vendredi 23 octobre 2009

Colonisation en Cisjordanie ; La Cour d’appel du Québec interpellée

publié le jeudi 22 octobre 2009

Radio Canada
La Cour d’appel du Québec entend depuis mardi une requête de Palestiniens du village de Bil’in, dans les territoires occupés par Israël en Cisjordanie, pour voir si la justice canadienne a l’obligation de se pencher sur leur bataille.

Les Palestiniens souhaitent poursuivre deux entreprises canadiennes pour avoir construit des maisons sur des terres qu’ils revendiquent. Les habitants du village de Bil’in soutiennent que leurs terres leur ont été volées par Israël, qui y installe des colons juifs.

Comme deux sociétés enregistrées au Québec, Green Mount International Inc. et Green Park International Inc, construisent des logements pour des colons israéliens, les Palestiniens ont demandé, en juillet 2008, l’autorisation de poursuivre les entreprises devant la justice canadienne.

Quelque 40 000 personnes vivent sur des terres revendiquées par Bil’in et par d’autres villages voisins. L’une des avocates du village, Emily Schaffer, soutenait alors que les deux entreprises québécoises ont construit 16 immeubles, sur un total évalué à 42, sur les lieux contestés, où environ 1000 familles vivraient, et ont donc été complices d’un acte illégal.

Chaque vendredi depuis cinq ans, des manifestants du village vont défier les soldats israéliens devant la clôture et les barbelés qui les séparent des terres qu’ils revendiquent.

En septembre dernier, la Cour supérieure du Québec a rejeté cette demande. Le juge Louis-Paul Cullen avait alors conclu que les plaignants faisaient du magasinage de juridiction, et estimait que la cause devrait plutôt être présentée en Israël.

Le juge Cullen a constaté que les Palestiniens n’ont pas présenté leurs arguments de droit international devant les tribunaux israéliens, ce qui, à ses yeux, invalide leur prétention d’avoir épuisé tous leurs recours en Israël.

La Cour supérieure a également estimé que les Palestiniens n’ont apporté aucune preuve de leur possession des terres en question. Il ajoute qu’ils auraient eu besoin de l’appui du ministère fédéral de la Justice pour invoquer l’application des conventions internationales en sol canadien.

Le juge Cullen a par ailleurs rappelé que, contrairement aux États-Unis, les tribunaux civils canadiens n’ont pas juridiction sur des litiges présentés par des étrangers au sujet d’événements intervenus à l’étranger.

Mais les Palestiniens ont décidé d’en appeler devant la Cour d’appel du Québec.

Le litige oppose une compagnie canadienne et un village palestinien. Pourquoi un tribunal israélien serait mieux placé qu’un tribunal canadien ?

— Michael Sfard, avocat de Bil’in

La Cour d’appel du Québec ne tranchera pas le fond du litige et cherchera à déterminer si les constructions israéliennes sont illégales ou non, mais plutôt de voir si la justice canadienne a l’obligation de se pencher sur cette bataille du conflit israélo-palestinien.

Une poursuite en vertu de la loi sur les crimes de guerre

La poursuite déposée par ce village de Cisjordanie invoque entre autres la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, adoptée par le Canada en 2000. Elle s’appuie aussi sur la Convention de Genève, la Charte québécoise des droits et libertés et le Code civil du Québec. [1]

[1]

La Loi canadienne sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre en bref

Le Canada a adopté cette loi le 24 juin 2000, « la première loi exhaustive du monde à prévoir l’exécution des obligations d’un pays envers la Cour pénale internationale », selon le gouvernement.

Elle apporte plusieurs changements judiciaires majeurs, comme le précise le ministère de la Justice. Cette loi :

* « permet de poursuivre toute personne présente au Canada pour toute infraction mentionnée dans la Loi, sans égard à l’endroit où cette infraction a été commise ; * codifie les infractions que sont le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le manquement aux responsabilités des commandants militaires et supérieurs civils ; * crée de nouvelles infractions afin de protéger l’administration de la justice à la CPI, y compris la sécurité des juges et des témoins ; * reconnaît la nécessité d’offrir réparation aux victimes et comporte un mécanisme à cette fin, au bénéfice des victimes d’infractions (les règlements permettant la mise en oeuvre de ces dispositions n’ont pas encore été pris). »

Notons que cette loi a permis une première condamnation en mai dernier : celle de Désiré Munyaneza, reconnu coupable de sept chefs d’accusation de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide en 1994 au Rwanda.