jeudi 8 juillet 2010

Accusations réciproques

Egypte/Hamas. Les deux parties se livrent depuis la semaine dernière à un échange d’accusations au sujet du document de réconciliation interpalestinienne, que le Mouvement de la résistance islamique refuse de signer. Cette tension ne date pas d’hier. Focus.
Tout a commencé la semaine dernière, lorsque Mahmoud Al-Zahar, membre du bureau politique du Hamas basé à Gaza, a critiqué ouvertement l’Egypte pour son rôle dans les efforts de réconciliation interpalestiniens. Dans des déclarations au quotidien indépendant Al-Masry Al-Youm, le responsable palestinien s’en prend au chef de la diplomatie, Ahmad Aboul-Gheit, qu’il accuse de vouloir « imposer à tout prix » ses points de vue au Hamas. « Ahmad Aboul-Gheit a dit que nous devons signer le plan égyptien de réconciliation tel qu’il a été élaboré et sans y apporter la moindre modification. Cela signifie qu’Aboul-Gheit ne veut pas tenir compte des réserves que nous avons formulées sur ce plan », a déclaré Al-Zahar. Le plan égyptien fut élaboré l’hiver dernier et a été déjà approuvé par le président du mouvement Fatah, Mahmoud Abbass. Il prévoit notamment la formation d’un gouvernement d’union nationale comprenant des éléments du Fatah et du Hamas. Or, le Hamas est très sceptique sur cette question estimant qu’il a été légitimement élu par le peuple palestinien et qu’il est donc le seul à pouvoir former un gouvernement. D’autres points de controverse existent dans le document égyptien que le Hamas considère partial. Dans ses déclarations à Al-Masry Al-Youm, Mahmoud Al-Zahar a fait allusion à une ingérence occidentale et internationale dans les affaires palestiniennes par le biais de l’Egypte. « Le Caire est un médiateur partial dans les divergences interpalestiniennes », affirme Abou-Zouhri, un porte-parole du Hamas. Les propos d’Al-Zahar ont provoqué la colère de l’Egypte. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hossam Zaki, a mis en garde les dirigeants du Hamas contre une forte réaction égyptienne.
Tension
Les relations entre l’Egypte et le mouvement palestinien ont été très tendues ces dernières années. Des militants du Hezbollah ont été arrêtés et condamnés récemment en Egypte pour avoir tenté de faire passer des équipements en contrebande vers la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas et soumise à un siège israélien. En hiver 2008, des milliers de Gazaouis frustrés par le siège israélien sur leur territoire avaient fait irruption dans le Sinaï. Récemment, l’Egypte a pris des mesures pour renforcer le contrôle de ses frontières avec la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, en construisant une barrière métallique souterraine pour lutter contre la contrebande. De plus, le mouvement palestinien entretient de très bons rapports avec la confrérie interdite mais tolérée des Frères musulmans, ce qui irrite les autorités égyptiennes. Toutes ces considérations n’ont fait qu’attiser la tension entre Le Caire et le mouvement palestinien.
L’Egypte accuse à présent le Hamas de chercher à contourner le projet d’accord égyptien et de vouloir le modifier dans son propre intérêt. Quant au Hamas, il accuse l’Egypte d’avoir échoué dans ses efforts de médiation entre les factions palestiniennes. « Les relations entre Le Caire et le Hamas sont tendues avant même ces accusations mutuelles. Elles se sont détériorées depuis que le Hamas a refusé en octobre dernier de signer le plan égyptien de réconciliation », explique Chadi Abdel-Aziz, politologue. Et d’ajouter que le Hamas a toujours refusé de signer le document égyptien sur lequel il a toujours émis des réserves. Cela a toujours provoqué l’Egypte qui a menacé à plusieurs reprises de rompre ses relations avec le Hamas, y compris en matière de coopération politique et sécuritaire et d’interdire l’entrée sur le territoire égyptien des officiels du Hamas. « Cette attitude a également provoqué le Hamas », explique Chadi Abdel-Aziz. Et d’affirmer que Le Caire et le Hamas doivent se débarrasser de ce langage s’ils veulent régler le problème interpalestinien. « Les dirigeants du Hamas trouvent que Le Caire soutient le président palestinien Mahmoud Abbass au détriment de lui. Il faut que l’Egypte, parraine du dialogue palestinien, procède à un certain rééquilibrage si elle souhaite parvenir à un accord entre les factions palestiniennes et faire aboutir son initiative », pense le politologue. En fait, certains analystes pensent que l’Egypte est en train de perdre du terrain sur la scène palestinienne après que certains pays, comme la Turquie, eurent essayé de jouer un rôle actif pour la levée du blocus imposé à la bande de Gaza.
Ce rôle agace Le Caire, surtout l’influence de Téhéran et de Damas qui financent le Hamas.
Persistance égyptienne
L’Egypte avait présenté, l’année dernière, un plan global pour mettre un terme à la division interne palestinienne après avoir accueilli de chaudes discussions entre les factions palestiniennes. Le Hamas a refusé de signer la proposition d’accord égyptienne, affirmant vouloir que des modifications soient apportées au document. L’Egypte a fait savoir qu’elle n’a pas l’intention de modifier le document palestinien de réconciliation nationale. « Des amendements au document de réconciliation seraient totalement inacceptables », a souligné cette semaine Ahmad Aboul-Gheit, appelant le Hamas à signer le document. Pour une source diplomatique qui a requis l’anonymat, l’Egypte a admis les divergences avec le Hamas, mais elles ne doivent pas aller au-delà du contexte du document de réconciliation. « Le Hamas nous a dit à plusieurs reprises qu’il étudiait les propositions égyptiennes et qu’il ferait tout pour tenter de traverser la phase actuelle, mais il refuse toujours de signer. (...) Pourtant, nous allons les aider pour mettre fin au blocus », affirme la source. Et d’ajouter : « Eux aussi ils doivent nous aider et signer le document approuvé par le Fatah. Mahmoud Abbass nous a affirmé qu’il était en train de préparer la formation d’un nouveau gouvernement pour mettre fin aux divergences interpalestiniennes », ajoute la source. Pourtant, Abbass a déclaré que le Hamas doit d’abord accepter l’initiative égyptienne. « Si le Hamas signe le document égyptien, nous n’aurons aucune objection à l’établissement d’un gouvernement indépendant qui recevrait des fonds pour rebâtir Gaza », a déclaré Abbass. Les accusations mutuelles entre Le Caire et le Hamas montrent que la réconciliation interpalestinienne est loin d’être achevée.
Chérif Ahmed