vendredi 9 avril 2010

La légalité de l’Etat sioniste mise en question

jeudi 8 avril 2010 - 21h:19
Alan Hart, Khaleej Times (EAU)
Mounadil Djazaïri : Alan Hart est un de ces vieux routiers du journalisme britannique dont on ne sait s’ils sont de droite ou de gauche tant leur parcours personnel et intellectuel semble porter une marque d’excentricité typiquement britannique.
Excentricité ne veut pas dire farfelu, terme qui ferait injure au grand professionnalisme d’un reporter au parcours peu commun. Ainsi, Hart a une très bonne connaissance des dossiers relatifs au Moyen Orient, région qu’il a couverte pour la chaîne ITN et la BBC. Sur son site web personnel, on peut le voir, alors jeune journaliste, devant le canal de Suez au moment de l’avancée sioniste pendant la guerre dite des six jours ou serrant la main du roi Fayçal d’Arabie qu’il fut le premier journaliste occidental à interviewer. Sans oublier une photo de Golda Meir, dédicacée à son intention par l’ancienne chef du gouvernement sioniste.
Toutes ces expériences et rencontres ont fait d’Alan Hart un anti sioniste convaincu si ce n’est radical. L’article que je vous propose ici n’apporte guère d’éléments nouveaux, mais j’ai trouvé qu’il synthétisait bien le problème de légitimité, de légalité auquel est confrontée l’entité sioniste.
Cette question est en effet aussi fondamentale que celle des rapports de force, militaires ou politiques, car elle en est en partie indépendante. Car la base légale de l’entité sioniste est inexistante pour les raisons qui sont exposées ci-après. Et la situation restera en l’état tant que les Palestiniens n’auront pas non seulement reconnu l’Etat sioniste mais aussi son caractère juif. Comme le dit Alan Hart, sans ce préalable de reconnaissance par les palestiniens, il n’y a aucune chance que le régime sioniste accepte de négocier pour autre chose que la suppression de tel ou tel checkpoint.
Le problème qui se pose aux sionistes, c’est que cette reconnaissance ne peut leur être accordée que de deux manières : soit par un référendum auprès de la population palestinienne, soit par un Etat palestinien. Or cet Etat est précisément ce dont les sionistes ne veulent pas ou que même les moins ultras d’entre eux ne peuvent plus vouloir du fait de la réalité de la colonisation des territoires occupés en 1967. Et, de toutes façons, aucun dirigeant palestinien ne sera assez fou pour reconnaître le caractère juif de l’Etat voyou.
Un oxymore au Moyen Orient
(JPG)
Alan Hart
Pour les lecteurs qui ne seraient pas très familiers avec la terminologie anglaise, un oxymore est une figure de rhétorique qui combine des termes contradictoires pour former une expression comme la gentillesse cruelle ou faussement vrai (ce mot dérive du grec oxymoros qui signifie fin sous une apparence de niaiserie).
Dans le cadre de ce débat sur la légitimité d’Israël, je vais me limiter à une question et une réponse.
La question est : comment pouvez-vous délégitimer quelque chose (en l’espèce l’État sioniste) alors qu’elle n’est pas légitime ?
Mettons de côté le conte à dormir debout de la promesse divine (qui même si elle était vraie n’aurait aucune incidence sur la question parce que les Juifs qui sont "rentrés" en réponse à l’appel du sionisme n’avaient aucun lien biologique avec les anciens Hébreux), la prétention à la légitimité de l’État sioniste repose sur la Déclaration Balfour de 1917 et la résolution portant de l’Assemblée Générale de l’ONU de 1947 sur le plan de partition.
Le seul intérêt réel de la Déclaration Balfour est le fait qu’elle était une expression à la fois de la volonté du gouvernement britannique d’instrumentaliser les Juifs à des fins impériales et de la volonté des juifs sionistes d’être utilisés. La vérité est que la Grande Bretagne n’avait absolument aucun droit de promettre aux sionistes un territoire en Palestine qui n’était pas possession britannique (à l’époque, la Palestine était contrôlée et effectivement rattachée à l’Empire Ottoman).
La Déclaration Balfour a permis aux sionistes de dire que leur revendication sur la Palestine avait été reconnue par une grande puissance et d’affirmer ensuite que l’entreprise sioniste était donc légitime. Mais la légitimité que la Grande Bretagne a attribuée implicitement était complètement fallacieuse, ce qui signifie inauthentique, mensongère, une imposture.
L’assertion par les sionistes qu’Israël a reçu son acte de naissance et donc sa légitimité de la résolution de partition adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies du 29 novembre 1947 relève de la pure propagande et du non sens ainsi que le démontre un examen honnête des faits tels qu’ils se sont passés.
En premier lieu, sans le consentement de la majorité des habitants de la Palestine, l’ONU n’avait pas le droit de décider la partition de la Palestine ou d’assigner une partie de son territoire à une minorité d’immigrants étrangers afin qu’ils y établissent leur propre État.
Malgré cela, par la plus faible des marges, et après un vote truqué, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution de partition de la Palestine pour créer deux États, un arabe et un juif, Jérusalem ne faisant partie d’aucun des deux. Mais la résolution de l’Assemblée Générale n’était qu’une proposition non contraignante - ce qui veut dire qu’elle ne pouvait pas avoir d’effet, ne pouvait devenir contraignante qu’à condition d’être approuvée par le Conseil de Sécurité.
La vérité est que la proposition de partition de l’Assemblée Générale n’a jamais été soumise à l’examen du Conseil de Sécurité. Pourquoi ? Parce que les Etats Unis savaient, en cas d’approbation, qu’en raison de l’opposition des Arabes et des autres Musulmans, elle ne pouvait être mise en application que par la force ; et le président Truman n’était pas prêt à recourir à la force pour partager la Palestine. Le plan de partition souffrait donc d’un vice de forme (qui le rendait non valide) et la question de quoi diable faire de la Palestine - après le gâchis causé par les britanniques puis leur départ) - était ramenée devant l’Assemblé Générale pour de nouvelles discussions. . L’option en faveur, et proposée par les États Unis, était une tutelle temporaire par l’ONU. C’est alors que l’Assemblée Générale débattait de ce qu’il convenait de faire qu’Israël a déclaré unilatéralement son indépendance - au mépris même de la communauté internationale organisée, dont l’administration Truman.
La vérité à l’époque était qu’Israël, qui est née principalement comme conséquence du terrorisme sioniste et du nettoyage ethnique planifié, n’avait pas droit à l’existence et, pour être plus précis ; ne pouvait avoir le droit à l’existence sauf si... Sauf si elle était reconnue et légitimée par ceux qui ont été dépossédés de leur terre et de leurs droits avec la création de l’État sioniste. Selon le droit international, seuls les palestiniens pouvaient donner à Israël la légitimité qu’elle convoitait.
Comme me l’avait exposé il y a de nombreuses années Khalad al-Hassan, un important intellectuel du Fatah, cette légitimité était "la seule chose que les sionistes ne pouvaient pas nous prendre par la force."
La vérité historique telle que résumée brièvement ci-dessus explique pourquoi le sionisme a toujours insisté sur la condition préalable absolue pour des négociations ayant la plus petite chance d’aboutir (une mesure de justice acceptable pour les Palestiniens et la paix pour tous) qui consiste à reconnaître le droit d’Israël à l’existence. Un droit qu’elle sait ne pas avoir et n’aura jamais sauf si les palestiniens le lui accordent.
On peut dire sans crainte d’être contredit (sauf par des sionistes) que ce qui délégitime Israël, c’est la vérité historique.
Et c’est pourquoi le sionisme a travaillé si dur, avec moins de réussite que par le passé et donc de façon de plus en plus désespérée, d’éliminer la vérité.
Alan Hart est un journaliste Britannique, (ancien correspondant d’ITN au Moyen Orient, ancien présentateur de l’émission Panorama sur la BBC) écrivain et biographe de Yasser Arafat. Son dernier livre, Le sionisme : le véritable ennemi des juifs, est une épopée en trois volumes.
6 avril 2010
Traduit de l’anglais par Mounadil Djazaïri