortes pressions publiques pour qu’elle adopte une position plus forte vis-à-vis de l’intransigeance et de l’arrogance israéliennes, a promis de boycotter ces pourparlers déjà chancelants si le gouvernement Netanyahu refuse de geler la construction des colonies. Pour sa part, le gouvernement israélien a promis de continuer à construire davantage de colonies, —ce qui, soutiennent les Palestiniens et les observateurs internationaux, détruira toute possibilité de création d’un état palestinien viable et territorialement contigu sur la base des frontières de 1967.
Le processus de paix repose tout entier sur l’hypothèse qu’un état palestinien viable sera créé à côté d’Israël. Mais la constance et l’opiniâtreté que met Israël à spolier les terres des territoires occupés (où serait établi l’état palestinien à venir) soulignent la précarité du processus de paix et la quasi-impossibilité d’établir un état palestinien réel.
Incapables, principalement en raison de l’immense influence du lobby juif américain sur la politique américaine quant à la question palestinienne, de convaincre les États-Unis de faire pression sur Israël, les dirigeants palestiniens, visiblement en position de faiblesse, se sont adressés aux principaux états arabes comme l’Égypte pour élaborer un plan diplomatique arabe commun afin d’obliger Israël à stopper ses exorbitants projets d’expansion coloniale.
Selon des officiels de l’AP, la première alternative envisagée est de tenter de convaincre l’administration Obama de reconnaître un état palestinien couvrant la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est si Israël refuse d’arrêter l’expansion de la colonisation. "Pour l’instant, nous nous concentrons sur l’option n°1, à savoir les négociations", a-t-on entendu dire en fin de semaine dernière le leader de l’AP Mahmoud Abbas.
Cependant, il est fort improbable qu’une administration américaine affaiblie serait en mesure de reconnaître un état palestinien basé sur de vagues frontières. Israël considère les territoires occupés comme une terre "contestée" plutôt qu’ "occupée", et les administrations américaines successives ont plus ou moins refusé de prendre une position définitive et engagée sur la question, en insistant sur le fait que les "problèmes de frontières" devraient être aplanis et résolus par des pourparlers bilatéraux.
Par conséquent, il est peu probable que demander aux États-Unis de reconnaître un état palestinien fonctionnerait, surtout compte tenu de la forte opposition à ce type de projet au sein de l’administration américaine, à savoir de la part de la Secrétaire d’État Hillary Clinton. Si les États-unis disent "Non" aux demandes palestiniennes de reconnaissance d’un état palestinien déclaré, l’AP et ses alliés arabes, dit-on, opteraient pour une deuxième alternative : ils demanderaient à l’ONU ou au Conseil de Sécurité des Nations Unies de reconnaître un état palestinien.
Une résolution de l’ONU en ce sens aurait cependant peu d’effet concret puisqu’elle viendrait s’ajouter aux dizaines de résolutions des Nations Unies —qu’Israël a toujours toutes ignorées— exigeant qu’Israël mette fin à l’occupation des terres arabes et abolisse totalement ses mesures illégales, y compris la construction de colonies dans les territoires occupés. De même, un projet de résolution exigeant la reconnaissance d’un état palestinien potentiel par le Conseil de sécurité ferait vraisemblablement l’objet d’un veto des États-Unis.
Si cette option échouait elle aussi (et beaucoup s’accordent à penser que tel serait le cas), l’AP —probablement sur les conseils de l’Égypte— appellerait à la convocation d’une conférence de paix internationale. Toutefois, une telle conférence serait totalement inacceptable pour Israël, qui la rejetterait purement et simplement.
Les officiels et les dirigeants israéliens ont à plusieurs reprises déclaré de façon très arrogante qu’ils ne laisseraient pas d’autres pays ou un groupe de pays dicter les frontières d’Israël. En d’autres termes, Israël rejetterait et ignorerait toute tentative de la communauté internationale pour l’obliger à se conformer à la règle du droit international concernant les territoires palestiniens occupés.
Pensant que c’est une condition sine qua non pour une paix véritable, l’Égypte est fortement partisane de l’idée d’organiser une conférence de paix internationale. De fait, les responsables égyptiens ont exprimé la lassitude croissante que leur inspirent les atermoiements et les tactiques d’obstruction d’Israël ; et un officiel égyptien a déclaré qu’il faut sortir de l’impasse où se trouve le processus de paix afin de garantir les droits des Palestiniens. "Un sommet international redéfinirait les principes fondamentaux et les frontières d’un état palestinien qui serait bâti sur les territoires occupés en juin 1967, avec ou sans les colonies israéliennes."
De toute façon, a ajouté cet officiel égyptien, quelque chose doit être fait pour garder en vie le processus de paix actuel et pour l’empêcher d’échouer. Cependant, pensent certains, l’important pour les différentes parties impliquées dans le processus de paix est de garder le processus vivant pour le symbole plutôt que de le voir réussir à atteindre les objectifs déclarés.
Quoi qu’il en soit, il ne fait pas de doute que reconsidérer d’anciennes alternatives montre la lassitude palestinienne et arabe devant l’absence de pression américaine sur Israël davantage qu’elle ne reflète un travail d’amélioration de la position palestino-arabe qui changerait réellement quelque chose au processus de paix dans son ensemble. En attendant, chaque jour qui passe, Israël continue à exécuter ses projets d’expansion coloniale intensive, repoussant toujours plus loin tout règlement éventuel.
En outre, la dérive régulière de la société israélienne juive vers le nationalisme et le racisme signifie qu’atteindre une résolution digne au conflit israélo-arabe sera beaucoup plus difficile qu’avant. La semaine dernière, le rabbin Ovadia Yosef, mentor spirituel de l’ultra-fondamentaliste parti Shass, a dit : "Dieu a créé les non-Juifs comme des ânes afin qu’ils servent les Juifs". Et : "La seule véritable fonction des non-Juifs est de servir les Juifs. C’est pour çà que Dieu les tient en vie".
Yosef n’est pas un personnage marginal en Israël. Il a des centaines de milliers d’adeptes et il est souvent décrit comme un "faiseur de rois" en raison de son influence personnelle sur les différents gouvernements israéliens. Toujours est-il que les commentaires fascistes de Yosef n’ont provoqué aucun froncement de sourcils en Israël, —ni dans le gouvernement, ni chez les intellectuels et pas même dans les media. Ce n’est pas une nouveauté, mais c’est révélateur.
Tr M.C.
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