lundi 14 juin 2010

Pressions sur Israël pour lever le blocus de Gaza

lundi 14 juin 2010 - 06h:30
Donald Macintyre
The Independant
L’embargo israélien qui dure depuis 3 ans sur les produits destinés à Gaza est "inacceptable et contre-productif" affirme un rapport du Quartette. Trois ministres des Affaires étrangères ont demandé la réouverture des points de passage vers Gaza.
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Camions palestiniens au terminal de Karni, entre Israël et la bande de Gaza.
Des ministres des AE de l’UE ont demandé la réouverture du passage.
(AFP/Getty Images)

Le Cabinet israélien se trouve aujourd’hui affronté à une pression internationale d’une ampleur sans précédent - suite à l’attaque meurtrière de commandos de sa marine sur une flottille pro-palestinienne il y a 15 jours - pour desserrer son embargo économique de 3 ans sur Gaza.
Des diplomates occidentaux espèrent que Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien donnera ce matin les premiers signes d’un changement majeur de politique concernant Gaza et autorisera l’entrée d’une vaste gamme de produits civils pour mettre fin à la paralysie de la vie commerciale de l’enclave assiégée. Le délégué international pour le Moyen-Orient, Tony Blair, a rencontré M. Netanyahu pour la troisième fois en huit jours vendredi dernier et a insisté pour que la liste extrêmement limitée des produits et fournitures civils "autorisés" soit supprimée et remplacée par une liste des produits interdits, ce qui constituerait une première étape pour amorcer la renaissance du commerce et la reconstruction d’après guerre.
Cette différence qui a l’air d’être technique aurait en fait des conséquences importantes parce qu’elle signifierait que Netanyahu accepte l’importation des produits civils à Gaza - y compris les matières premières pour les usines et l’exportation qui en découlerait - à l’exception des produits qui constitueraient une menace claire pour Israël.
La réunion du Cabinet israélien d’aujourd’hui a lieu 24 heures avant la rencontre des ministres des Affaires étrangères de l’Europe à Bruxelles, et trois d’entre eux, celui de la France, Bernard Koushner, de l’Italie, Franco Frattini et celui d’Espagne, Miguel Moratinos, ont demandé publiquement la semaine dernière l’assouplissement du blocus naval et la réouverture de Karni, le point de passage principal entre Israël et Gaza.
Le blocus, mis en place après que le Hamas ait pris le contrôle de Gaza quand sa coalition avec le Fatah a explosée en juin 2007, a provoqué la ruine du secteur industriel autrefois prospère de Gaza, anéanti les exportations agricoles, et confiné la vitale industrie de la pèche à un mille des côtes, de sorte que 80% des Gazaouis dépendent aujourd’hui de l’aide internationale pour leur survie et que l’importante contribution de 7,5 milliards de dollars de donateurs étrangers pour la reconstruction après l’attaque israélienne du l’enclave en 2008-2009 ne peut pas être utilisée.
On peut avoir un aperçu de la stratégie développée par le Quartette (l’ONU, les USA, l’UE et la Russie) - qui a mandaté M. Blair pour conduire les négociations avec M. Netanyahu - grâce à un document de travail dont William Hague, le Secrétaire des Affaires étrangères britannique, a autorisé la diffusion après l’attaque de la flottille et qui qualifie le blocus de 3 ans "d’inacceptable et de contre-productif". Il stipule aussi que le blocus "porte atteinte aux habitants de Gaza, leur ôte toute perspective d’avenir et mine le travail de reconstruction, de développement et de reprise économique. En même temps, le blocus fortifie le Hamas grâce à l’économie des tunnels et met en danger la sécurité d’Israël sur le long terme à cause de son impact désastreux sur la jeunesse palestinienne".
Le document britannique qui a été communiqué dimanche au journal l’Independent précise que la nouvelle stratégie n’a pas pour but de "récompenser le Hamas" et que le Quartette tient à réiterer "sa position d’ensemble sur le Hamas et son inquiétude sur le rôle qu’il joue à Gaza" ; le document demande à nouveau la libération inconditionnelle de Gilad Shalit, le soldat israélien capturé par le Hamas et d’autres militants de Gaza il y a 4 ans.
Mais bien que ce document de travail ait été rédigé pour la réunion du Quartette de la semaine dernière, il résume "un accord déjà largement accepté" sur un certain nombre de mesures d’allégement du blocus "qui sont le résultat de travaux antérieurs de l’ONU et du représentant du Quartette [M. Blair]". Elles comprennent :
* la reconstruction urgente sous l’égide de l’ONU. Selon le document, le blocus a empêché la mise en oeuvre du plan "détaillé" de l’ONU pour la reconstruction des bâtiments les plus indispensables comme les écoles, les hôpitaux, le système d’égouts, et autres infrastructures ;
* le remplacement de la liste de "produits autorisés" par une liste de "produits interdits" - ce qui est "la meilleure manière de protéger la sécurité en même temps que l’activité économique indispensable" ;
* la réouverture de Karni "le seul point de passage qui permet le flux des grandes quantités de marchandises nécessaires" sous le contrôle éventuel de l’UE comme cela a été fait à Rafah avant juin 2007 ;
* la reprise des livraisons maritimes "par [le port israélien de] Ashdod" pour aider au redémarrage de l’importation et de l’exportation ;
* une augmentation des subventions de l’agence UNRWA de l’ONU pour les Réfugiés qui s’occupe de l’éducation et de la santé de près d’un million et demi de Gazaouis.
Les négociations sur le blocus ont eu lieu en même temps (spécialement entre Israël et les USA) que celles concernant le type d’enquête qui devait être menée sur l’assaut des commandos qui ont abordé la flottille et causé la mort de neuf Turcs dans le combat à bord du plus grand des navires, le navire de passagers : le Mavi Marmara. Israël, dont le chef d’état-major Gabi Ashkenazy a nommé Giora Eiland, un général de réserve et ancien chef de l’Agence de sécurité nationale pour diriger l’enquête sur l’opération maritime, a indiqué qu’il allait aussi nommer un ancien juge de la Haute Cour pour diriger une enquête civile. On ne s’attend pas à ce que cette enquête recueille les témoignages des membres des forces de la marine qui prirent part à l’assaut.
Bien que les gouvernements occidentaux et israéliens aient nié qu’il y ait le moindre lien entre ces deux questions, des diplomates ont reconnu que si Israël acceptait de desserrer significativement l’embargo sur Gaza, cela diminuerait la pression pour une enquête internationale approfondie comme celle qui avait été suggérée par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-man.
Le remplacement de la liste des "produits autorisés" par une liste de "produits interdits" serait un changement majeur de politique puisque cette dernière inclurait sans doute seulement des produits dangereux pour la sécurité d’Israël. Cela démontrerait une modification du but initialement poursuivi lors de la mise en place de l’embargo (accentué par la déclaration du cabinet israélien de l’époque qui qualifiait Gaza "d’entité hostile") dont le but bien plus large était de mettre à mal l’économie de l’enclave.
A cette époque-là, les autorités israéliennes ont fourni à la justice, dans les procès contre le blocus, des documents qui citaient des conventions internationales permettant "la guerre économique" dans certaines circonstances. Et M. Netanyahu, qui n’était pas alors en poste, pouvait raisonnablement prétendre qu’il n’était pour rien dans la décision originelle.
Quand Israël a assoupli l’embargo la semaine dernière pour permettre l’entrée d’une gamme de produits alimentaires supplémentaire (comme le coriandre, la confiture, le hummus conditionné et les biscuits auparavant bannis) Gisha, l’organisme israélien pour les Droits de l’Homme, fit remarquer qu’Israël ne laissait toujours pas entrer des matières premières comme la margarine et le glucose nécessaires aux fabriques de produits alimentaires de Gaza.
Il en est de même d’une gamme encore plus étendue de matières premières, comme les tissus qui jusqu’en 2007 étaient importés en grandes quantités par des centaines de petites usines. Il est très difficile d’affirmer que c’est par mesure de sécurité qu’on interdit l’importation de rouleaux de tissu.
Il semblerait que le remplacement de la liste de produits "autorisés" par une liste de produits "interdits" soit considéré par M. Blair comme la première des trois étapes de la levée de l’embargo. La seconde est que des agences d’aide internationale, avec l’accord d’Israël, supervisent les marchandises "à double usage", marchandises dont Israël pourrait craindre que le Hamas ne les utilise à des fins militaires. C’est ce qui a été fait ces dernières semaines par l’ONU qui, en se portant garant que les matériaux importés seraient employés à des fins uniquement civiles, a permis une augmentation étroitement encadrée de l’entrée des matériaux de construction pour reconstruire les égouts, les maisons et les hôpitaux. L’ONU souhaite développer son action dans ce domaine.
Israël a toutefois jusqu’ici absolument refusé de lever le blocus maritime pour permettre à des bateaux de se rendre à Gaza après une inspection israélienne et/ou internationale, comme le lui avaient suggéré des Européens.
La troisième étape est la réouverture des points de passage (surtout celle du grand terminal de marchandises de Karni) où des officiels européens et peut-être par la suite la garde présidentielle du Président Mahmoud Abbas seraient responsables du contrôle des marchandises entrant à Gaza.
13 juin 2010 - The Independent - traduction : Dominique Muselet
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8927