samedi 20 mars 2010

Appel d’un groupe de Palestiniens chrétiens

publié le vendredi 19 mars 2010
Conseil oecuménique des Eglises

 
S’élevant contre l’occupation, un groupe de chrétiens palestiniens, après avoir prié, réfléchi et échangé sur leur épreuve liée à l’occupation israélienne, expriment une "parole de foi, d’espérance et d’amour". Ils adressent à leurs frères et sœurs dans toutes les Eglises la question suivante : pouvez-vous nous aider à retrouver notre liberté ? Ainsi seulement vous aiderez les deux peuples de cette terre à parvenir à la justice, à la paix, à la sécurité et à l’amour.
L’appel, intitulé "Un moment de vérité" et publié lors d’une réunion qui s’est tenue le 11 décembre à Bethléem, intervient alors que de nombreux Palestiniens ont le sentiment de se trouver dans une impasse. Il fait écho à une démarche similaire engagée par les Eglises sud-africaines au milieu des années 1980, au paroxysme de la répression sous le régime d’apartheid. Cet appel avait permis de galvaniser les Eglises et l’opinion publique à travers un effort concerté qui avait fini par entraîner la chute de l’apartheid.
Les auteurs du document - le patriarche émérite Michel Sabbah, du Patriarcat latin de Jérusalem, l’évêque luthérien de Jérusalem Munib Younan, l’archevêque Theodosios Atallah Hanna de Sebastia, du Patriarcat orthodoxe grec de Jérusalem et 13 autres théologiens des diverses Eglises chrétiennes de Palestine - interpellent les responsables politiques des sociétés palestinienne et israélienne, la communauté internationale et leurs "frères et sœurs dans nos Eglises". Ils leur demandent de jouer un rôle pour répondre à l’aspiration à la liberté du peuple palestinien et insistent sur la nécessité urgente d’une paix établie dans la justice.
Un présent d’oppression
Exprimant leur douleur, les signataires de l’appel dénoncent le non aboutissement des promesses sur la paix dans la région. Ils attirent l’attention du monde sur le mur de séparation érigé en territoire palestinien, le blocus de Gaza, les ravages causés à leurs terres par les colonies israéliennes, l’humiliation aux points de contrôle, les restrictions en matière de liberté religieuse et le contrôle des accès aux lieux saints, le sort des réfugiés attendant leur droit au retour et des prisonniers croupissant dans les prisons israéliennes, le mépris manifeste d’Israël pour le droit international ainsi que la paralysie de la communauté internationale face à cette tragédie.
Rejetant l’argument de la légitime défense avancé par Israël pour justifier ses agissements, ils déclarent sans ambiguïté que s’il n’y avait pas d’occupation, "il n’y aurait pas de résistance ; il n’y aurait eu non plus ni peur ni insécurité."
Pour l’espérance, la justice et l’amour
Selon eux, "Dieu nous a créés non pour que nous nous disputions et nous affrontions," mais pour "édifier ensemble cette terre, par notre amour et notre respect mutuel." Ils ajoutent croire que leur terre "a une vocation universelle" et affirment que "la promesse de la terre ne fut jamais un titre d’appropriation politique. Elle est plutôt une introduction au salut universel". Par ailleurs, le "lien avec cette terre est une question existentielle. Ce n’est pas seulement une question d’idéologie ou de théorie théologique", disent-ils. En outre, ils rejettent toute utilisation de la Bible pour légitimer ou soutenir des choix et des positions politiques qui se fondent sur l’injustice.
Qualifiant l’occupation des terres palestiniennes de péché à l’encontre de Dieu et de l’humanité, ils s’accrochent fermement aux signes d’espoir, tels que les "centres locaux de théologie" et les "nombreux dialogues interreligieux", affirmant que ces signes apportent de l’espoir à la résistance à l’occupation. Dans une approche pacifique, la résistance est autant un droit qu’un devoir, car elle a la capacité de hâter le moment de la réconciliation. Or cette résistance doit suivre la logique de l’amour. Elle doit être créative, c’est-à-dire qu’il lui faut trouver les moyens humains qui parlent à l’humanité de l’ennemi lui-même. Le Christ nous a donné un exemple à suivre. Nous devons résister au mal, mais il nous a enseigné de ne pas résister au mal par le mal.
Entrer en résistance
Le groupe affirme que le moment présent exige de se repentir pour les actions passées - soit pour avoir recouru à la haine en tant qu’instrument de résistance, soit en s’étant montré indifférent ou en ayant vu la situation à travers le prisme de positions théologiques erronées - et appelle la communauté internationale et les Palestiniens à faire preuve de fermeté. "Venez et voyez", appellent-ils, afin de "faire connaître la vérité".
Ils demandent à la communauté internationale de cesser la pratique "des deux poids, deux mesures" et d’appliquer à toutes les parties les résolutions internationales qui ont trait à la question palestinienne. Car l’application de la loi internationale aux uns et sa non-application aux autres laisse la porte grande ouverte à la loi de la jungle. Ils précisent : "Nous vous invitons aussi à écouter l’appel des organisations civiles et religieuses pour commencer à appliquer à l’égard d’Israël le système des sanctions économiques et du boycott. Nous le répétons encore une fois, il ne s’agit pas de se venger, mais de parvenir à une action sérieuse pour une paix juste et définitive, qui mette fin à l’occupation israélienne des Territoires palestiniens, et qui garantisse la sécurité et la paix à tous".
Ils concluent avec émotion : "En l’absence de tout espoir, nous faisons entendre aujourd’hui notre cri d’espoir. Nous croyons en un Dieu bon et juste. Nous croyons que sa bonté finira par triompher sur le mal de la haine et de la mort qui règnent encore sur notre terre. Et nous finirons par entrevoir une "terre nouvelle" et un "homme nouveau", capable de s’élever par son esprit jusqu’à l’amour de tous ses frères et sœurs qui habitent cette terre."
* Résumé établi à partir d’un texte du Conseil œcuménique des Eglises : http://www.oikoumene.org/fr/nouvell...
Le texte complet de l’appel peut être trouvé par exemple aux adresses suivantes :