samedi 15 août 2009

Marwan Barghouti « Un prisonnier illégal »

publié le samedi 15 août 2009

entretien avec Daniel Voguet
Daniel Voguet, avocat, qui a suivi le procès du leader palestinien, estime que sa libération serait une chance pour les Palestiniens et pour Israël.

Vous avez fait partie du Comité international de défense de Marwan Barghouti et suivi son procès. Que pouvez-vous nous dire de l’homme ?

Daniel Voguet. Je veux d’abord rappeler l’illégalité totale de son procès et de sa condamnation : cinq fois la perpétuité et quarante ans de sûreté ! Il avait été enlevé dans un territoire occupé par la puissance occupante et transféré dans le pays occupant, ce qui est totalement contraire aux conventions de Genève dont on célèbre ces jours-ci les soixante ans. Quant à l’homme, je l’ai rencontré plusieurs fois : j’étais à toutes les audiences, parfois avec Gisèle Halimi et des élus français, comme le député Jean-Claude Lefort, ou de la Gauche européenne comme Francis Wurtz et Louisa Morgantini. Je l’ai aussi rencontré plusieurs fois en prison et me suis entretenu avec lui. Son procès a été un procès politique car c’est un dirigeant important du Fatah pour la Cisjordanie et un député. Il a été poursuivi pour cela, pour le rôle qu’il a joué dans la résistance à l’occupation. Ils l’ont qualifié de terroriste comme l’avaient fait les autorités françaises pour les résistants algériens.

N’était-il pas très engagé dans la lutte armée ?

Daniel Voguet. En fait, il était le responsable de la deuxième Intifada, qui était un mélange de lutte armée et de protestation populaire, avec manifestations, attaques contre les soldats et harcèlement des colons. Mais son objectif, il nous l’a longuement expliqué, était des négociations avec Israël pour un État palestinien viable, débarrassé des colonies. C’est d’ailleurs ce qui ressort de la déclaration des prisonniers qu’il a publiée avec des responsables de divers mouvements mais aussi du Hamas, emprisonnés avec lui.

Que signifierait sa libération selon vous ?

Daniel Voguet. Le gouvernement israélien, en l’arrêtant, a voulu donner un signe fort aux dirigeants palestiniens et leur signifier que la lutte armée entraînerait une répression terrible. Le libérer aujourd’hui serait le signe qu’Israël veut créer les conditions de vraies négociations de paix. Barghouti est resté très populaire, comme vient de le montrer son élection à la direction du Fatah avec un nombre impressionnant de voix. Mais sa popularité dépasse largement le cadre du Fatah. Il est de ceux qui sont pour un dialogue, voire une union avec le Hamas pour présenter un front uni face à l’occupant. Il est de ceux qui peuvent rassembler des gens d’opinion politiques différentes. C’est très nécessaire à un moment où la division du mouvement national palestinien l’entraîne dans une impasse et sert de prétexte à Israël pour refuser tout dialogue sérieux, toute concession. Cela contribuerait à ouvrir les portes de l’avenir pour les deux pays, la Palestine mais aussi Israël.

Entretien réalisé par Françoise Germain-Robin

publié par l’Humanité

http://www.humanite.fr/2009-08-13_I...