dimanche 7 novembre 2010

Des juifs et des Arabes de France reviennent de Palestine

publié le vendredi 5 novembre 2010

Communiqué de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), l’Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF), Immigration Développement Démocratie (IDD) et la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR)
 
La 166ème mission civile de la CCIPPP (campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien) a eu lieu du 23 au 30 octobre et nous sommes rentrés.
Rentrés tout comme nous étions arrivés : après des contrôles et des humiliations (interrogatoires, palpations corporelles, attentes de 2 ou 3 heures) visant la plupart des jeunes de notre groupe, et surtout les jeunes Arabes. Beaucoup d’autres internationaux ont connu les mêmes vexations. L’Etat d’Israël mène une politique ciblée de discrimination pour décourager des témoins gênants.
Notre mission était constituée d’un groupe de 28 Français, juifs et arabes, femmes et hommes, jeunes et moins jeunes, de 4 associations laïques :
— Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF)
— Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR)
— Immigration Développement Démocratie (IDD)
— Union Juive Française pour la Paix (UJFP)
Pour le « vivre ensemble dans l’égalité et la justice », en France et ailleurs, nos associations françaises juive et arabes ont tissé des liens de solidarité et de travail entre elles, notamment pour la justice en Palestine, pour les droits des Palestiniens, contre la politique coloniale sioniste d’Israël.
Une première mission civile de même nature a déjà eu lieu en 2002.
La mission de 2010 a soudé le groupe dans une belle amitié, avec le but commun de multiplier les contacts afin de témoigner.
Le groupe a participé au Forum Mondial de l’Education à Ramallah, Al Araqib, Haïfa et Bethléem. Pour cela comme pour le reste, l’AIC (Centre d’Information Alternative, association à la fois palestinienne et israélienne) a joué un rôle majeur.
Nous avons participé à la Marche d’ouverture du Forum à Ramallah et à l’ouverture simultanée dans le village bédouin d’Al Araqib dans le Négev, et nos ateliers judéo-arabes (« Education, Immigration et Développement » et « Pour une éducation décolonisante ») ont rencontré une grande écoute et suscité beaucoup de débats.
Ce qui nous a le plus marqué, c’est que le sionisme a abouti à un véritable racisme d’Etat, relayé par les colons. Un racisme permanent, qui ne se cache pas, qui nous a semblé susciter un large consensus en Israël. Un racisme virulent, « normal », des Israéliens juifs envers les Palestiniens, mais aussi souvent envers les Juifs arabes, envers tout ce qui a un faciès du sud ou oriental, envers les immigrés asiatiques ou africains. Ce renversement de situation - des Juifs se voulant héritiers du génocide en Europe se transformant en négationnistes de l’humanité de l’Autre - nous a bouleversés.
De fait, c’est une guerre de basse intensité que nous avons observée.
Le confinement des Palestiniens, l’immobilité imposée, l’encerclement par les colonies, l’occupation spatiale par les Israéliens, les incursions des militaires, les comportements d’humiliation, le Mur, les colons armés, l’omniprésence de l’armée israélienne ..., tout cela rend invivable la vie des Palestiniens.
Mais en même temps tout est fait pour afficher que c’est vivable. Des check-points ont disparu : nul besoin d’en avoir, tant les routes de contournement, tunnels ou ponts rendent impossible la rencontre des Israéliens avec les Palestiniens. La coexistence est prétendument affirmée, alors qu’il s’agit d’une normalisation coloniale, sous étouffoir, des Palestiniens. Le sociocide est en marche.
Mètre carré par mètre carré, les Israéliens volent la terre et repoussent plus loin les Palestiniens en réduisant leur espace vital, à l’image des Indiens d’Amérique dans leurs réserves ou des Aborigènes d’ Australie.
L’israélisation du pays palestinien, la judaïsation de Jérusalem sont à l’œuvre, avec un mélange de discrétion et de grande brutalité (comme dans le quartier de Silwan à Jérusalem-Est) peu perceptibles pour un étranger non averti.
Et n’oublions pas la prison à ciel ouvert de Gaza toujours sous blocus où nous ne sommes pas allés ou le Golan occupé.
La mission est allée à Jérusalem-Est, Tel Aviv, Jénine, Haïfa, Hébron, Bethléem, Al Araqib, Ramallah, dans les camps de refugiés ...
Nous avons constaté que la politique spatiale et discriminatoire d’Israël est destinée à empêcher toute solution juste au conflit, quelle que soit l’option envisagée. La plupart des Palestinien-ne-s que nous avons rencontré-e-s ne croient pas ou plus en la possibilité d’avènement d’un Etat palestinien viable. Et nombre d’entre eux ont des propos extrêmement durs contre l’Autorité Palestinienne, perçue comme accompagnant cette politique israélienne.
Les Palestiniens de 48 (ceux qui sont malgré eux Israéliens) ne supportent plus d’être des citoyens de seconde zone, encore dotés du droit de vote mais subissant les discriminations (logement, enseignement, santé, travail, accès à l’eau, villages interdits régulièrement détruits ...).
Mais tous les Palestiniens résistent. Et persévèrent à lutter quel que soit l’avenir pour l’égalité des droits, la destruction du Mur, la restitution des terres, le retour des réfugiés, bref pour une décolonisation qui rendra au peuple palestinien sa liberté et la justice.
Et nous avons rencontré des Juifs israéliens qui se savent bien minoritaires mais avec eux dénoncent les crimes commis en leur nom. Ils ne veulent pas renoncer à l’espoir d’un Vivre ensemble dans la Justice.
Tous fondent un grand espoir sur la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) sous toutes ses formes. Sur le boycott académique, des universitaires israéliens anticolonialistes (participant au mouvement "Boycott de l’intérieur") demandent eux-mêmes à ce que leurs Instituts soient boycottés
Les membres de notre mission populariseront partout, en France et autant que possible au Maghreb, ce qu’ils ont vu ou entendu et appelleront à participer activement à la campagne BDS.
Nos quatre organisations sont décidées à approfondir leur travail en commun
Paris, le 4 novembre 2010
FTCR 5, rue de Nantes 75019 Paris – Tél/Fax : 01.40.34.18.15 – ftcr@ftcr.eu