samedi 15 août 2009

Une solution nommée Barghouti

publié le samedi 15 août 2009

Bruno Odent
Les signaux émis ces jours-ci illustrent à leur manière combien la libération de Barghouti peut être décisive pour qui entend en venir à un vrai début de solution au Proche-Orient.

C’était il y a plus de sept ans déjà. Marwan Barghouti était fait prisonnier en plein coeur de la terre palestinienne, à Ramallah, par un commando de l’armée d’occupation israélienne. En violation flagrante du droit international puisque l’un des plus hauts représentants du peuple palestinien était ainsi arrêté en territoire occupé et transféré vers une prison de la puissance occupante. Ce qu’interdisent très précisément ces conventions de Genève dont on célébrait hier le soixantième anniversaire.

Procès biaisé, actes de résistance systématiquement assimilés par la partie civile (sic) israélienne à du terrorisme, condamnation à cinq peines de prison à vie, séjours successifs à l’isolement, périodes de détention dans des conditions inhumaines, se sont succédé durant ces sept années d’emprisonnement illégal.

Et pourtant rien n’aura permis de briser physiquement et surtout moralement Marwan Barghouti, qui bénéficie d’une aura extraordinaire en terre palestinienne. Au point d’y être encore et de très loin le dirigeant le plus populaire. Son élection toute récente à la direction du Fatah et maintenant le débat qui refait irruption au sein même du cabinet israélien sur le bien-fondé ou non de son éventuelle libération sont le signe d’un charisme étonnamment intact qui fait toujours de lui un interlocuteur décisif en dépit de son enfermement. Il est un personnage « clé », comme le furent jadis d’autres grands résistants à un moment décisif de l’histoire de leurs peuples opprimés. Comment ne pas penser à Nelson Mandela en ces temps où les autorités israéliennes dominées par les ultras bâtissent des murs dans l’espoir de consolider définitivement un système d’apartheid ?

Le « document des prisonniers », rédigé du fond de sa cellule en juin 2006 avec d’autres détenus politiques palestiniens, dont des dirigeants du Hamas ou du Djihad islamique, constitue l’une des initiatives politiques parmi les plus marquantes du leader palestinien. Alors que le Hamas et le Fatah s’affrontaient ouvertement sur le terrain avec la bénédiction des autorités occupantes israéliennes, ce texte a cherché à sceller l’unité nationale au-dessus des clans, du fait religieux ou de ces avantages si particuliers qu’ouvre la corruption qui mine malheureusement une partie de l’administration palestinienne. Voilà pourquoi Marwan Barghouti incarne avec autant de force l’unité de son peuple et sa légitimité à résister à l’occupation.

Les signaux émis ces jours-ci illustrent à leur manière combien la libération de Barghouti peut être décisive pour qui entend en venir à un vrai début de solution au Proche-Orient. Avec comme préalable la fin de la colonisation et le retrait d’Israël des territoires qu’il occupe depuis 1967. Pour permettre l’avènement d’un État palestinien viable à « côté de celui d’Israël », comme le souligne l’inspirateur de la deuxième Intifada qui ne cache pas son ouverture à la société israélienne - il parle parfaitement l’hébreu - et sa disponibilité pour une négociation fondée sur ces principes-là.

Il ne faut pas se leurrer cependant. Les extrémistes savent qu’ils n’ont rien de bon à attendre d’une libération du leader de la résistance palestinienne. Ils le préfèrent au fond d’une prison, voire mort. « Seulement pris ? Dommage », avait regretté Ariel Sharon en avril 2002 en apprenant son interpellation.

Le combat des Palestiniens comme l’amplification du mouvement de solidarité internationale sont donc, on l’aura compris, plus indispensables que jamais afin que la libération de Marwan devienne incontournable. Pour que justice soit faite. Mais aussi pour déverrouiller enfin la situation au Proche-Orient.