vendredi 16 juillet 2010

A l’intérieur de la « zone-tampon » d’Israël (vidéo)

Gaza - 16-07-2010

Par Nicole Johnston
Samedi matin à Gaza. Nous étions accroupis au beau milieu de ce qu’Israël appelle la « zone tampon », écoutant les tirs israéliens, dirigés sur nous. C’était des tirs de semonce – au-dessus de nos têtes. Mais assez près pourtant pour convaincre chacun d’entre nous que ce n’était pas une bonne idée de traîner dans le coin.
Avec deux équipes de tournage, quatre caméras, quatre militants internationaux et un journaliste étranger présents, je pensais bêtement que peut-être l’armée israélienne n’ouvrirait pas le feu à l’intérieur de la zone tampon. Peut-être arriveraient-ils dans leurs jeeps, jetteraient un coup d’œil et repartiraient.
Mais l’expérience du Mavi Marmara, lorsque des soldats israéliens ont tué neuf activistes, aurait dû m’apprendre que la présence d’étrangers ou de médias n’est pas dissuasive lorsqu’il s’agit de l’armée israélienne.
La zone tampon est une terre agricole palestinienne adjacente à la frontière sous contrôle israélien autour de Gaza. Israël l’a interdite d’accès pour des raisons « de sécurité ». S’aventurer dans cette zone entre la frontière et à 300 mètres d’elle, c’est risquer d’être abattu par l’armée israélienne. Quelquefois ils tirent même bien au-delà des 300 mètres.
Mais la zone tampon est importante pour les Palestiniens, parce que c’est là que se trouvent 30% des meilleures terres de Gaza. Mais aujourd’hui, elles sont presque toutes en friche.
Toutes les maisons et les abris y ont été détruits au bulldozer pendant la guerre de janvier 2009.
Une agriculture sous les tirs
Aujourd’hui, seuls les fermiers de Gaza les plus tenaces, les plus courageux ou les plus concernés continuent de travailler leurs champs à l’intérieur de la zone tampon.
Nous avons rencontré l’un d’entre eux, Abu Thaima.
Il a trois épouses, plus de 20 enfants et avant la guerre, il avait aussi une ferme rentable.
Sa vieille maison est maintenant un tas de ciment dans la zone tampon, entouré de mauvaises herbes.
Mais il défie Israël. Il a planté ses cultures à la main. Aucune machine agricole n’est autorisée ici. Et maintenant, il est prêt à faire sa récolte.
Abu Thaima conduit un groupe de femmes dans la zone tampon. Apparemment, Israël a moins tendance à tirer sur les femmes palestiniennes que sur les hommes.

Quelques minutes plus tard, les jeeps israéliennes sont arrivées et les tirs ont commencé.
C’est la première fois que j’entendais des tirs à balle réelle. Pas de balles caoutchouc-acier ou de grenades lacrymogènes, ici. C’est directement les balles réelles.

Les « boucliers humains » de Gaza
Pendant qu’Israël tirait, quatre militants de l’International Solidarity Movement (ISM), - les boucliers humains – sont restés sur place. Portant des gilets fluorescents, ils ont filmé l’incident sur de petites caméras.
Tout au long de la fusillade intermittente, Adie Nistelrooy, un activiste britannique, a parlé avec calme aux Israéliens par haut-parleur. Je doute qu’ils aient pu l’entendre. Mais quelque part, la voix de la raison était étrangement rassurante.
Nistelrooy a dit : « C’est un événement pacifique, des femmes et des enfants ramassent leur blé, ils veulent juste ramasser le blé et rentrer à la maison, c’est tout. Il n’y a pas de mal à ça, n’est-ce pas ? »
En bien non, ça ne va pas.
Dans la zone tampon, les Palestiniens ne sont pas autorisés à faire des cultures. Ni à ramasser leur blé. Même pas à la main. Même pas par les femmes.
Des femmes sous les tirs

Certaines des femmes avaient tellement peur des tirs qu’elles s’étaient accroupis derrière une botte de paille.
Ce fut une scène pathétique. Les camions de l’armée israélienne à 150 mètres, des tirs d’armes automatiques nous tombant dessus depuis la frontière, et ici, ces femmes effrayées, espérant que la botte de paille les protègerait.
Les tirs ont cessé un moment, puis ont recommencé.

C’est alors que nous avons tous quitté la zone tampon. Quelques femmes sont parties en courant. La semaine passée, les tirs étaient bien plus proches, sifflant au-dessus de leurs têtes. Et ce jour là, ils n’ont pas récolté grand-chose.
Mais Abu Thaima dit que rien ne l’empêchera de travailler sa terre. Il continuera d’aller dans la zone tampon pour planter et récolter.
C’est sa terre, et il ne peut pas l’abandonner.
(Photos ISM) 
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