lundi 22 novembre 2010

Des soldats israéliens ciblés sur Internet

publié le samedi 20 novembre 2010
Serge Dumont

 
Des pirates du Web publient les noms de 200 militaires accusés de crimes de guerre
La perpétuité sans aménagement de peine. C’est ce que risquent le ou les responsables de la publication sur Internet d’une liste de 200 officiers, sous-officiers et soldats israéliens accusés d’avoir ordonné ou perpétré des crimes de guerre lors de l’opération « Plomb durci » (l’invasion de la bande de Gaza en janvier 2009). « Ces informations ont été piratées, écrivent les auteurs. Nous vous encourageons à trouver des informations similaires, qu’elles soient disponibles dans la sphère publique ou enfermées dans les armoires. C’est une forme de résistance qui peut être soutenue longtemps. »
Baptisé « Israel dirty list 200 », ce document est apparu jeudi sur le Web, et ses auteurs disposent d’une bonne connaissance du landerneau militaire israélien. En effet, outre les coordonnées privées du chef de l’état-major de Tsahal (l’armée) Gaby Ashkenazi, de son successeur désigné Yoav Galant, ainsi que de l’ex-chef des Renseignements militaires Amos Yadlin la liste contient l’adresse, le numéro de carte d’identité et même la photo de membres des services de renseignement ainsi que des commandants des unités spéciales chargées de « liquider » des cadres du Hamas de Gaza.
Matériel classifié
Certes, toutes les fiches ne sont pas complètes. Mais leurs informations sont pertinentes. Sur la liste figurent aussi plusieurs femmes qui commandaient les batteries de mortier ou d’artillerie lourde qui pilonnaient la bande de Gaza pendant l’offensive israélienne. La plupart des photos illustrant leur fiche relèvent manifestement de la sphère de la vie privée, ce qui rend la publication de la liste encore plus intrigante.
Dans la foulée des révélations de WikiLeaks sur les opérations américaines en Irak et en Afghanistan, la publication de la « dirty list 200 » a eu l’effet d’un coup de tonnerre à Jérusalem. Surpris, les responsables politiques de l’Etat hébreu [1] et le ministre de la Défense gardent le silence. Quant aux spécialistes de la guerre électronique des Renseignements militaires, ils ont tenté de rayer le site pirate du Web. Ils y sont parvenus durant plusieurs heures, mais la liste est réapparue sur le Web dès vendredi matin. « Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour faire disparaître cette liste car elle pourrait mettre des vies en danger », a déclaré le porte-parole de Tsahal.
Qui est à l’origine de cette fuite sans précédent dans l’histoire de l’Etat hébreu ? L’entourage du ministre de la Défense Ehoud Barak et celui du chef de l’état-major Gaby Ashkenazi reconnaissent qu’ils n’en savent rien. Ils affirment qu’une partie des données diffusées sur le Web sont fausses mais confirment que le ou les auteurs de la liste disposent d’accès à du matériel classifié.
Sécurité nationale
Quoi qu’il en soit, s’ils devaient être découverts, le ou les « coupables » pourraient être inculpés pour « possession de matériel classifié, haute trahison et espionnage aggravé ». Leur procès sera donc mené à huis clos et ils ne doivent s’attendre à aucune indulgence.
En attendant, plusieurs députés de la majorité (Likoud) et de l’opposition (Kadima) ont décidé de collaborer pour présenter d’ici à la fin du mois une proposition de loi punissant lourdement les « atteintes à la sécurité nationale sur Internet ». Un député d’extrême droite a déposé, lui, une plainte devant le procureur général de l’Etat hébreu.
[1] rappelons que, comme "Tsahal", le terme Etat "hébreu" est une prise de position -involontaire la plupart du temps- de journalistes reprenant la terminologie israélienne : Tsahal étant le "petit nom" des Forces armées israéliennes, porteur d’une identification avec cette armée, tandis que "hébreu" fait fi de la réalité de la société israélienne où plus de 20 % de la population -palestinienne- n’est pas juive, et entérine le discours dominant colonial israélien qui veut faire d’Israël un Etat exclusivement juif