vendredi 27 novembre 2009

L’importance de la peur

publié le jeudi 26 novembre 2009

Palestine Monitor
Aujourd’hui, Israël semble sur le point d’accorder à ses plus féroces ennemis du Hamas un coup de maître avec la libération possible de jusqu’à 1 000 prisonniers. Comment faut-il l’interpréter ?

“Nous ne négocions pas avec les terroristes”. Ce mantra a été longtemps la valeur chérie des démocraties occidentales. En réalité, toutes les grandes puissances ont, à un moment donné, fini par se résoudre à discuter avec des militants, que ce soit en Irlande du Nord ou en Iraq. Aujourd’hui, Israël semble sur le point d’accorder à ses plus féroces ennemis du Hamas un coup de maître avec la libération possible de jusqu’à 1 000 prisonniers. Comment faut-il l’interpréter ?

Bien sûr, il restera environ 10 000 prisonniers derrière les barreaux qu’Israël devra encore libérer, et rien ne l’empêche d’appréhender qui que ce soit, quand cela lui plaît, et à tout moment. Néanmoins, une libération massive de prisonniers « durs », concession jamais accordée à Abbas et à l’OLP, représente une rupture majeure avec sa politique.

En 2007, Israël a libéré 429 prisonniers, une décision perçue comme un geste pour soutenir Abbas, la majorité d’entre eux accomplissant de courtes peines pour une infraction légère voire aucune. Depuis, Israël n’a fait preuve d’aucun désir de poursuivre dans cette voix même dans un autre domaine. La crédibilité du président palestinien a chuté à la suite de sa position face au rapport Goldstone et de son incapacité à maîtriser l’expansion des colonies, dans la mesure où il est sur le point d’abandonner. Sous sa direction, l’OLP a obstinément suivi une politique de négociations plutôt que de force et de menaces, pour s’apercevoir que ses partenaires dans le « processus de paix » ne prenaient pas ses engagements aux sérieux.

Les échecs d’Abbas, voulus par Obama et Netanyahu, ont élargi la base du soutien au Hamas. Celui-ci est en train de devenir rapidement le seul parti palestinien qu’Israël prend au sérieux, pas par choix, mais contraint et forcé. Sous la direction Hamas, Gaza reste sans check-points ni colonies, avec une direction non récusée internationalement et d’une manière dont les autorités cisjordaniennes ne peuvent rêver. S’il n’y avait eu cette vague d’arrestations, par les Israéliens, des dirigeants Hamas en Cisjordanie, il est presque certain que celui-ci aurait pris le pouvoir, là aussi.

Les massacres et le siège ont renforcé son leadership, l’opposition intérieure a été écrasée, et pour l’opinion qui a voté massivement en sa faveur il est la véritable voix de la résistance. Grâce un financement par d’autres Etats telle que l’Arabie saoudite, il a été en mesure de développer progressivement un Etat à son image, fermement islamiste, bien organisé et sans complaisance. Il a de puissants alliés en Egypte également, qui lui fournissent du matériel grâce au réseau de galeries souterraines et, très important, qui lui fournissent une cachette pour sa prise de guerre en or, Gilad Shalit. De plus en plus, Israël en arrive à faire des gestes de bonne volonté, ouvrant les frontières pour permettre à 600 veaux d’entrer pour l’Aïd, de même que des livres et de l’aide humanitaire antérieurement interdits (de façon criminelle). Il existe maintenant des lignes de communication entre Israël et les « terroristes » dont Olmert disait qu’ils « ne pourraient jamais être un partenaire ».

Qu’Ahmad Saadat et Marwan Barghouti soient encore en discussion pour l’échange envisagé est déjà une reconnaissance du pouvoir nouveau du Hamas. Barghouti serait aisément vainqueur à des élections présidentielles, il est la personnalité qui a suffisamment d’influence pour unir les factions en conflit, Fatah et Hamas. Si Israël avait voulu vraiment avoir comme voisin une Palestine forte, unie, alors il y a longtemps que Barghouti aurait été libéré.

Naturellement, d’envisager leur libération et celle de nombreux autres prisonniers « durs » accomplissant des condamnations pour des crimes violents génère une énorme controverse en Israël. Conscient du possible désastre en matière de relations publiques, le gouvernement s’est abstenu de publier la liste des prisonniers, ce qui a provoqué la saisine de la Haute Cour israélienne par des parents endeuillés pour faire annuler cette décision du gouvernement. « Le gouvernement travaille à cet accord d’une façon furtive » s’est plaint leur porte-parole, Dan Sion, et il est difficile de lui donner tort. Même si Netanyahu a promis un débat public, selon toute vraisemblance, son résultat en sera réglé d’avance.

L’armée est déterminée à tout faire pour le retour de Shalit, par tous les moyens nécessaires, et si cela passe par la conversion du Hamas en un héros populaire, c’est le prix qu’elle est prête à payer. Pour l’OLP, qui a perdu des années en discussions stériles, ce serait une pilule amère à avaler. Pour le monde, ce serait un nouveau rappel que la force est le seul langage qu’Israël peut comprendre vraiment.

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traduction pour l’Afps : JPP